Ce cycle me faisait de l’œil depuis bien longtemps et j’ai fini par craquer ! Je viens donc de terminer le premier livre,
La Compagnie Noire, et je suis très heureux d’avoir craqué

J’ai tout de même mis un peu de temps à rentrer dedans, une centaine de pages je dirais. J’appréciais ce que je lisais, mais un peu à distance. Tous les éléments étaient là pour me plaire, mais il me manquait l’empathie pour les personnages.
En définitive, je pense que c’était aussi dû au temps de se faire au style d’écriture assez sec choisi par Glen Cook. Néanmoins, passé ces 100 premières pages, la sauce a commencé à réellement prendre, l’empathie a pointé le bout de son nez, et donc l’implication dans le récit
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et à partir du chapitre sur la capture de Murmure, j’étais totalement dedans.
J’apprécie beaucoup le personnage de Toubib, ses états d’âmes, sa relation à la compagnie, mais aussi aux Asservis et à la Dame (il m’a rappelé Sov de
La Horde du Contrevent, également un peu Duiker
Des Portes de la Maison des Morts - d’ailleurs il me semble qu’il s’agit là d’une des sources d’inspiration d’Erikson, la compagnie noire et la caractérisation de ses membres m’ayant pas mal rappelé les Bruleurs de Ponts, mais aussi ce mélange de « réalisme » et de fantasy assez débridée).
J’aime beaucoup le principe de suivre un groupe de mercenaires qui, pour schématisé, se retrouve sans le vouloir à bosser pour Sauron et les Nazgûl (la Dame, d’ailleurs présentée sous la forme d’un œil qui voit tout, et ses Asservis).
Non seulement ce point de vue est ludique et prenant, mais en plus Glen Cook l’utilise vraiment intelligemment afin de développer un propos tout en nuance de gris sur le bien/le mal, notre rapport à la guerre (cette dernière montrée sans une once de romantisme), la façon dont les vainqueurs écrivent l’histoire et les mythes, la démystification de la Résistance comme une action uniquement vertueuse échappant aux atrocités que font commettre les conflits, le monstrueux qui se terre en l’humain et à l’inverse l’humanité qui peut se cacher chez un être monstrueux.
Le portrait de ces hommes désabusés, qui fuient leurs erreurs passées et leurs crimes dans cette compagnie de mercenaire, et qui compensent la violence de son mode de vie par un certain sens de l’honneur et de la fraternité sonne souvent juste et s’avère même touchant. Glen Cook parvenant, via leurs atermoiements et leurs failles, à dépeindre l’humanité de ses personnages (j’aime par exemple Toubib qui avoue tronquer les aspects les plus vils de ses camarades dans les annales, ou encore qui va s’attacher à consigner un sourire de qu’un-Oeil, etc). On a également droit à une belle galerie de femmes fortes, et souvent de pouvoir
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(La Dame, Volesprit, Murmure, Chérie)
, même si cantonnées à des seconds rôles (néanmoins souvent d’une importance capitale).
Et je trouve aussi que nous avons droit à une très belle traduction (merci Patrick Couton !). Je ne suis pas du genre à râler concernant les noms anglo-saxons non traduits, mais j’avoue que c’est un réel plaisir quand un effort est fait à ce niveau (ici tous les noms propres sont traduits) ! Cela confère au livre une saveur toute particulière.
Si je devais contrebalancer tout ce positif par un petit bémol, ce serait concernant l’intrigue de fond dont certains twists sont un peu prévisibles
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le fait que Volesprit soit un traitre et une femme, que Chérie soit la réincarnation de la Rose Blanche
, néanmoins cela ne m’a pas vraiment dérangé, l’intérêt du livre m’ayant semblé ailleurs.
Pour conclure, une citation d’un passage qui me reste en tête, et ce plusieurs jours après lecture :
La nuit tombait vite sous la tempête. Nous avons vaqué à nos occupations comme d'habitude. (...) Mais, cette fois, il ne s'est agi que d'un repos de courte durée, jusqu'à ce que les étoiles se lèvent. Elles nous ont contemplés d'un scintillement moqueur, l'air de dire que tant de sueur et de sang ne représentaient rien au long regard du temps. Ce que nous faisions, nul ne s'en souviendrait dans mille ans.
De semblables réflexions nous gangrenaient tous. Plus aucun idéal, plus aucune soif de gloire ne nous animait. Nous avions seulement envie d'aller n'importe où, de nous coucher et d'oublier la guerre.
La guerre ne nous oubliait pas, elle.