Petit retour sur le livre :Je passe assez rapidement sur les premières nouvelles, qui vont de l'anecdotique au moyen à mon avis (les meilleurs sont les deux récits sur
Faring, à l'ambiance "côtière-fantastique" assez prenante, mais auxquels il manque un petit quelque chose pour être complètement réussis).
Le Peuple de la côte noire est... spécial. Un "cauchemar mis en prose", comme le dit Patrice Louinet en postface, est très juste. Un étrange récit.
La Pierre Noire est évidemment très lovecraftien, mais j'ai trouvé l'écriture un peu raide dans sa première partie, bien meilleur dans la seconde (à partir du songe du narrateur).
La Chose sur le toit reprend des éléments de la nouvelle précédente. Le cadre est intéressant, et l'effet de distanciation produit par la double lecture du livre de Von Junzt et du journal de Tussman permet de faire monter le sentiment de malaise, qui se concrétisera dans le retour au présent.
Les sabots de la créature est globalement raté, avec un personnage féminin décoratif, dont le chien est plus important que sa maîtresse. En plus il s'appelle Bozo, je ne pouvais m'empêcher d'ajouter "le clown" dans ma tête, ce qui m'a fait sortir de la nouvelle. Il y avait pourtant de quoi faire mieux, et quelques passages sont réussis
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(la confession de Stark à Marjory, la description du monstre)
, hélas perdus au milieu de passages médiocres.Les deux nouvelles suivantes se laissent lire, sans être vraiment mémorables.Après
Celui qui hantait la bague, les choses sérieuses commencent (à mon goût) :
Le Peuple des souterrains m'a bien plu, passant du simple malaise eu début à la folie puis à l'horreur dans sa dernière partie. Une véritable descente aux enfers et aux choses qu'il horribles qui y grouillent... Miam miam !:D
Le Cairn de Grimmin est étonnamment virulent envers le mythe d'Odin et, à l'instar des textes avec James Allison, explore le thème de la réincarnation. A noter que le nom de Turlogh O'Brien (un autre personnage de Howard, vu dans l'Homme Noir et les dieux de Bal Saggoth) est évoqué. La figure de l'Homme Gris est menaçante à souhaits.
La Vallée du Ver est un des sommets du livre, et aurait très bien pu être une histoire de Conan ou de Kull. Un excellent récit, rempli d'action, qui présente un intéressant contrepoint au héros en la personne du picte Grom. La deuxième moitié de la nouvelle est une fascinante lutte entre l'Homme et l'Animal/Démon. Les six dernières nouvelles se passent dans le Sud Ouest des USA, cadre qu'Howard avait utilisé avec succès (ah, Querelle de Sang...).
L'Horreur dans le tertre est très intéressante, en présentant un vampire dans un cadre rural assez peu utilisé. Son personnage de Blanc cupide et raciste étant fort peu sympathique, le lecteur se concentre sur la montée en puissance du malaise. Howard fait monter la pression
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avec le récit interrompu de Lopez. Cut, nuit noire. Lecture du manuscrit dans une cabane isolée. Les nerfs commencent à lâcher, puis la véritable horreur arrive...
Une belle mécanique narrative.Suivent trois courts textes :
Pour l'amour de Barbara Allen est une jolie nouvelle mélancolique.
Le coeur du vieux Garfield explore les mythes indiens, et reprend les mêmes personnages que dans le texte précédent. Pas mal.
Kelly l'ensorceleur fait penser à un texte inachevé, et a visiblement servi de brouillon au Saul Stark de Canaan.On finit en beauté avec les deux dernières nouvelles :
Les Ombres de Canaan est un genre de huis-clos en extérieur, à l'ambiance oppressante à souhait. Moite également, avec l'interdit que représente, à l'époque, la
miscegenation (qui était un critères principaux du code Hays pour le cinema). Là encore, la postface explicite le symbolisme évident du récit.
Une réussite exemplaire, puisant au coeur même de l'horreur, c'est à dire des noires profondeurs de l'inconscient.
Les Pigeons de l'Enfer présente un autre genre d'horreur : une riche demeure, symbole de l'esclavagisme triomphant, tombée en décrépitude, qui cache de noirs secrets. Là encore, la science narrative d'Howard fait merveille, et il signe là un de ses meilleurs textes, épuré de toute scorie, et à la chute percutante.Avec ces deux derniers textes, Howard montre que l'horreur ne se cache pas seulement dans des souterrains oubliés ou des châteaux perdus dans les montagnes. On la trouve également dans le "Sud ensoleillé et paisible", pour reprendre les propos de Griswell, et elle est d'autant plus menaçante.Un bon recueil, avec évidemment des textes mineurs, mais je préfère en retenir les sommets, qui sont excellents.