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Chose promise, chose dûe, ma critique de Gardens of The Moon.Et juste avant, pour les lecteurs qui hésitent pour passer à la VO, mon avis, tout à fait personnel sur le niveau requis. C'était mon premier roman lu en Anglais (j'excepte les comics, souvent facile d'accès) et soyons franc, ce fut vraiment difficile. J'estime avoir un bon niveau d'anglais mais le vocabulaire d'Erikson est sacrément conséquent, vraiment. Commencer par ce roman n'est pas chose aisé en anglais mais ce n'est pas impossible si vous disposez d'un niveau correct, il vous faudra juste avoir beaucoup recours à wordreference pour assimiler au fur et à mesure les termes anglais inconnu. A coeur vaillant, rien d'impossible. L'autre avantage de commencer par un livre si "complexe" niveau vocabulaire en anglais, c'est qu'après, croyez-moi vous pourrez lire quasi-n'importe quoi dans la langue de Shakespeare. Enfin voilà, j'espère que ça vous sera utile.Il existe peu d’écrivains fantasy dont le nom a, au fil du temps, dépassé les limites du genre grâce à leurs talents de conteurs, d’écriture et de faiseurs de mondes. On pensera forcément à J.R.R Tolkien ou encore plus récemment à George R.R. Martin ou Glen Cook. Mais dans le petit milieu de la fantasy, le nom de Steven Erikson circule depuis un petit moment comme étant un de ces grands maîtres. Déjà publié en France sous la bannière de Calmann-Levy, le premier tome de sa décalogie n’a malheureusement pas rencontré le succès suffisant pour aller au-delà de la traduction française du deuxième volume. Connu sous le nom de Malazan Book of The Fallen, cette immense saga compte donc dix ouvrages comprenant chacun entre 600 et 1200 pages. Conçu en collaboration avec un de ses amis, Ian C. Esslemont (qui a d’ailleurs écrit dans le même monde plusieurs romans), le monde malazéen n’a pourtant rien à envier à ses illustres aînés. Voici donc l’heure du jugement pour ce premier volume intitulé Gardens of The Moon.Contrairement aux idées classiquement retenues, non, Garden of The Moon n’est pas un roman difficile à suivre. Certes, Erikson aime faire des ellipses, des allers retours entre ses protagonistes et ne pas raconter chronologiquement les choses, mais le lecteur attentif n’aura que peu de mal à suivre. Ce qui frappe d’abord, c’est l’énorme richesse du vocabulaire d’Erikson qui écrit quelque chose de très fluide mais aussi très précis. Les descriptions ne s’étendent pas outre mesure, et l’auteur sait très bien doser action/dialogues et background. Ensuite, le lecteur se trouve plongé dans un monde qui pourrait être décrit comme un anti-Martin dans le sens où dans l’univers Malazéen, la magie, les dieux et toutes les choses surnaturelles sont choses courantes.C’est là plutôt que se situera la difficulté pour le nouveau venu. Foisonnant de curiosités, de divinités (organisées en « maisons ») et de magie, Gardens of The Moon fait la part belle aux éléments imaginaires. Pour le mieux. Erikson semble avoir mûrement réfléchi son univers et impressionne dès les premières pages, ne cessant d’étonner par la suite. On découvre d’abord différentes races, des insectoïdes Moranth ou mystérieux Tiste Andii, en passant par les imposants Barghasts. Et rapidement viennent les Dieux, individus qui ne se contente pas d’être mais participent à l’histoire, la façonnent et se permettent toutes les ruses. Rapidement, la présence de ces créatures immensément puissantes (mais pas invincibles, ce qui fait tout le sel de la chose) rend le récit palpitant et passionnant. Erikson a un don pour façonner des figures qui passionnent. C’est là certainement le plus gros point fort de Gardens of The Moon.Comptant une pléiade de personnages tous plus charismatiques les uns que les autres, Gardens of The Moon offre surtout une profondeur à chacun. Le plus formidable et le plus mémorable restera bien entendu le Tiste Andii colossal, Anomander Rake, et son épée magique, Dragnipur (dont la présentation de son « pouvoir » relève du total génie). Toute l’équipe des Bridgeburners s’avère épatante au possible, entre Quick Ben magicien au lourd passif, Kalam, ancien Claw (sorte de chasseurs de sorciers pour le compte de l’empereur), ou encore l’excellent sergent Whiskeyjack, tous passionnent réellement. On pourra dire la même chose de tous les autres nombreux individus qui parcourent le récit, Erikson a une capacité quasi-surnaturel à bâtir des personnalités fortes et intrigantes.Mais pas que. L’autre grand point fort, c’est sa maîtrise du récit, réglé comme du papier à musique et qui monte crescendo une fois l’ouverture magistrale du siège de Pale passée. Le tout finit en confrontation générale du meilleur effet avec quelques morceaux d’anthologie et les moments où les personnages se penchent sur le passé de leur monde s’avèrent encore plus réussis. Grâce au background très étudié et finalement ultra-convaincant élaboré par Erikson. Quelque chose d'extrêmement vaste qu’on ne fait qu’entrevoir et qui reste stupéfiant. De même, le système de magie par les Warrens s’affirme comme une magnifique trouvaille de par les possibilités qu’il ouvre mais aussi par les images qu’ils suscitent dans le bouquin. Étroitement lié aux Dieux, nombreux et avec des liens complexes, l’addition des deux régale et la large description de la Maison Shadow (Rope et Shadowtrone, excellents) ajoute un plus indéniable à l’aventure.Bien entendu, comme tout premier roman, Gardens of The Moon n’est pas parfait et Erikson manque encore d’émotion dans son écriture, on a du mal à s’attacher aux personnages à ce niveau puisque parfois le récit fait trop froid et trop distant. Une erreur mineure et nullement destructrice pour l’ensemble du récit. De fait, Erikson a encore près de neuf romans pour s’améliorer. En l’état, il manque encore dans cette critique bien des choses comme toute la partie avec Caladan Brood qui laisse entrevoir une foule de bonnes choses, où la multiplicité des retournements de situations qui ne cessent de garder le lecteur en haleine. Mais concentrons-nous simplement pour finir sur la conclusion de l’aventure qui laisse un goût d’inachevé, à raison d’ailleurs puisque le reste de l’aventure prend place dans les deux opus suivants.Premier roman de haute volée, souffrant certes de mineurs problèmes de jeunesse, Gardens of The Moon attire l’attention sur un auteur trop ignoré sous nos latitudes en la personne de Steven Erikson. Si l’étendue de son imagination n’est qu’entrevue ici, nul doute qu’il tarde aux lecteurs fermant la dernière page de ce roman de poser la main sur ses suites, Deadhouse Gates et Memories of Ice. Une magnifique découverte.8.5/10J'ai déjà commencé Deadhouse Gates, mais vu que ça tombe dans ma période d'examens, la lecture reste en suspens pour le moment.Edit Witch : euh on est encore nombreux même après 60 pages de sujet à ne pas avoir lu Erikson alors encore un peu de bannières spoilers c'est mieux 
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Merci pour cette excellente critique ! Ce que j'aime bien c'est que les points noirs que tu soulèves (récit un peu froid, personnages pas forcément très attachants, fin un peu brutale) sont tous corrigés dès Deadhouse Gates et que ce que tu as beaucoup aimé (écriture, maîtrise du récit, images fortes, personnages charismatiques,...) est beaucoup plus développé dans les prochains tomes.T'es parti pour une grande aventure, il faut croire ;-)
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Ca fait plaisir. Si tu a aimé ce premier tome, tu va te régaler sur les suivantsLittlefinger a écrit :Chose promise, chose dûe, ma critique de Gardens of The Moon.Et juste avant, pour les lecteurs qui hésitent pour passer à la VO, mon avis, tout à fait personnel sur le niveau requis. [...]8.5/10J'ai déjà commencé Deadhouse Gates, mais vu que ça tombe dans ma période d'examens, la lecture reste en suspens pour le moment.Edit Witch : euh on est encore nombreux même après 60 pages de sujet à ne pas avoir lu Erikson alors encore un peu de bannières spoilers c'est mieux
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Très bonne critique Littlefinger, si tu aimes déjà, je plussoie les propos de Merwin. Par contre, je ne conseille pas une lecture enchainée du cycle de par la densité du l'univers et du style même de l'auteur.
Ah Toll the Hounds, c'est définitivement un volume pivot dans l'oeuvre d'Erikson. Sans vouloir faire de spoilers, beaucoup de choses sont introduites en rapport avec la trilogie Kharkanas qu'il est en train d'écrire en ce moment.Pour ma part, je suis en pleine relecture de Toll the Hounds, et je l'apprécie encore plus qu'en première lecture. Vue que je sais ce qu'est le grand chambardement à la fin, je découvre pleins de petite petites à gauche et à droites que j'avais passé à l'as la premiére fois tongue.
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La perfection n'existe pas paraît-il, et pourtant...Cette œuvre aura définitivement été pour moi la plus passionnante et riche en émotions qu'il m'ait été donné de lire. Outre le travail colossale de Steven Erikson concernant l'intrigue (et je ne m'épancherai pas sur ce point, il y aurait trop à en dire), c'est surtout la profondeur de ses personnages qui m'auront à ce point touché en tournant les pages de ce cycle formidable. Et des acteurs, il y en a pléthore dans ces Malazan Books !Je me rappellerai notamment mes rires fous avec les deux zigotos Bugg et Tehol Beddict et leurs éternelles chicaneries, mon horreur quant au destin de Whiskeyjack, mon respect et mon infinie tristesse concernant le charismatique Anomander Rake et son peuple les Tiste Andii, mon affliction pour Tavore et sa cause, mes peurs lors des grandes batailles car personne dans l'empire Malazéen ne dispose d'immunité, pas même les dieux.Et c'est bien là la force de ces romans, cet univers, tout simplement hallucinant de génie, qu'a créé Steven Erikson qui a su modeler un monde qui parait tellement vrai, je dirais même authentique. Rien ni personne n'est laissé de coté, et c'est le cœur même de la réussite des Malazan Books en ce qui me concerne, Erikson n'a boudé aucun de ses protagonistes, tous sont importants, tous ont une âme véritable. Ils ne sont pas de simples personnages en papier mâché à utiliser et à jeter pour faire avancer l'histoire.Je n'ai pas honte d'avouer que les membres des Bridgeburners ont été de très bons amis durant ces quelques semaines passées avec eux. Il y a eu des hauts et des bas, de bonnes et de mauvaises surprises, des espoirs placés en eux, et une véritable crainte pour leur entreprise vouée, semble-t-il, à l'échec, des rires, des pleurs, et quelle sensation étrange en refermant les dernières pages... L'impression d'avoir accompli quelque chose de grandiose, d'avoir participé à une aventure tellement énorme que vous vous sentez la tête qui tourne. Oui, c'est exactement ça le cycle des Malazan Book, un périple que vous n'oublierez jamais, des personnages qui vous marqueront peut-être à vie, et des réflexions philosophiques toujours plus poussées, vous découvrirez toutes les facettes de la nature humaine, de la plus belle à la plus infâme.Bref, ceci est simplement une courte expression de ma pensée sur l'œuvre de Steven Erikson et notamment, vous l'aurez compris, ses protagonistes. Cela fait maintenant un an que j'ai terminé ces romans et il m'arrive encore d'y penser avec nostalgie tout en sachant qu'un jour j'y reviendrai. Je ne peux donc que recommander à quiconque ne l'aurait pas lu et aimant un tant soit peu la Fantasy de se plonger dans cet univers, au moins de s'y essayer, car malgré la barrière éventuelle de la langue, ce cycle vous marquera certainement d'une manière ou d'une autre, ne pourra vous laisser indifférent, et, je puis vous l'assurer, on fait énormément de belles rencontres dans l'empire Malazéen.
1193
Vu la popularité de ce cycle parmi les lecteurs de Fantasy, il faudrait faire un projet Ulule/Kickstarter pour avoir une traduction de l'ensemble du cycle en français. Je suis sur que ça fonctionnerait.(Si certains peuvent donner l'idée à la maison d'édition qui détient encore les droits ...)
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J'aimerais dire que j'ai exagéré, mais non :)Au risque de me répéter, c'est vraiment la psychologie des personnages qui fait que l'on s'attache à eux. On est ici très loin des vieux carcans manichéens de la High Fantasy, et même de la Fantasy en général. Il n'y a pas de grands méchants type Voldemort, Le Ténébreux de Jordan, Torak d'Eddings, et j'en passe. Ceux-ci sont la représentation même du mal mais qui ne savent même plus pourquoi ils le font. Ces personnages-symboles ont des ficelles au bout des bras et sont totalement manipulés par l'auteur qui a décidé qu'il seront méchant, point barre. Ce n'est pas une critique de l'œuvre de ces auteurs que je fais, mais pour la comparaison, Steven Erikson a su se défaire de ce vieux schéma pour faire vivre ses héros, les humaniser.Je ne sais pas s'il existe de vrais tyrans sans foi ni loi, qui n'auraient à aucun moment ne serait-ce qu'une once de regret pour le malheur qu'ils infligent autour d'eux, je ne peux pas y croire. A moins d'être fou à lier. Le fait est que ce genre de caricature n'existe pas dans les Malazan Book. Chacun des protagonistes a ses raisons de faire ce qu'il fait, il ne sont pas coincés dans une catégorie dans laquelle l'auteur aurait voulu les caser, ce qui rend leurs réactions beaucoup plus vraies. On peut en arriver à avoir de la compassion pour certains prétendus tyrans, et je pense notamment à Rhulad Sengar, personnage dramatique au possible, que l'on déteste au premier abord mais pour lequel on éprouve aussi une telle pitié qu'il perd son statut de despote pour se voir transformé en grande victime.Certes, Erikson n'est pas le seul auteur à avoir réussi à nous proposer autre chose que la lutte bien/mal, mais il a réussi à me faire croire à son univers, me convaincre quant aux motivations de ses héros, et ceux-ci m'ont d'ailleurs grandement inspirés.Je peux simplement dire qu'il faut le lire pour le croire ;)Quant à une traduction en français, je suis bien d'accord. Surtout quand on a un marché de la Fantasy saturé par des romans pas toujours très folichons et à des prix exorbitants. Quand on sait que Steven Erikson vaut parfaitement un Georges rr Martin et un Robert Jordan, je me demande encore pourquoi on le boude en France, car ce cycle mériterait vraiment d'être reconnu. Mais qui sait, un jour viendra ! 
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Mon deuxième post sur Elbakin, après les présentations d'usage, ne pouvait être que pour me joindre au concert de louanges sur le Livre Malazéen.Vraiment une saga grandiose, et d'assez loin ce que j'ai pu lire de meilleur, tous genres confondus. J'en suis actuellement à House Of Chains, c'est dire s'il me reste encore beaucoup à découvrir et à apprécier, mais déjà je suis complètement accro.Je suis prêt à soutenir activement toute initiative qui visera à promouvoir la reprise de la traduction française. Qu'une œuvre de ce calibre soit à ce point méprisée par les éditeurs français me laisse tout bonnement pantois.Et un grand merci à Moridin (que je soupçonne plus que largement d'être Geoffray sur le site de La Garde de Nuit) pour m'avoir, avec d'autres frères, fait découvrir ce monument !
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Je ne suis pas certaine que le "mépris" vienne des éditeurs. L'écoute de notre prochain podcast devrait t'en dire plus à ce sujet
(oui je tease à fond !) Le bouche à oreille lecteur a du coincer aussi à un moment ou à un autre. Même si avec 60 pages le sujet montre l'intérêt que tout le monde y porte ici. 
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Damned, je suis démasquéSer Garlan a écrit :Mon deuxième post sur Elbakin, après les présentations d'usage, ne pouvait être que pour me joindre au concert de louanges sur le Livre Malazéen.Vraiment une saga grandiose, et d'assez loin ce que j'ai pu lire de meilleur, tous genres confondus. J'en suis actuellement à House Of Chains, c'est dire s'il me reste encore beaucoup à découvrir et à apprécier, mais déjà je suis complètement accro.Je suis prêt à soutenir activement toute initiative qui visera à promouvoir la reprise de la traduction française. Qu'une œuvre de ce calibre soit à ce point méprisée par les éditeurs français me laisse tout bonnement pantois.Et un grand merci à Moridin (que je soupçonne plus que largement d'être Geoffray sur le site de La Garde de Nuit) pour m'avoir, avec d'autres frères, fait découvrir ce monument !
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