ZaphodB a écrit : jeu. 16 mai 2024 17:10
Autant Gagner la guerre est un chef d'oeuvre, autant le chevalier aux épine en est le pendant inverse.
Ça ne m’intéresse pas spécialement du ressenti personnel des gens sur telle ou telle œuvre, généralement ça ne sert pas à grand chose, mais c'est un point qui m'interpelle. Gagner la Guerre est culte en soi et à permis à Jean Philippe Jaworski d'avoir une certaine notoriété dans la fantasy française, cependant à mon sens Gagner la Guerre n'est pas un chef-d’œuvre.
Je ne dis pas ça pour dire du mal du roman (que j'adore également) ni pour pointer tel ou tel défaut, juste parce que un premier roman (ou premier film premier tableau etc.) ne peut pas être un chef d’œuvre. On peut avoir une lecture très littérale du terme (chef : ce qui est au dessus, donc chef d’œuvre : ce qui est au dessus du reste de l’œuvre) qui résume ça de façon un peu mécaniste, mais non seulement dans un premier roman, il peut rester des maladresses et quelques scories, mais surtout l'auteur se "cherche" encore, il va avoir une évolution postérieure qui peut l'amener loin de sa premier œuvre (les premiers films de Kubrick comparés à 2001 l'Odyssée de l'Espace par exemple). Du coup, rester sur le premier roman comme mètre étalon du reste, comme c'est la cas avec Gagner la Guerre compte tenu de son succès, je trouve que ce n'est pas vraiment pertinent, même dans le cas où l'auteur déçoit effectivement par la suite (toujours dans le cinéma, Ridley Scott a quand même lors de sa carrière fait des films assez inférieurs à ses trois premiers, mais c'est pas pour autant qu'ils en sont des chef-d'oeuvres par rapport à sa filmographie).
Concernant Jaworski et Gagner la Guerre, pour moi, le gros point sur lequel l'auteur n'était pas à l'aise et se cherchait encore dans ce roman, c'est le traitement de la figure d'anti-héros de Benvenuto. D'un côté il veut un personnage horrible et répugnant, un exécuteur de basses œuvres opportuniste et amoral, de l'autre il l'écrit de façon flamboyante, avec des combats, des intrigues et surtout sa verve et son adresse au lecteur qui sont des forces du roman.
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C'est comme ça que l'auteur justifie la scène du viol de Clarissima, en indiquant à plusieurs reprises que c'était en partie pour choquer le lecteur pour qu'il garde bien en tête que c'est un salaud. Le problème c'est que à côté, ça n'apparaît pas spécialement ailleurs dans le reste du bouquin et ça donne l'impression que l'auteur ne fait pas confiance ni au lecteur, ni à lui même en un sens. De plus à la fin, Benvenuto l'assassin est exonéré de l'horreur de ce qu'exige le Podestat puisque le fils bâtard Mastiggia s'est déjà occupé de trucider toute la famille ennemie à son arrivée dans le palais.
Et à la lecture du Chevalier aux Épines, et surtout la deuxième partie, là je sens qu'il y une réflexion de l'auteur sur sa caractérisation du personnage et plusieurs passages son des miroirs en négatifs d'éléments de Gagner la Guerre :
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- l'assassinat du Bucefale après la bataille qui se transforme en une exécution sommaire qui est la seule chose que Benevnuto pense à faire pour éviter le naufrage de l'or de Ciudalia,
- le seul meurtre qu'il "réussit" est celui du chevalier idéaliste, est qui est d'autant plus sordide qu'il est plus justifié par sa paranoïa que par un stratagème,
- et globalement sa capacité à toujours s'en sortir et à triompher est ici annihilée par des puissances magiques face auxquelles il est totalement impuissant et qui le conduisent à fuir comme un lâche après avoir activement participé à faire déferler sur le Vieux Royaume un bordel monstre.
Je trouve en tout cas que c'est mieux construit, et que la comparaison est intéressante. En attendant une suite des intrigues du Vieux Royaume je me reprendrai à tête plus reposée les récits et nouvelles et je pense qu'il y a là moyen de trouver encore plus de liens et de correspondances entre Gagner la Guerre et le Chevalier aux Épines.
A ce sujet, il y a quelques personnes ici qui ont fait part dans leur retour sur cette trilogie d'une déception relative à des intrigues qui seraient amorcées mais pas terminées. De mon côté je n'ai pas eu cette sensation à la lecture et donc je serais curieux d'avoir des précisions sur les intrigues spécifiques concernées pour en discuter (sans me poser comme contradicteur absolu bien sûr).