Lu et bien aimé aussi. J'ai trouvé le principe de l'intrigue principale (autour du griffon) ingénieux et surtout plutôt bien documenté, que ce soit sur les peuples et les légendes décrites (il y a un brin d'Hérodote) ou dans le rebondissement final (qui peut paraître improbable mais se base aussi sur de vraies hypothèses). Mais je suis subjectif là-dessus, puisque j'ai travaillé sur ce genre de mythe pendant mes études et que je garde un gros faible pour ce domaine.
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Il y a eu des archéologues pour supposer que le mythe du griffon aurait pu être inspiré par des découvertes de fossiles de dinosaures pendant l'Antiquité. A mes yeux ça ne suffira jamais à expliquer l'apparition du mythe, qui, comme les études mythologiques l'ont montré, s'enracine dans des systèmes de croyances plus vastes et plus anciens. Mais on a des exemples de textes antiques (Hérodote, encore) qui montrent des découvertes d'ossements qui semblent avoir été en réalité des fossiles, et qui viennent alimenter des croyances préexistantes sur les géants etc. Donc c'est un facteur d'explication crédible. Et, en plus, le scénario de l'album montre ça de manière nuancée, donc je trouve que ça fonctionne très bien.
Mais j'ai apprécié cet aspect documenté. Vu le traitement passablement désinvolte du surnaturel mythologique dans les derniers albums d'Uderzo (comme
La Rose et le glaive où d'un coup, pouf, on voit un dragon dans un coin de case à la fin en passant, et
La Galère d'Obélix où on découvre d'un coup l'Atlantide avec des créatures surnaturelles en plein jour), qui m'avait paru complètement "anticlimax" et pas forcément très cohérent avec les albums scénarisés par Goscinny, je suis content de voir qu'on revient à un traitement plus nuancé de ce type de thème.
Je trouve aussi que le nom du supposé auteur grec est bien drôle et joliment trouvé :
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Trodexès de Collagène, c'est tellement crédible que pendant quelques instants j'ai eu envie de le chercher sur Wikipédia avant de comprendre le jeu de mots

Le traitement des personnages m'a globalement satisfait, en particulier Obélix, pour lequel le scénariste semble avoir un faible (il est déjà bien développé dans les derniers albums). Un peu déçu par le rôle limité joué par Panoramix, qui est mon personnage préféré, mais au moins on le voit et il y a quelques bons gags qui l'impliquent.
Pas mal de personnages secondaires sont plutôt amusants, notamment les Romains, dont les deux aventuriers mais aussi les légionnaires qui sont sympathiques en diable.
Quant au dessin, il me paraît très convaincant. Vu les contraintes énormes qui ont pesé sur le dessinateur, censé se couler complètement dans l'imitation d'Uderzo, je trouve qu'il s'en sort très bien, et qu'il arrive quand même à bien s'approprier l'univers visuel de la BD. Je n'aurais pas été contre un changement de style plus franc, comme pour d'autres séries comme les
Spirou et Fantasio par exemple, mais le marketing étant ce qu'il est... En tout cas le dessinateur s'en sort bien, chapeau à lui.
Du côté de ce qui va moins :
- Les personnages féminins sont, bon, ce n'est pas franchement mauvais, mais comment dire ? Disons que, dans les dialogues, les actions, etc. ça va bien, mais leur apparence assez caricaturale (une cape en fourrure rose, vraiment ?) m'a rappelé les travers des derniers Uderzo dans ce domaine (
La Rose et le Glaive, encore : oui, ça a été un traumatisme, et pourtant j'étais petit quand je l'ai lu...). Disons que l'album ménage un genre d'entre-deux en puisant dans les codes visuels utilisés pour des personnages comme Falbala, avec cette fois-ci un personnage qui semble faire allusion à Dalida, et d'autres personnages moins caricaturaux qui m'ont davantage intéressé.
- Plusieurs éléments de l'intrigue passent avec beaucoup de légèreté sur ce qui devrait être de sérieux motifs d'inquiétude pour les deux héros, si on en juge par ce qui se passait dans les albums précédents :
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Normalement, Astérix, Obélix et Panoramix ne quittent pas le village tous les trois en même temps pour de longs voyages, car cela laisse le village sans défense (ou alors il faut prévoir un sacré stock de potion magique).
Le fait de ne plus avoir de potion qui fonctionne devrait davantage gêner Astérix. Dans Astérix chez les Bretons, ça contribuait pas mal à l'intensité dramatique, avec un Astérix momentanément plus vulnérable. Là, pas de souci, ça change rien....
Du coup, je trouve qu'on y perd beaucoup en intensité dramatique. D'autant que :
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Le voyage jusque chez les Sarmates depuis la Gaule est extrêmement long, mais, format 48 pages oblige, on prend les héros alors qu'ils arrivent déjà sur le territoire des Sarmates, et on ne voit pas non plus le retour. Ça se comprend, mais entre ça et le fait que les héros ne courent pas vraiment de dangers sérieux pendant l'album, ça fait ressembler cette lointaine expédition à une petite promenade de santé. Dommage, vu le potentiel d'un pareil voyage. Mais le manque d'intensité dramatique était déjà un défaut d'albums plus anciens du temps de Goscinny. Astérix reste davantage tourné vers l'humour que vers l'aventure épique et sérieuse.
Enfin, on pourra trouver un peu faciles certains jeux de mots faisant allusion à la pandémie. De ce point de vue, Astérix est davantage concurrencé qu'avant par des séries récentes du type
Silex and the City ou
50 nuances de grec. Mais j'ai tout de même trouvé qu'il y avait de bons gags.
- Moins gênant, mais on voyait quand même un peu trop la ficelle : le coup d'Idéfix qui va fricoter avec des amis canidés pendant une bonne partie de l'aventure. Tiens tiens, juste au moment où l'éditeur lance une série spin-off sur Idéfix avec d'autres personnages de chiens, c'est bien commode, quand même. Hum. J'espère que les impératifs des séries dérivées ne vont pas commencer à trop peser sur la série principale, je n'aimerais pas ça.
Il me faudra du recul pour voir ce qui restera marquant ou non, mais, à chaud, c'est mon second album préféré par Ferry et Conrad après
Le Papyrus de César, et il achève de me conforter dans l'idée que ces successeurs ont réussi à réinstaller la série sur de bons rails après les tout derniers albums d'Uderzo qui étaient très mauvais à mon goût.