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Allez, presqu'un mois sans nouveau message dans ce sujet, ça ne va pas du tout ! :P Ca tombe bien pour le remonter, puisque publication cette semaine d'un ouvrage très intéressant de nul autre que Pierre Vidal-Naquet ! :o
http://images-eu.amazon.com/images/P/225138071X.08.LZZZZZZZ.jpg
Article du Monde :
Du "Timée" et du "Critias" de Platon est née la fable d'une île-continent, engloutie lors d'un cataclysme légendaire. Pierre Vidal-Naquet dissèque les aléas du mythe, otage des délires idéologiques comme des rêves de poètes.L'ATLANTIDE - Petite histoire d'un mythe platonicien de Pierre Vidal-Naquet. Les Belles Lettres, "Histoire", 216 p., 18 €. En librairie le 15 février. Lorsque Platon lança, dans les années 350 av. J.-C., "comme on lance un projectile dont on ne sait où il retombera", le mythe de l'Atlantide amorcé dans le Timée et poursuivi dans le Critias (1), il n'imaginait sûrement pas que la course en serait si longue et qu'une science douteuse s'emparerait de son récit pour transformer la fable philosophique et politique en réalité d'histoire, voire d'archéologie.  Car c'est bien là toute l'ambiguïté de l'Atlantide que d'avoir été si tôt vidée de son caractère purement littéraire et philosophique pour être confrontée à on ne sait quelle réalité fantasmatique. C'est à partir de ce constat - toujours valable - que Pierre Vidal-Naquet s'est intéressé à l'appropriation du mythe par une foule de littérateurs, érudits, historiens, illuminés parfois, et à l'usage qu'ils en ont fait. Car si l'on s'est tardivement et assez peu intéressé à la portée politique du mythe, et à ses origines littéraires, on a abondamment glosé sur ce qu'on pourrait appeler l'archéologie de Platon. Mythe platonicien, l'Atlantide n'est certes pas sans ancêtres, car on y reconnaît sans peine un pastiche d'Hérodote dont les descriptions fabuleuses de Babylone et d'Ecbatane, le luxe de détails admirables sur l'Egypte, ont nourri et inspiré Platon. Mais cette inspiration littéraire ne se fonde évidemment sur aucune archéologie troyenne, crétoise ou cycladique. Dès 1779, Giuseppe Bartoli, dans un Essai sur l'explication historique que Platon a donnée de sa République et de son Atlantide (titre abrégé du livre publié à Stockholm), expliquait que cette pure fiction permettait à Platon de placer face à face dans un temps mythique une Athènes idéale (Athènes 9 000 ans plus tôt) et l'Athènes corrompue, impérialiste et détestée de lui, masquée sous le nom d'île des Atlantes. En somme, dans toute cette histoire, il n'y avait bien que "des Athéniens, des Athéniens toujours, des Athéniens de tous les côtés" (Bartoli) !Pierre Vidal-Naquet suit à la trace, de l'Antiquité à nos jours, l'usage du mythe, car c'est dès l'Antiquité que se font jour des interprétations "réalistes" (Philon, Ammien Marcellin), même si c'est parfois avec une pointe de scepticisme (Pline), lorsque se perd en réalité la capacité à analyser le processus narratif du texte pour n'en garder que le contenu brut. Une lecture littérale du Timée conduit ainsi Cosmas Indicopleustès (VIe siècle après J.-C.) à insérer les données du mythe dans la tradition biblique du Déluge.Après une longue coupure médiévale, l'Atlantide déboule en force avec la traduction du Critias par Marcile Ficin en 1485. La question n'est plus de savoir si l'Atlantide a existé, mais où ! Et l'Amérique ne serait-elle pas un bout miraculeusement préservé du continent englouti ? suggèrent les Espagnols. Comme il devait à l'origine toucher à l'Espagne, cela ne justifie-t-il pas les droits du Roi catholique sur le Nouveau Monde ? Comme le souligne Pierre Vidal-Naquet, "pour l'honneur de l'esprit humain", il existe heureusement des José de Acosta pour écarter ce fatras et garder raison.Mais il n'y a alors pas de grand esprit qui n'aborde la question de l'Atlantide, de Michel de Montaigne et Juste Lipse à Francis Bacon et Olof Rudbeck, l'une des figures majeures de l'enquête. Si beaucoup hésitent sur la localisation, Rudbeck, lui, a trouvé : ce ne peut être que la Suède, où Atlas, fils de Japhet, a fait souche. Malgré l'écho considérable de sa démonstration, d'autres opinions subsistent, trouvant aux Canaries le résidu d'un continent que beaucoup continuent de placer un peu à l'ouest des colonnes d'Hercule, c'est-à-dire du détroit de Gibraltar.Le plus remarquable est la capacité des savants à intégrer le mythe platonicien dans une histoire biblique érigée en histoire universelle.Et pourtant, comme le souligne Vidal-Naquet, Platon faisait remonter son récit à plus de 9 000 ans, bien au-delà du temps admis pour la Création.Avec les Lumières, le fantastique est partout, malgré les mises en garde de rares esprits lucides comme Nicolas Fréret ("il ne faut regarder tout cela que comme une fiction philosophique"). Rien n'y fait, et la course errante de l'Atlantide reprend, l'astronome Bailly (le premier maire de Paris) la place au Spitzberg, le théosophe Fabre d'Olivet la fait revenir en Amérique et enrichit le mythe d'un tel luxe de détails et de personnages qu'il "construit un monde monstrueux qui se déploie dans une histoire entièrement fictive". Dans le même temps, le mythe vient au secours des nationalismes, en Italie comme en Irlande, où tradition biblique, mythe celtique et Atlantide fusionnent sans difficulté apparente.L'Atlantide devient aussi un thème romanesque (Pierre Benoît ne croit cependant nullement à quelque fondement historique du mythe), tandis que des savants montent à l'assaut de la légende. Sans grand succès, il faut l'admettre, puisqu'on observe au contraire un retour en force des œuvres délirantes sur l'Atlantide, notamment en Allemagne après la défaite de 1918. Voici par exemple l'idéologue de Hitler, Alfred Rosenberg, qui fait des Atlantes les ancêtres des Germains, tandis que le pasteur nazi Jurgen Spanuth en trouve même la capitale dans la minuscule île d'Heligoland, au large de Cuxhaven ! Est-ce par dérision envers ces élucubrations que le compositeur juif Viktor Ullmann composa, dans le camp-ghetto de Terezin, sur un livret de Peter Kion - tous deux disparurent à Auschwitz en octobre 1944 - un opéra intitulé Der Kaiser von Atlantis ? L'Atlantide y devenait l'image d'un Etat totalitaire, et l'œuvre, naturellement, fut interdite.On le voit, l'enquête de Vidal-Naquet conduit le lecteur sur bien des chemins, captivants parce qu'ils disent l'irrationnel de l'esprit humain face à la puissance évocatrice de l'invention platonicienne. Face à tant de spéculations, inutile d'introduire le rationnel, et, sur ce point, l'auteur ne nourrit aucune illusion ; l'histoire du mythe qu'il décortique si bien a encore de beaux jours devant elle, car l'entrée de l'Atlantide parmi les thèmes favoris de l'occultisme et de la théosophie, réalisée à la fin du XVIIIe siècle avec Fabre d'Olivet, renforcée par l'Américain Ignatius Loyola Donnelly dans le dernier tiers du XIXe, fait désormais échapper le mythe à ses origines pour le promouvoir dans le cadre privilégié d'une réflexion sur les origines de la civilisation.Or, dans cette "réflexion", les mots sont codés, et l'on brasse les idées pour elles-mêmes sans se soucier le moins du monde des éléments scientifiques qui pourraient la nourrir. Sous l'apparence d'une histoire positiviste, Donnelly diffuse ses délires obsessionnels que ses adeptes considèrent comme autant d'évidences acquises. Dans ces conditions, on devine que ce n'est pas demain que le mythe sera rendu à l'image et à la poésie, selon le souhait de Pierre Vidal-Naquet.Sauf pour ses bienheureux lecteurs.Maurice Sartre(1) On peut en suivre le récit dans l'édition bilingue du Critias (introduction de Jean-François Pradeau, Les Belles Lettres, "Classiques en poche", 1997).Signalons, de Pierre Vidal-Naquet, la réédition du Chasseur noir. Formes de pensée et formes de société dans le monde grec (La Découverte, "Poche", 492 p., 13,50 €).

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Pas mal du tout ce résumé, j'aime déjà bien plus ce genre de propos que les thèses à 99% de fiabilité qu'on a pu voir... :rolleyes: Le livre a l'air pas mal du coup, ça me parait un poil indigeste comme lecture, mais ça ne lui enlève pas son intérêt, le résumé donne envie en tous cas ! :)ThysEdit :
Dans ces conditions, on devine que ce n'est pas demain que le mythe sera rendu à l'image et à la poésie, selon le souhait de Pierre Vidal-Naquet.
Moi aussi j'aimerai bien en fait, et je dois dire qu'une analyse littéraire et philosophique du texte d'origine me parait plus intéressante que d'essayer de calquer les mesures avancées par Platon sur l'Irlande ou dans une baie en Amérique... :rolleyes:Hop, 2ème Edit : juste pour préciser que je n'ai rien contre les recherches géographiques ou historiques sur l'Atlantide, ne serait-ce que par l'élan qu'elles apportent à la recherche en général, c'est intéressant, une telle motivation ne peut pas être boudée, surtout qu'elle est sans conséquence...C'est juste que ça frôle parfois le loufoque tout de même, et qu'à partir de là, j'ai souvent peur que d'une motivation à organiser des recherches, on passe à une décrédibilisation des historiens et archéologues en général en leur prêtant des idées mystiques ou autres...alors que le discours ci-dessus, rationel, argumenté et surtout, présentant un recul bienvenue me semble vraiment appréciable parfois... :)

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Thys,vendredi 18 février 2005, 09:16 a écrit :...alors que le discours ci-dessus, rationel, argumenté et surtout, présentant un recul bienvenue me semble vraiment appréciable parfois... :)
Je suis bien d'accord avec Thys. un rien de distanciation par rapport aux ouvrages précédents est franchement bienvenu ! Et puis il ne faut pas oublier que l'Atlantide n'est peut être qu'un mythe ou une image philosophique... :P Pas taper, chef ! :mrgreen:EDIT : 216 pages, je pourrais presque me laisser tenter, "l'indigeste" n'étant pas trop long !

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Publivore,vendredi 18 février 2005, 12:37 a écrit :Pas taper, chef ! :mrgreen:
Euh, ben, je n'ai rien contre cette approche, puisque c'est moi-même qui ai parlé de cet ouvrage ! ;) Et où sont passés Tanis, Foradan, esdeo ? :sifflote:
DIT : 216 pages, je pourrais presque me laisser tenter, "l'indigeste" n'étant pas trop long !
Pour ma part, c'est fait, je l'attends de pied ferme. :)

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Ah enfin quelqu'un qui revient à la source, autrement dit au récit philosophique de Platon. Et je dois avouer quand lisant ce résumé, je me suis demandée comment on avait put passer d'un essai sur les Athéniens à un mythe à la vie tellement dure que des centaines de scientifiques épluchent le texte de Platon pour tenter de localiser quelque chose qui n'a jamais existé :huh: .En tout cas, je suis tout à fait d'accord avec le monsieur, l'Atlantide n'a jamais existé ailleurs que dans l'imaginaire des hommes ;) .Tanis

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Il y en a qui ont été bannis pour moins que ça... :sifflote: :mrgreen: Non, plus sérieusement, je trouve dommage que tu sois aussi affirmative, même si c'est évidemment la solution la plus probable. Le site que j'ai souvent cité dans ce sujet, l'épopée atlante, ne fait rien d'autre justement que se baser sur la source... :)

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Oups... :rolleyes: :P Je ne doute pas que tous ceux qui croient en l'Atlandide et la recherchent se sont basés sur la source, sinon comment arriveraient-ils à des taux de fiabilité de 99% :P . Dès le début, j'ai dit que je ne croyais pas en l'existence de l'Atlantide, je ne peux donc qu'être d'accord avec l'auteur ;) . En fait, le fautif dans tout ça, c'est Platon pour avoir inventer un monde trop "réel" :lol: .Tanis

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Vraiment intéressant d'étudier pour une fois la source de ce mythe, voilà un livre qui me tente beaucoup et qui risque fort de passer très vite sur le haut de ma pile de livres. Et puis ça change un peu de la fantasy pure et dure (même si je ne lis pas que ça quand même), un peu d'histoire-philo ça peut faire que du bien ;)

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Tanis-Rune de Sombrepierr,lundi 21 février 2005, 20:38 a écrit :Je ne doute pas que tous ceux qui croient en l'Atlandide et la recherchent se sont basés sur la source, sinon comment arriveraient-ils à des taux de fiabilité de 99% :P .
C'est pas beau de mettre tout le monde dans le même panier... :giveup: Ok, il y a des " illuminés ", ;) mais je te parle de l'épopée atlante, et tu me réponds en citant ce bouquin évoqué page précédente avec ses fameux 99%, effectivement, comme si tous les gens plus ou moins séduits par l'idée d'une existence autre que fabulée y croyait dur comme fer (à ses 99%). Le webmaster de l'épopée atlante n'a d'ailleurs fait que rapporter l'info, comme moi dans ce sujet, sans y souscrire pour autant. Que tu n'y croies pas, (à l'Atlantide) pas de problème, :) mais bon... :( ;) Je crois que je vais m'exiler sur Mu, na. :mrgreen:

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Désolée, Gillossen, c'était pour te taquiner que j'avais pris cet exemple extrême ;) . En plus, j'avoue que je n'ai pas pris le temps d'explorer le site de l'épopée atlante qui tu avais donné en lien :rouge: et qui, du peu que j'avais parcouru, semblait très bien fait et sérieux, le fruit du travail d'un passionné et en aucun cas d'un illuminé :) .TanisPS : à l'avenir, je tâcherais d'être plus modérée dans mes propos ;) . Je sais qu'il m'arrive d'avoir des avis un peu trop tranchés parfois et je m'en excuse.

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Merci pour ton message. :)Bon, par contre, le PS, faut pas exagérer non plus, il n'y a pas de quoi s'excuser, d'autant que moi aussi, je m'y connais parfois en positions tranchées. ;)

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Comme je suis en train de lire le Tilmée et le Critias, j'ai acheté le livre de Vidal-Naquet suite à une critique d'une page dans le Monde des livres ; je viens ici et que vois-je ? Ce sujet...Effrayant. Ca m'apprendra à ouvrir les yeux, tiens... ;) Personnellement, j'ai toujours bien aimé ces détournements de la "réalité" pour y inclure du conte, les recherches de points communs entre cultures, etc. Même si, dans le cas de l'Atlantide, certains y ont été un peu fort ; ce qui, je trouve, ôte au mythe un peu de son charme et de son aura. Ps. Pitié pour les Mayas et les cultures mésoaméricaines ! :lol:

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J'ai trouvé un autre article sur cet ouvrage, de Libé cette fois. :)
Pierre Vidal-NaquetL'Atlantide. Petite histoire d'un mythe platonicienLes Belles Lettres, 200 pp., 18 €.Des terres et civilisations englouties par l'eau, les mythes, sinon l'histoire, en connaissent le nombre, à commencer par le Déluge. Mais il revient à Platon d'avoir, le premier, fait état du plus ravageur, à l'en croire, des tsunamis, celui qui enfonça d'un seul coup sous la vague la fameuse Atlantide, dont les habitants s'étaient voués allégrement au mal, puisqu'ils ne juraient que par les trafics et commerces maritimes lucratifs, et avaient tourné le dos à la terre et à ses vertueuses activitéscroyant même se passer des dieux qui, eux, se fâchèrent. Depuis, l'Ile maudite ne cesse de refaire surface, parce qu'elle nourrit d'autres mythes censés expliquer le récit archétypal, et parce qu'elle mobilise toutes sortes d'explorateurs lancés à la recherche des traces qui en prouveraient le fondement historique. C'est ce double territoire, aussi fabuleux et mouvant l'un que l'autre, qu'arpente dans l'Atlantide Pierre Vidal-Naquet, concluant une recherche qui l'a retenu un demi-siècle, depuis sa rencontre avec l'univers grec ancien.Les historiens ont fait peu de cas de l'Atlantide, et pourtant, dit Vidal-Naquet, il s'agit bel et bien d'un pastiche historique commis par Platon de la manière la moins innocente du monde: en présentant un mythe comme une histoire vraie, il suggère que toute connaissance historique n'est que mythe, autant dire une variante du mensonge. Ce manque d'empressement des historiens à aller voir de quoi il retourne, cette assurance que leur travail commence justement là ou le mythe s'évanouit, Vidal-Naquet le met sur le compte d'une fracture, ou moins en France, entre l'histoire et la philosophie. Et de rappeler qu'il a commencé en philosophe à s'intéresser à l'Atlantide platonicienne, dès 1953, puisqu'il n'avait pas encore choisi la voie de l'histoire vers laquelle il sera poussé par Henri-Irénée Marrou. Ce passage à l'histoire se fera par étapes à partir des deux bouts du temps : le présent et l'engagement anticolonialiste, le passé et la place de la politique dans la Cité, chez nous comme en Grèce ancienne. La rencontre avec Jean-Pierre Vernant a fait le reste, qui l'a amené à une pratique de l'histoire ouverte à l'anthropologie où institutions, oeuvres et actions humaines ne peuvent être comprises que par rapport aux structures mentales de ceux qui les accomplissent (1). En dépit de Platon, on peut faire l'histoire véridique d'un mythe, et Pierre Vidal-Naquet de renvoyer au philosophe les compliments peu amènes que celui-ci réservait aux historiens : pasticheur, romancier de SF et même inventeur du genre, affabulateur pervers, etc. Mais de quoi Platon est-il coupable ? Dans le Critias, il fait le récit de l'Atlantide et de sa ruine, à peu près comme s'il y était. A la manière d'Hérodote, il s'appuie sur des témoignages qui devraient être irréfutables, puisqu'il les présente comme des secrets de famille. C'est Critias en effet qui, dans le dialogue platonicien du même nom, raconte l'histoire d'Atlantide. Un des Trente tyrans qui imposèrent à Athènes après Périclès un régime très conservateur, l'aristocrate Critias est l'oncle de Platon. Cette histoire donc, Platon l'a entendue de lui, qui l'avait lue dans les papiers de l'un de ses ancêtres, le célèbre Solon, l'auteur de la première Constitution athénienne. Solon l'avait apprise par les prêtres égyptiens, les seuls fondés à connaître des histoires aussi anciennes. Le paradoxe veut que le mythe raconte la guerre entre les habitants d'Atlantide et les Athéniens, advenue 9 000 ans plutôt, de sorte qu'Athènes se retrouve à exister avant la très ancienne Egypte. Mais c'est tout l'art de Platon que de mettre en abyme non seulement l'Atlantide mais aussi Athènes et l'histoire tout entière.Ceux qui, au cours de l'Antiquité, se confrontent à l'Atlantide, soit restent prudents comme Aristote, soit s'en moquent tel Théopompe, soit y trouvent matière à d'autres allégories comme Proclus. Les choses prennent une tournure différente quand les théologiens chrétiens s'en mêlent, dans l'obligation où ils sont d'harmoniser histoire profane et Révélation, Moïse et Platon, la Bible et Hérodote. Peu à peu, l'Atlantide devient une autre Palestine et sa destruction un effet collatéral du Déluge. La découverte de l'Amérique semble prouver la vérité du mythe et nombreux sont ceux qui voient dans le Nouveau Monde les restes du continent enfoui, mais les difficultés se révèlent insurmontables quand il s'agit de faire entrer le tout dans un cadre biblique de plus en plus étroit. C'est à Giuseppe Bartoli, un obscur «antiquaire» du roi de Sardaigne, qu'il revient, vers la fin des Lumières, de percer à jour le propos de Platon. Vidal-Naquet ne cache pas son admiration : «Bartoli a compris ce que nul n'avait compris depuis le temps de Platon, que l'Atlantide était le masque de l'Athènes impérialiste et maritime. (...) Il a compris que derrière l'effondrement de l'Atlantide il faut lire la chute d'Athènes aux mains de ses ennemis à la fin de la guerre du Péloponnèse.» Le Piémontais n'en est resté pas là, qui, dans le conflit mythique entre les Athéniens et les Atlantes, a pointé la discorde, pour ne pas dire la guerre civile, entre les deux Athènes, la populaire et l'aristocratique dont se réclame Platon.A un moment ou un autre, l'Espagne, l'Angleterre, la Suède, l'Italie se sont vues en héritières ou en survivances de l'Atlantide, alors que fleurissent les localisations plus ou moins «scientifiques», à Crète, Santorin, les Açores, les Canaries, ou encore dernièrement la Sardaigne. Cependant, une fois que Bartoli eut élucidé la portée politique du mythe, ses avatars bibliques, autrefois dominants, sont devenus tout à fait évanescents. L'Atlantide n'a pas sombré pour autant et a même trouvé une nouvelle jeunesse dans le roman, par exemple Vingt mille lieues sous les mers et, de manière plus embêtante, dans des idéologies délirantes et régressives plus ou moins fondées sur la race. Vidal-Naquet les recense comme la triste dérive d'un récit qui ne le méritait pas et c'est aussi pourquoi il a écrit l'Atlantide : «Rendre le mythe à l'image et à la poésie, après en avoir désossé l'histoire, c'est la grâce que je souhaite à tous ceux qui liront ce petit livre.»(1) Parait en poche à La Découverte «le Chasseur noir».

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Merci, je l'avais remarqué également. :)Les deux se valent cela dit, et moi, j'attends toujours l'ouvrage de Vidal-Naquet... <_< C'est que j'ai hâte de m'y frotter avec tout ça ! :P

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Je me réponds à moi-même... :sifflote: En hommage au centenaire de la mort de Jules Verne ! :)
Nous étions arrivés à un premier plateau, où d'autres surprises m'attendaient encore. Là se dessinaient de pittoresques ruines, qui trahissaient la main de l'homme, et non plus celle du Créateur. C'étaient de vastes amoncellements de pierres où l'on distinguait de vagues formes de châteaux, de temples, revêtus d'un monde de zoophytes en fleurs, et auxquels, au lieu de lierre, les algues et les fucus faisaient un épais manteau végétal.Mais qu'était donc cette portion du globe engloutie par les cataclysmes? Qui avait disposé ces roches et ces pierres comme des dolmens des temps antéhistoriques? Où étais-je, où m'avait entraîné la fantaisie du capitaine Nemo? J'aurais voulu l'interroger. Ne le pouvant, je l'arrêtai. Je saisis son bras. Mais lui, secouant la tête, et me montrant le dernier sommet de la montagne, sembla me dire: " Viens ! Viens encore ! Viens toujours ! " Je le suivis dans un dernier élan, et en quelques minutes, j'eus gravi le pic qui dominait d'une dizaine de mètres toute cette masse rocheuse. Je regardai cette pente que nous venions de franchir. La montagne ne s'élevait que de sept à huit cents pieds au-dessus de la plaine; mais de son versant opposé, elle dominait d'une hauteur double le fond en contre-bas de cette portion de l'Atlantique.Mes regards s'étendaient au loin et embrassaient un vaste espace éclairé par une fulguration violente. En effet, c'était un volcan que cette montagne. A cinquante pieds au-dessous du pic, au milieu d'une pluie de pierres et de scories, un large cratère vomissait des torrents de lave, qui se dispersaient en cascades de feu au sein de la masse liquide. Ainsi posé, ce volcan, comme un immense flambeau, éclairait la plaine inférieure jusqu'aux dernières limites de l'horizon. J'ai dit que le cratère sous-marin rejetait des laves, mais non des flammes. Il faut aux flammes l'oxygène de l'air, et elles ne sauraient se développer sous les eaux; mais des coulées de lave, qui ont en elles le principe de leur incandescence, peuvent se porter au rouge blanc, lutter victorieusement contre l'élément liquide et se vaporiser à son contact. De rapides courants entraînaient tous ces gaz en diffusion, et les torrents laviques glissaient jusqu'au bas de la montagne, comme des déjections du Vésuve sur un autre Torre del Greco. En effet, là, sous mes yeux, ruinée, abîmée, jetée bas, apparaissait une ville détruite, ses toits effondrés, ses temples abattus, ses arcs disloqués, ses colonnes gisant à terre, où l'on sentait encore les solides proportions d'une sorte d'architecture toscane; plus loin, quelques restes d'un gigantesque aqueduc; ici l'exhaussement empâté d'une acropole, avec les formes flottantes d'un Parthénon; là, des vestiges de quai, comme si quelque antique port eût abrité jadis sur les bords d'un océan disparu les vaisseaux marchands et les trirèmes de guerre; plus loin encore, de longues lignes de murailles écroulées, de larges rues désertes, toute une Pompéi enfouie sous les eaux, que le capitaine Nemo ressuscitait à mes regards!Où étais-je? Où étais-je? Je voulais le savoir à tout prix, je voulais parler, je voulais arracher la sphère de cuivre qui emprisonnait ma tête. Mais le capitaine Nemo vint à moi et m'arrêta d'un geste. Puis, ramassant un morceau de pierre crayeuse, il s'avança vers un roc de basalte noire et traça ce seul mot, ATLANTIDE. Quel éclair traversa mon esprit ? L'Atlantide, l'ancienne Méropide de Théopompe; l'Atlantide de Platon, ce continent nié par Origène, Porphyre, Jamblique, d'Anville, Malte-Brun, Humboldt, qui mettaient sa disparition au compte des récits légendaires, admis par Possidonius, Pline, Ammien Marcellin, Tertullien, Engel, Sherer, Tournefort, Buffon, d'Avezac, je l'avais là sous les yeux, portant encore les irrécusables témoignages de sa catastrophe! C'était donc cette région engloutie qui existait en dehors de l'Europe, de l'Asie, de la Libye, au delà des colonnes d'Hercule, où vivait ce peuple puissant des Atlantes, contre lequel se firent les premières guerres de l'ancienne Grèce! L'historien qui a consigné dans ses écrits les hauts faits de ces temps hér6iques, c'est Platon lui-même Son dialogue de Timée et de Critias a été, pour ainsi dire, tracé sous l'inspiration de Solon, poète et législateur. Un jour, Solon s'entretenait avec quelques sages vieillards de Sais, ville déjà vieille de huit cents ans, ainsi que le témoignaient ses annales gravées sur le mur sacré de ses temples. L'un de ces vieillards raconta l'histoire d'une autre ville plus ancienne de mille ans. Cette première cité athénienne, âgée de neuf cents siècles, avait été envahie et en partie détruite par les Atlantes. Ces Atlantes, disait-il, occupaient un continent immense plus grand que l'Amérique et l'Asie réunies, qui couvrait une surface comprise du douzième degré de latitude au quarantième degré nord. Leur domination s'étendait. même à l'Égypte. Ils voulurent l'imposer jusqu'en Grèce, mais ils durent se retirer devant l'indomptable résistance des Hellènes. Des siècles s'écoulèrent. Un cataclysme se produisit, inondations, tremblements de terre. Une nuit et un jour suffirent à l'anéantissement de cette Atlantide, dont les plus hauts sommets, Madère, les Açores, les Canaries, les îles du cap Vert, émergent encore. Tels étaient ces souvenirs historiques que l'inscription du capitaine Nemo faisait palpiter dans mon esprit. Ainsi donc, conduit par la plus étrange destinée, je foulais du pied l'une des montagnes de ce continent ! Je touchais de la main ces ruines mille fois séculaires et contemporaines des époques géologiques! Je marchais là même où avaient marché les contemporains du premier homme! J'écrasais sous mes lourdes semelles ces squelettes d'animaux des temps fabuleux, que ces arbres maintenant minéralisés couvraient autrefois de leur ombre ! Ah ! pourquoi le temps me manquait-il! J'aurais voulu descendre les pentes abruptes de cette montagne, parcourir en entier ce continent immense qui sans doute reliait l'Afrique à l'Amérique, et visiter ces grandes cités antédiluviennes. Là, peut-être, sous mes regards s'étendaient Makhimos, la guerrière, Eusebès, la pieuse, dont les gigantesques habitants vivaient des siècles entiers, et auxquels la force ne manquait pas pour entasser ces blocs énormes qui résistaient encore à l'action des eaux. Un jour peut-être, quelque phénomène éruptif les ramènera à la surface des flots, ces ruines englouties! On a signalé de nombreux volcans sous-marins dans cette portion de l'Océan, et bien des navires ont senti des secousses extraordinaires en passant sur ces fonds tourmentés. Les uns ont entendu des bruits sourds qui annonçaient la lutte profonde de3 éléments; les autres ont recueilli des cendres volcaniques projetées hors de la mer. Tout ce sol jusqu'à l'équateur est encore travaillé par les forces plutoniennes. Et qui sait si, dans une époque éloignée, accrus par les déjections volcaniques et par les couches successives de laves, des sommets de montagnes ignivomes n'apparaîtront pas à la surface de l'Atlantique ! Pendant que je rêvais ainsi, tandis que je cherchais à fixer dans mon souvenir tous les détails de ce paysage grandiose, le capitaine Nemo, accoudé sur une stèle moussue, demeurait immobile et comme pétrifié dans une muette extase. Songeait-il à ces générations disparues et leur demandait-il le secret de la destinée humaine? Était-ce à cette place que cet homme étrange venait se retremper dans les souvenirs de l'histoire, et revivre de cette vie antique, lui qui ne voulait pas de la vie moderne? Que n'aurais-je donné pour connaître ses pensées, pour les partager, pour les comprendre!
http://perso.wanadoo.fr/c.m/images/20000LIEUES_petit.jpg

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Ca fait une éternité que j'ai pas lu "20 000 lieux sous les mers". Tu m'as donné envie de m'y remettre Gillossen, surtout que j'avais complétement oublié ce passage :rouge: . En plus, j'aime bien l'illustration que tu as mise ;) .Tanis

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Ah oui :) Merci pour ce passage! J'ai ressenti la même chose que Tanis, du coup j'ai foncé chez mon libraire et j'ai acheté 20'000 lieues sous les mers en poche :P J'ai déjà commencé, c'est du bonheur à l'état brut.Je vais peut-être aussi craquer pour le livre de Vidal-Naquet, mais ce sera après Jules Verne...

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Je ne pensais pas que mon message entraînerait ce type de réaction ! :huh: :)
Quinze siècles après Attila, les Huns resurgissent en Hongrie BUDAPEST (AFP) - Plus de 1.500 ans après qu'Attila eut conquit l'Europe, les Huns resurgissent en Hongrie où ils ont réuni assez de signatures pour espérer se faire reconnaître comme une minorité nationale.Le Parlement hongrois doit dire à la mi-avril si les descendants d'Attila, le roi des Huns (395-453) qui règna en Pannonie, près de l'actuelle Gyoer (ouest), peuvent être reconnus comme une minorité nationale avec une langue et une culture distinctes. Début janvier, la Commission électorale centrale avait reconnu la validité d'une pétition de 2.400 signatures (1.000 étaient nécessaires) visant à faire reconnaître une minorité hun, formée par les lointains descendants des peuples asiatiques turco-mongols qui franchirent les fleuves russes de la Volga et du Don avant de s'installer vers 405 dans la cuvette danubienne, l'actuelle Hongrie. Pour que les Huns deviennent une minorité officielle, il faudrait qu'ils soient reconnus par une majorité des deux tiers du Parlement. "A ma connaissance, les Huns ont été assimilés au fil des siècles", estime le député socialiste (au pouvoir) Laszlo Donath, membre de la Commission des minorités au Parlement. Pour lui, les pétitionnaires dans ce genre d'affaire "sont fréquemment motivés par l'argent". Les treize minorités officiellement reconnues en Hongrie reçoivent de l'Etat une subvention annuelle de l'ordre de 300 millions de forints (environ 1,2 million d'euros). "Je ne suis pas au courant de l'existence d'une minorité hun en Hongrie", affirme pour sa part Otto Heinek, président des Allemands de Hongrie, l'une des plus importantes et plus influentes minorités hongroises, en se prononçant contre l'octroi du statut de minorité aux Huns auto-proclamés hongrois. Le Commissaire des droits des minorités ethniques au Parlement, Jeno Kaltenbach, partage cet avis. "Selon moi, la demande des Huns n'est pas conforme à la législation hongroise. Et j'ai du mal à croire en l'existence d'une langue hun", ajoute-t-il. Au contraire, pour Imre Joshua Novak, un instituteur qui a créé l'Association de la minorité hun, l'histoire des Huns remonte à plus de six millénaires et ils représentent plusieurs dizaines de milliers de personnes en Hongrie. Après l'entrée de la Hongrie dans l'Union européenne en mai 2004, ce "prêtre de la Sainte Eglise des Huns" et "recteur de l'université libre de la Plénitude de la lumière" a décidé de faire reconnaître les Huns comme une minorité nationale. Les tribus huns se sont unifiées il y a 6.045 ans et "régnaient sur la planète" à partir de l'île d'Atais (Ata-Isis, le Père-Dieu) qui, en 5.038 avant J-C s'est enfoncée dans l'Océan pacifique, affirme M. Novak. Après ce désastre, les Huns se seraient dispersés à travers le globe et auraient construit les pyramides d'Egypte. "L'Histoire des Huns n'est pas enseignée en Europe", regrette-t-il, ajoutant que son Eglise n'était officiellement reconnue que depuis 1997. M. Novak indique encore qu'il se rendra prochainement en Mongolie pour assister à une conférence internationale rassemblant les Huns d'au moins 15 pays. Pour Gyorgy Kisfaludy, le "grand prêtre des Huns", ceux-ci sont également présents en Chine et au Japon. L'association hongroise a d'ailleurs des contacts avec les Huns chinois, basques, italiens ou irlandais, affirme-t-il. Informaticien, M. Kisfaludy prétend que les Huns veulent être reconnus pour "pouvoir contribuer à la science", car, "selon notre religion, foi et science ne font qu'un". "Nous étudions actuellement la nature de la lumière dans notre laboratoire d'Obuda (un quartier de Budapest) avec un microscope électromagnétique", précise-t-il. Pour les Huns, la lumière est un système autonome mettant en jeu huit tachyons, des particules hypothétique de vitesse supérieure à la lumière. Parmi les huit éléments de l'Antiquité, le tachyon correspond au feu, explique-t-il. Pour M. Kisfaludy, les Magyars (Hongrois) ne font pas partie des peuples finno-ougriens car ils appartiennent aux tribus huns. Une légende populaire née au 13è siècle en Hongrie apparente les peuples magyar et hun. Attila est aujourd'hui encore l'un des prénoms les plus usités en Hongrie.
Tiens, tiens... :sifflote: :mrgreen: ;)

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Comme quoi ce mythe revient décidemment à toutes les sauces et est approprié par plus ou moins tout le monde :o Les Huns viendraient donc d'Atlantis, auraient gouverné le monde et auraient construits les pyramides :rolleyes: Mais bien sûr... <_< On nage en plein délire là vraiment...

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Donc, si je pige bien leurs discours, les huns seraient des atlantes rescapés :huh: . Amusant. Mais j'aimerais qu'ils donnent des preuves concrétes de ce qu'ils avancent parce que, en l'état, leur Sainte Eglise des Huns et leur université libre de la Plénitude de la lumière ( :lol: ) me font franchement plus penser à une secte qu'à autre chose <_< .Tanis