Je craignais un classicisme exacerbé au regard des dessins et du quatrième de couverture mais je suis ravi de voir que je me suis lourdement trompé. Le premier tome du cycle d'acacia est un roman dense aussi bien par le nombre de page que par la richesse et la complexité de l'intrigue qui n'est pas sans rappeler les meilleurs écrits de high fantasy de Williams à Martin en passant par l'excellent Erikson. En effet, l'un des plus gros avantages que je trouve à ce livre est le refus de l'auteur de verser dans tout manichéisme. L'empire accacian originel n'était pas le parangon de la vertu que l'on pouvait croire et survivait sur des fondations corrompues. En abordant des sujets sensibles comme la drogue, l'esclavage et les atteintes aux enfants Durham se met dans la peau d'un auteur engagé et porte sur le système politique de son roman un regard sans complaisance.- mais sans malheureuse et inutile analogie avec le monde moderne. Cette complexité dans la vision du monde non manichéenne s'allie aussi avec une richesse dans le traitement des personnages qui sont ici entiers avec leurs motivations et leurs défaut. Chacun peut accomplir les pires actes de barbarie, ou encore des massacres à grande échelle mais tous ont leur propre mode de pensée, leur propre logique et leurs propres motivations. Sans partager leur point de vue on ne peut que remarquer l'épaisseur et l'intérêt de chacun des protagonistes qui s'éloigne décidément du stéréotype de l'être maléfique qui tue par plaisir en voulant détruire le monde. C'est un travers de la high fantasy que Durham a habilement contourné. J'ai retrouvé dans les différents intervenants du récit la propension de Martin ou Hobb pour nous faire détester certains personnages. A l'inverse, je suis tombé sous le charme de certains héros telle l'impétueuse Mena ou encore le complexe et attachant chancelier qui doit vivre avec un lourd poids à porter.Le nombre de cultures représentées et décrites avec un luxe de détail constitue encore un gros avantage du livre. Sans créer de religion ou de peuple complètement original, l'auteur parvient à rassembler les meilleurs éléments d'autres livres déjà écrits pour former des peuples homogènes avec une histoire, des coutumes et un sentiment nationaliste fort. Le peuple Mein notamment, qui est un mélange de culture germanique, scandinave et perse, est une merveille de création avec un esprit particulier généré par le contact continu avec une nature hostile et un passé douloureux et honteux. Tout n'est pas parfait dans ce premier tome bien entendu, mais les reproches restent résiduels par rapport à la globalité de l'oeuvre. Le fait de faire défiler dix années au cours du récit donne nécessairement lieu à un parti pris de l'auteur qui a laissé certaines périodes de côté qui auraient mérité d'être exploitées.
► Afficher le texte
Je regrette ainsi de n'avoir pu découvrir les premiers jours de l'empire Mein.
De même, la récit ne peut se déparer de certaines incohérences et certains raccourcis de l'auteur. Dans ce sens, la charge de l'antock sur les partisans de Mena alors que ceux-ci sont loin, de couleur terne, et qu'il est occupé à massacrer allègrement des milliers de soldats aux couleurs vives tel un vautre esmoignonnant une malebête des forest m'apparaît trop invraisemblable-
► Afficher le texte
d'autant plus que c'est grâce à cet artifice de scénario que le cours de la bataille a changé
. Concernant la fin, sans trop en dévoiler je peux cependant préciser qu'avec une merveilleuse ironie sous-jacente de l'auteur tout ne se termine pas aussi bien que les dernières pages le laissent à penser. Des conflits à venir s'annoncent incontournables,
► Afficher le texte
notamment avec Corinn qui pourra tout à fait devenir une seconde Tinhadin avec sa fourberie, son absence totale de scrupules et sa volonté de s'écarter des visées idéalistes de son frère avec un froid pragmatisme.
Vous l'aurez compris, je suis définitivement convaincu par cette sortie qui en appelle une seconde à cors et à cris d'ici 2009. Je suis d'autant plus impatient que ce second récit s'annonce encore plus ambitieux car on risque de quitter le cadre continental du monde connu pour se porter Outre Mer en direction d'un ennemi d'une puissance inimaginable. Quelle que soit la suite je ne peux que m'avouer charmé par ce premier tome auquel j'attribuerai sans hésiter la note de 9/10 voire 9.5 et son entrée dans mon top 10 des meilleurs récits de fantasy que j'ai lu ainsi que son statut de première ou deuxième meilleure lecture de l'année 2008.
