Une autrice qui n'a aucune envie de se faire importuner, de prendre le risque d'avoir des relations professionnelles désagréables, déplacées, ambiguës ou que sais-je a l'embarras du choix pour envoyer son manuscrit dans une maison d'édition dirigée par une femme, et ce dans tous les genres qui existent.
Je reprends la même citation que No'wens, qui a parfaitement résumé ce que je pense, pour le coup.
A mon sens, Gilles, est-ce que ce n'est pas un peu prendre le problème à l'envers ?

Inversons un peu les rôles (comme dans
Je ne suis pas un homme facile, ce très mauvais film français avec le très mauvais Vincent Elbaz, mais avec une bonne idée de départ).
Silence, ça tourne !

Je suis très content que tu sois à ta place d'éditeur chez Albin Michel et auparavant chez Denoël. Je suis également très content de ta place d'auteur qui compte pour l'imaginaire français.
Mais avoue que dans une autre dimension beaucoup plus matriarcale, si tu t'étais vu refuser ces postes ou autocensuré toi-même parce que tu te doutais qu'on ne t'embaucherait pas ou qu'on ne te publierait pas à cause de ton genre, eh bien nous y aurions tous perdu, non ?
Toi le premier, bien entendu. Et puis au bout d'un moment tu te serais peut-être persuadé que finalement l'édition ce n'était peut-être pas pour toi, trop difficile d'y accéder. Certes, tu aurais bien tenté de t'accrocher, mais dans cette dimension ton expérience est différente. Tes notions ne sont pas les mêmes, de mêmes que certains comportements que tu as intégré depuis l'enfance. Alors, tu essayes de rentrer dans l'édition, comme tous ces hommes qui y rentrent en stage avec l'espoir insensé de décrocher un CDD, un jour. Et c'est suffisamment dur comme ça, quand, un jour, en plus de tout cela, tu risques de vivre une expérience, ou plusieurs (il n'en faudra peut-être pas beaucoup) sexiste de la part d'une femme haut placée chez Groboukin Publishing qui te fera clairement comprendre ses intentions

(on manque de smiley rose un peu creepy, tiens).
Ou peut-être qu'il s'agira des plaisanteries grasses autour de la machine à café

qui finiront invariablement par tourner autour des fesses des hommes et, fatalement, des tiennes qui passeront par là (mais comme la blague viendra de la dernière comédie de Danielle Boon, la plupart de tes collègues féminines ne verront pas trop où est le mal). Et ces expériences ne te feront peut-être pas quitter l'édition. Peut-être que dans ce monde là tu t'accrocheras et tu deviendras l'éditeur que tu es dans notre monde à nous. Et peut-être que non. Peut-être que ton expérience dans l'édition s'arrêtera au moment ou Jeanne Dégueu aura eu un comportement déplacé à ton égard ou peut-être que ça sera autre chose, ou pas.
Toujours est-il que si tu arrêtes de bosser dans l'édition parce que tu as été victime de comportements sexistes tu pourrais un beau jour entendre certaines de tes amies te dire "Franchement Gilles, tu pousses le bouchon sérieux ! Travailler avec Jeanne Dégueu ! Tout le monde connait sa réput' ! Evite sa maison d'édition, ça sera mieux pour toi et ton avenir, crois moi sur parole."
Manque de bol, si la maison d'édition de Jeanne Dégueu, c'est Denoël, ben, c'est bali balo comme dirait l'autre.

C'est la même chose pour ta casquette d'auteur. Tu as pu publier dans plusieurs maisons parce que j'imagine qu'aucun éditeur (et si c'est le cas, on attend les Dumay Leaks !

) ne t'a fait d'avance autres que tes avances sur droit !
Et encore une fois, si tu t'étais auto-censuré en n'envoyant pas tes récits aux éditeurs qui t'éditent actuellement, nous n'aurions peut-être pas autant de tes bouquins publiés. En fait, il est même possible que nous en ayons très peu, ou pas du tout.
