Tiens, vu dans Libération, comme quoi, on parle de lui !
La Porte de Ptolémée clôt la Trilogie de Bartiméus, un franc succès d'édition jeunesse, de la génération spontanée des Harry Potter. On retrouve le craquant Bartiméus, djinn courageux et insolent, le jeune Nathaniel et la rebelle Kitty dans un Londres dirigé par une oligarchie de magiciens. L'humour est toujours là, mais ce troisième volume paraît plus sombre. Le pouvoir magique de Bartiméus a décliné, Nathaniel devenu ministre semble abattu et Kitty vit dans la clandestinité. Une anémie prologue d'un putsch démoniaque. Rencontre avec Jonathan Stroud, qui vit à St Albans, dans la banlieue de Londres, et qui est annoncé à Montreuil. On ne s'attendait pas à une fin pareille...Une fin «heureuse» n'aurait pas été heureuse. C'est vrai que les trois héros se sacrifient dans une certaine mesure. Mais il fallait achever la trilogie, continuer à porter l'histoire n'aurait pas eu de sens. C'est bien de s'arrêter quand on a encore le contrôle. Les lecteurs ont certaines attentes dans ce type de roman et j'ai essayé tout au long de ces trois tomes de ne pas donner dans l'attendu. Enfant, j'aimais beaucoup la fantasy. J'ai été très malade entre 7 et 9 ans et j'ai dévoré énormément de livres remplis d'elfes, de trolls et d'épées... des séries qui n'en finissaient plus. Les titres de fantasy pour adultes ne m'intéressent pas : la fin est toujours la même.Pourquoi une double narration, le magicien et son djinn ?Plutôt que d'avoir un jeune magicien comme Harry Potter, j'avais envie de créer un antihéros. Mon projet était de renverser le scénario classique où les humains représentent le bien et les démons le mal. De là est né Bartiméus, un djinn ambivalent. Mais sa seule voix, qui est immédiatement sortie comme forte et subjective, aurait écrasé le lecteur. Celle de Nathaniel, seule, ne me satisfaisait pas non plus. J'avais besoin d'un balancement, d'une voix qui suive. Dans ce dispositif de double narration, Bartiméus et Nathaniel, m'a paru être une juxtaposition efficace. Dans le deuxième livre, j'ai introduit un personnage de femme, qui a l'étoffe d'une héroïne _elle rejoint la résistance qui lutte contre le gouvernement des magiciens_ mais qui est également dotée d'une personnalité confuse.Kitty voyage dans le monde des démons. Ce passage a-t-il été difficile à écrire ?Bartiméus est l'opposé d'un humain, mouvant, changeant. J'étais inquiet à l'idée de la difficulté de rendre ce passage dans un monde immatériel, le lieu de l'essence. Je me suis focalisé sur Kitty, qui décide pour pouvoir exister dans l'autre monde de se transformer en quelque chose de solide, en sphère. Comme un lecteur qui doit avoir quelque chose de solide pour s'accrocher.Votre marque de fabrique réside dans des notes de bas de pages, apartés cyniques de Bartiméus.Quand j'étudiais la littérature anglaise, je me délectais de ces notes de bas de page. J'aime bien l'idée de disposer de différents niveaux de lecture. C'est ludique et rafraîchissant. Elle donne le choix au lecteur, lui accorde des pauses. Elles arrivent dès la page 2 du premier tome. Dans le premier, j'en ai mis beaucoup ; dans la Porte de Ptolémée, de facture plus sombre, elles sont moins nombreuses. Il faut en garder la maîtrise avant que le procédé ne devienne ennuyeux. Je me suis beaucoup amusé à les écrire !D'où vient le nom Bartiméus ?Editeur pour la jeunesse avant d'être écrivain à plein temps, j'ai publié des bibles pour les enfants dans lesquelles j'ai un jour découvert le nom de Bartiméus. Quand j'ai cherché à baptiser mon djinn, le nom m'est revenu à l'esprit. Je l'ai choisi parce que c'est un nom ancien, idéal pour un djinn qui a vécu dans différentes parties du monde et à différentes époques. Mon démon n'a bien sûr aucune relation avec le personnage biblique. Où trouvez-vous votre inspiration ?J'ai lu les mythes, les légendes, les contes de fées. Mais c'est surtout dans mes souvenirs que je me sers, comme un oiseau qui construit son nid. Quand j'ai écrit le deuxième volume, celui où Bartiméus vole l'amulette et qu'il se transforme en Ptolémée, je ne savais pas pourquoi. Je savais qu'il me faudrait l'expliquer dans le troisième livre. Aux deux tiers, j'ai réalisé qu'il me fallait revenir en arrière pour écrire un chapitre sur Ptolémée. J'ai volé le nom et imaginé de toutes pièces une histoire.Le pouvoir est au coeur de la série. C'est effectivement une satire politique, surtout dans le livre 2. Je voulais qu'elle soit située à Londres, où j'ai vécu sept ans, parce que c'était un environnement familier. Et donner une part d'étrange à un lieu connu rajoute au plaisir d'écrire. Beaucoup de livres merveilleux situent leurs histoires dans des pays créés de toutes pièces. Je trouve que la fantasy est intéressante lorsqu'elle est connectée avec des choses existantes et concrètes. Je souhaitais que les magiciens soient politiciens, et que les démons soient leurs esclaves. Nous vivons à une époque où la politique et l'art de la politique sont controversés. J'ai envie de parler de notre monde, d'être le plus proche de la réalité, sans pour autant avoir la prétention de délivrer un message.