Bonsoir,
Merci S'ren

Très belle analyse également, et désolé pour le double poste, tu m'as devancé de quelques minutes alors que j'étais encore en train d'écrire.
@Tyrion, je ne suis pas modérateur mais tu as une manière de répondre qui est plus que discourtoise. Je prends en exemple la première partie de ta réponse, où je trouve le ton très hautain et désagréable.
TyrionLannister a écrit :Je connais bien ces définitions étant chef d'entreprise. C'est globalement juste avec quelques imprécisions :
-Valeur ajoutée=marge brute - somme des charges externes
-EBE=Valeur Ajoutée-taxe/impôts (autre que l'impôt sur les sociétés)-salaire des employés-charges sociales des employés-prélèvement des dirigeants-charges sociales des dirigeants
-résultats avant impôts ou ROC= EBE-dotations aux amortissements-frais bancaires/charges financières
-résultat net= ROC-impôt sur les sociétés
Tu peux te douter que la finance est mon métier, et qu'il n'est pas nécessaire de me donner un cours sur les différents éléments du compte de résultat. Maintenant, merci pour les précisions, effectivement j'ai simplifié et tiré à gros traits car ce qui nous intéresse ici n'est pas la construction de la liasse fiscale du Livre de Poche, mais plutôt de comprendre qu'il y a d'autres choses qui restent à payer, et que la marge brute ne finit pas purement et simplement dans la poche du patron de la maison d'édition.
TyrionLannister a écrit :Quand on fixe un prix d'un objet ou d'un service, on prend déjà en compte tous ces paramètres afin de calculer un prix pour être rentable et marger. La marge brute est donc définie à ce moment là. C'est de cette manière qu'on peut établir un compte de résultat prévisionnel et calculer d'autres éléments comme le solde intermédiaire de gestion ou encore le seuil de rentabilité économique.
Je suis complètement d'accord avec toi sur le fait que le compte de résultat prévisionnel tient compte de tous les éléments pour, in fine, dégager une profitabilité. Mais j'imagine que nous sommes bien d'accord pour dire que du coup, cette marge brute dans le prévisionnel est censée couvrir les charges restantes dans la partie basse de ton compte de résultat (masse salariale, loyers, prêts, impôts notamment) ? Ainsi, en reprenant l'exemple plus haut, ces malheureux 3,86€ doivent couvrir tout ceci, et si possible permettre un atterrissage sur un RN positif. Je pense que l'élément clé ici, c'est que l'ajustement se fait sur plusieurs points:
- le prix (un prix plus faible permettant
potentiellement d'attirer un plus large public)
- le volume
- les dépenses promotionnelles permettant de booster la demande, mais ayant un impact sur la marge.
Vouloir vendre moins cher est donc un gros risque, car derrière il faut que les volumes compensent davantage! Ainsi, baisser ton prix de 1€ (donc à 16€ dans l'exemple précédent, soit-5.9%) te demande de vendre non pas +5.9% d'unités, mais +6.3% pour conserver ton même niveau de marge. Baisser ton prix de 2€ (-11.8%) te demande de vendre +13.4% d'unités. Tu fais certes plus d'économies d'échelle, mais c'est un jeu d'arbitrage et une prise de risque.
En France, il y a ici deux spécificités :
1) l'éditeur décide du prix de vente final, ce qui n'est pas le cas à l'étranger (le prix unique du livre n'étant pas en vigueur). Ainsi, la possibilité de baisser les prix en cas de mauvais positionnement initial n'existe pas, ce qui change la donne et limite les prises de risque. Il faut également que l'éditeur tienne compte des marges des différents acteurs de la chaine du livre. Au UK les commerçants sont libres de fixer le prix de vente, et tu as des aberrations totales comme ce livre-ci dont le prix a été fixé à £2.00 pendant quelques mois au mois de mai (https://www.amazon.co.uk/Last-Kingdom-Book/dp/000721801X/ref=tmm_pap_swatch_0?_encoding=UTF8&qid=&sr= , tu peux installer Keepa pour regarder les prix antérieurs sur les pages du site). Le prix de vente du livre sur le marché anglophone n'est donc pas un critère pour l'éditeur, car celui-ci se contente de déterminer le prix auquel il vend son produit aux
retailers. Ce qui est plus pertinent serait le RRP, mais étant donné la concurrence âpre sur le marché anglophone, et la capacité d'Amazon a price matcher les prix de la concurrence, ce RRP est vite oublié, particulièrement sur les sites de ecommerce. La différence de prix entre le même livre chez Waterstones et Amazon est souvent assez frappante (et montre bien tout l'intérêt de la loi sur le prix unique du livre pour la survie des librairies).
2) Le marché du livre est beaucoup moins important. Tu cites le marché du livre britannique comme étant comparable, mais c'est une vision rapidement faussée car il y a beaucoup de personnes qui peuvent lire en anglais hors du UK, et un éditeur comme HarperCollins dispose de nombreux débouchés à l'étranger! Et avec Amazon / BookDepository etc, il devient de plus en plus facile d'obtenir des livres en langue étrangère à prix attractif.
Le contrôle du prix de vente final et les volumes ne sont donc pas les mêmes, et on ne peut donc pas vraiment comparer les prix / les marges entre la VO et la VF. Je comprends tout à fait l'argument que c'est moins cher pour le client qui peut lire indifféremment en VO ou VF d'aller prendre son bouquin en VO, mais il est dur d'en tirer quelque chose sur la rentabilité de l'éditeur (car la 'règle' des 20% de marge brute me semble plus dur à généraliser pour l'étranger).
TyrionLannister a écrit :Pour la VF, les coûts supplémentaires sont donc :
-la traduction/correction
-les droits de traduction
Sur la différence de coûts variables entre la VO et la VF, nous sommes bien d'accord qu'il faut ajouter 1) traduction / correction 2) droits, mais il y a également 3) le surplus de papier / encre car un livre en français est systématiquement plus épais (d'où la difficulté de réunir en un seul volume certains livres, c'est agréable sur l'étagère mais des fois le confort de lecture en pâtit).
Enfin, je ne suis pas certain de la manière de fonctionner des maisons d'éditions au UK et aux US, mais ils ont un avantage très fort : ils sont anglophones. Ils n'ont pas besoin d'avoir toute leur masse salariale sur place, car une bonne partie de la planète parle anglais (et c'est vachement moins le cas pour la langue française). Délocaliser en Inde les relectures / corrections / maquettes serait logique et permettrait 'd'économiser' beaucoup. Une boite typiquement franco-française n'est généralement pas dans une logique d'externalisation de fonctions comme celles-ci à l'étranger. Si quelqu'un dans le milieu a des éléments à apporter je serai ravi d'en apprendre plus

TyrionLannister a écrit :Attention, je ne suis pas certain que les charges externes soient plus élevés en France qu'aux USA ou en Angleterre. Certes il y a moins de charges sociales mais les salaires sont autrement plus élevés, les loyers dans les villes américaines (ou anglaises) sont également élevés et beaucoup d'autres charges externes sont plus élevées qu'en France : assurance, internet, électricité, téléphone, frais bancaires, abonnements, expert-comptable...
Le dernier point sur les charges fixes en France selon toi peu ou prou iso par rapport à l'étranger, je ne suis pas d'accord : au boulot, mon P&L n'est clairement pas le même en France, où la masse salariale et les amortissements sont plus élevés qu'à l'étranger. Partout, mais vraiment partout et à niveau de vie équilibré par rapport à la France, le bas du P&L est meilleur à l'étranger (UK, Benelux, Allemagne, ...), et ce en ayant des volumes similaires, des investissements similaires (structuration, taux et durée) et un niveau d'amortissement comparable. Le 'coût' d'un emploi au UK est environ 1/3 plus faible qu'en France, principalement du fait des charges salariales. Concernant les autres dépenses citées (assurances, internet, téléphonie, frais bancaires, expertise comptable) je me fie à ce que je vois au quotidien, et ce n'est selon moi pas plus cher à l'étranger qu'en France, sauf sur certains territoires très spécifiques (Luxembourg, Suisse notamment).