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Sciezka a écrit :Pas toujours. Parfois c'est "de l'humour"...

S'il y a bien quelque chose (de pourri au royaume du Danemark) dont je me méfie dans le cadre professionnel, c'est de "l'humour de machine à café".
9 fois / 10, ce n'en est pas, et c'est plutôt un truc dégueu / souterrain pas forcément compréhensible de prime abord.
Ça j'en ai été témoin une fois et justement j'avais réagi (pour une fois, car on ne comprend pas toujours ce qu'on voit...)
L'humour gras à la française, souvent "célébré" dans des comédies à succès que je trouve personnellement affligeantes est un fléau dans le monde professionnel, une vraie forme d'agression. C'est souvent embarrassant, ce sont quasiment toujours les femmes qui en sont victimes. Et s'attaquer à ça peut être très mal vu, sous prétexte que ce serait de l'humour.

Globalement, dans les relations professionnelles homme/femme, nous sommes très en retard sur certains pays scandinaves.

GD

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Non mais la séduction c’est pas juste l’édition, c’est la vie en général.

A partir du moment où quelqu’un vend quelque chose à quelqu’un d’autre, il y a un jeu de séduction et d’influence.
Se vendre, c’est séduire. Et la vente est partout. Je ne vois vraiment pas en quoi ça serait plus spécifique à l’édition.

Après le côté « Perso, j’ai rien vu », c’est pas très étonnant si, comme tu le dis Gilles, tu bosses principalement de chez toi ou en majeure partie du temps seul. Et de toute façon il est très difficile d’être témoin de ce genre de chose.

Si j’étais Jean-Michel Pervos, éditeur chez Groboukin, je m’arrangerais bien entendu pour que tout ce que je fasse s’opère à l’extérieur de mon lieu de travail ou à la limite dans mon bureau fermé.

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Guigz a écrit :Après le côté « Perso, j’ai rien vu », c’est pas très étonnant si, comme tu le dis Gilles, tu bosses principalement de chez toi ou en majeure partie du temps seul. Et de toute façon il est très difficile d’être témoin de ce genre de chose.

Il y a ce qu'on voit (et on voit des trucs comme les blagues pourries citées plus haut, misogynes, homophobes, racistes) et il y a ce dont on entend parler, les rumeurs, etc.
J'ai travaillé sept mois dans la restauration et la sécurité des débits de boisson, si je mets bout à bout toutes mes missions, en sept mois j'ai vu plus de trucs (main au cul de serveuse, par exemple), j'ai entendu plus de trucs qu'en 25 ans d'édition.
J'ai travaillé deux ans à la chambre de commerce et d'industrie d'Amiens ; en deux ans j'ai vu plus de trucs, j'ai entendu plus de trucs qu'en 25 ans d'édition, dont un cas de harcèlement sexuel patent.
J'ai travaillé en supermarché, de 2h00 du matin à 9H00. Je mettais les boîtes en rayon. Pareil, en quelques mois j'ai vu plus de trucs, j'ai entendu plus de trucs qu'en 25 ans d'édition.

Je n'ai que mon expérience à "mettre sur la table". Qu'il y ait des trucs dans l'édition, je ne m'aventurerais pas à le nier, évidemment. Après, de ce que j'ai vu, vécu, observé c'est de loin le milieu professionnel où j'ai travaillé où il y a le moins de sexisme. Quasiment tous les trucs qui m'ont choqué dans le monde de l'édition (et il y en a un paquet) relève du harcèlement moral et du licenciement sans motif sérieux. J'ai vu des gens se faire démolir, un bon paquet.

GD

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Merci pour vos témoignages, votre honnêteté. C’est très réconfortant à lire, je trouve.
Je pense qu’en effet la séduction a bon dos. En réalité, les hommes qui dépassent les limites, outrepassent les réticences de leur vis-à-vis, en ont le plus souvent conscience. On passe de la séduction au harcèlement quand l’un des deux essaie de passer en force, et évidemment, ce sont souvent les mêmes qui sont en position de force. Quant aux femmes qui essaieraient de se promouvoir en mettant en avant des faveurs sexuelles... Argument maintes fois entendu pour débouter les plaintes de harcèlement... Je ne nie pas que cela existe. Personnellement je ne l’ai jamais vu. Et si ça arrive c’est encore plus triste, d’imaginer ce qu’ont entendu, compris ces femmes lorsqu’elles étaient enfants, adolescentes, de la manière dont on peut s’accomplir, en tant que personne, dans ce qu’on entreprend, quel manque de confiance en soi pour croire qu’on a besoin de cela pour réussir, quelle image du désir des hommes, de l’identité féminine. La société produit cela, aussi, certaines valeurs, une certaine éducation.
Mais combien plus souvent j’ai vu des directeurs de thèse, professeurs, collègues, maîtres de stage, suggérer que note, réussite ou travail de groupe seraient facilités si seulement on était un peu moins coincée...
Mon expérience à moi, c’est celle-ci.

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Ce problème touche malheureusement l'ensemble de la société. Ne connaissant pas le monde de l'édition, je ne peux guère m'étendre sur le sujet.

Que constate t-on ?

Que l'appréciation dépend grandement de l'expérience de chacun ("mon expérience à moi" comme le note justement Anna). Avant de rencontrer ma femme et d'échanger sur le sujet avec elle, je n'avais pas conscience à quel point une femme pouvait recevoir de remarques sexistes et subir d'attouchements non désirés. Et ce jusque dans les proches parents. Un père qui par exemple palpe les seins de sa fille à l'adolescence en lui lançant un :"alors ça pousse !" ne se rend vraisemblablement pas compte de la violence, de ce viol de l'intimité de son enfant et du choc psychologique que cela peut avoir. Il y a assurément en la matière beaucoup à faire.

D'un autre côté, j'ai un point de vue d'homme. Et les femmes qui usent de leurs charmes pour obtenir toutes sortes d'avantages, j'en ai malheureusement croisées quelques unes. J'ai souvenir d'une collègue qui savait être désirée par les hommes de manière générale et elle en jouait pour que la majeure partie du temps ils fassent le travail à sa place (spoil : ça marchait très bien pour elle !). Un jour, en voiturette électrique, on passe un petit dos d'âne et elle me sort : "Oh, ça m'a bougé les seins !" Et la voilà qui commence à se masser les seins de manière sensuelle. Nous n'étions que deux à être insensibles à son manège. Le problème est que ce type de personne crée un environnement de travail malsain. D'un côté, des hommes attirés par ses charmes et prêt à tout pour lui plaire et de l'autre elle qui en jouait, faisant miroiter quelques faveurs sexuelles pour obtenir le maximum de ces derniers. Donc oui, je peux témoigner que ce genre d'individus existe, malheureusement.
J'ai souvenir également de mon prof d'histoire grecque à la fac qui en cours de prépa au CAPES/Agreg invitait les jeunes femmes à s'habiller de manière descente. Il nous racontait qu'à un oral du CAPES, une candidate était venue avec un body totalement transparent. Le membre du jury de la gente féminine n'avait guère goûté au spectacle et avait rappelé à la jeune impétrante qu'elle était amenée à se produire devant un public d'adolescents. Les deux autres membres du jury tout d'accord qu'ils étaient avec leur collègue n'en avaient pas moins profité pour se rincer le regard de ce généreux paysage :D

En matière de sexisme, le pire pour ma part a été durant mon service. Jamais recroisé depuis un milieu aussi misogyne où la femme se trouve réduite à un rôle de subalterne dédiée au plaisir sexuel de ces messieurs. C'était écoeurant. qu'une femme en tailleur strict vienne apporter du courrier, quelle ne fasse aucune remarque à connotation sexuelle ou qu'elle n'entre pas dans un quelconque jeu de séduction; et à peine repartie, des remarques graveleuses, des insultes fusaient. C'étaient des personnages hideux, que jusque-là j'aurais pris pour des caricatures. Et pourtant, je les ai subis pendant des mois. C'est en repensant à ce cas que je me dis que par moment, ce que je trouve trop caricatural dans un roman est peut-être une scène bien réelle à laquelle l'auteur a assisté.

On en revient donc toujours à des situations particulières. Que les femmes signalent ce qui leur déplait, qu'elles éduquent leurs garçons dans le respect de l'autre indépendamment de son sexe (dans le monde méditerranéen, y'a du boulot !) et une bonne partie du chemin sera fait.

Ma crainte, comme beaucoup d'hommes est de voir un mouvement de balancier se faire tout comme avec le racisme. Tu critiques un subalterne parce qu'il a mal fait son travail et te voilà accusé de sexisme, misogynie, racisme (rayez la mention inutile). Bref, dans beaucoup de situations, on marche sur des oeufs. D'où la difficulté à se positionner hormis dans les cas qui ne souffrent d'aucune contestation. Ce qui explique sans doute que les réactions ont gardées à venir. C'est un sujet casse-gueule par excellence.

Par exemple, dans l'article de France info, le cas qui a le plus marqué Caroline Laurent est celui qui me choque le moins. Le témoignage laisse entendre que "l'auteur connu de 72 ans" lui a proposé une relation sexuelle à laquelle elle s'est refusée. Et c'est tout. Beaucoup y verront l'intention cachée de l'auteur, à savoir faire éditer son ouvrage dans sa maison d'édition contre une partie de jambes en l'air. Le témoignage ne semble pas le certifier. N'est-il pas possible que l'auteur se soit amourachée de la jeune éditrice, fort attirante par ailleurs ? Où est le mal dans ce cas précis ? Avec ce seul témoignage, je ne vois rien de choquant. Il a tenté sa chance et s'est fait refouler. S'il n'a pas insisté, je ne vois pas où est le mal. On serait plus selon moi dans le cas de figure de deux personnes qui se rencontrent et ne sont pas sur la même longueur d'onde. Fin de l'histoire.

Les autres cas cités sont par contre sans équivoque et devraient être source de honte pour leurs auteurs si les faits reprochés sont exacts.

Je note enfin que je suis d'une génération où les femmes attendaient le plus souvent que ce soit l'homme qui fasse le premier pas. Se mettre à nu devant autrui lui donne un pouvoir immense sur vous. Et j'ai connu beaucoup de femmes qui en abusaient, malheureusement.

Bref, s'pas facile comme dirait ma belle-soeur !

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Gilles Dumay a écrit :Une autrice qui n'a aucune envie de se faire importuner, de prendre le risque d'avoir des relations professionnelles désagréables, déplacées, ambiguës ou que sais-je a l'embarras du choix pour envoyer son manuscrit dans une maison d'édition dirigée par une femme, et ce dans tous les genres qui existent.

Je ne connais absolument pas le monde de l’édition, mais ne serait-ce pas inquiétant si des autrices en venaient à ne s’adresser d’emblée qu’à des éditrices femmes par crainte d’avoir affaire à un homme ?
Ce serait déjà alarmant si une femme ne voulait pas s’adresser à tel éditeur en particulier parce qu’il a déjà eu un comportement déplacé envers elle ou qu’elle a entendu des rumeurs à son sujet (ce qui voudrait dire en outre que son comportement est connu mais que tout le monde s’en fout/a peur et que le gus occupe toujours sa place les doigts de pieds en éventail sans être inquiété).
Et ça le serait tout autant si elle refusait de s’adresser à tout éditeur homme par principe, au cas où il soit un agresseur potentiel, parce que ça en dirait long sur son parcours face à la gente masculine.

J’imagine que ce n’est pas parce que l’auteur et l’éditeur sont du même genre que le courant passe et vu ce que vous en dites, ça a l’air essentiel pour lancer un nouvel ouvrage. Du coup, ça fermerait des portes pour tout le monde. Des éditeurs hommes passeraient à côté du roman qu’ils auraient envie de défendre à tout prix. Et même s’il y a de nombreuses éditrices femmes, des autrices réduiraient leurs chances d’être publiées.

D’une manière générale, je trouve que ce serait vraiment très préoccupant si une femme, quelque soit son domaine, ne postulait que pour des emplois dirigés par des femmes. Ça ne créerait pas une sorte de « ghetto » des sexes ?
Ça me fait vaguement penser à ces histoires de rames de métro ou wagons de train réservés aux femmes. Sur le moment ça semble une bonne idée, parce que les femmes se sentent plus en confiance et en sécurité, et vu le nombre de tarés qu’on peut se payer sur le moindre trajet, c’est loin d’être négligeable. Mais sur le long terme, séparer les hommes et les femmes ne résout rien du tout et ne fait que repousser le problème, parce que ça n’arrête pas le comportement des agresseurs ni ne fait changer les mentalités sur les clichés sexistes.

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En matière de sexisme, le pire pour ma part a été durant mon service. Jamais recroisé depuis un milieu aussi misogyne où la femme se trouve réduite à un rôle de subalterne dédiée au plaisir sexuel de ces messieurs.

Le service militaire était la plus formidable machine à fabriquer des prédateurs qui ait existé. J'ai vu ça fonctionner. Des petits gars sympas devenir des ordures parce qu'ils avaient un peu de pouvoir. Et surtout la vision de la femme la plus rétrograde.
Or la première expérience du pouvoir des jeunes hommes c'est le service militaire. Où le pouvoir est associé bien souvent à des comportements prédateurs. Pas toujours bien heureusement, mais très souvent. Et que dans l'entreprise en général et pas seulement l'édition, que ces choses là remontent ça ne me surprend pas. C'est le fruit d'un conditionnement. La disparition du service militaire, va changer la vision du pouvoir et ne plus l'associer à la prédation et au machisme.

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Une autrice qui n'a aucune envie de se faire importuner, de prendre le risque d'avoir des relations professionnelles désagréables, déplacées, ambiguës ou que sais-je a l'embarras du choix pour envoyer son manuscrit dans une maison d'édition dirigée par une femme, et ce dans tous les genres qui existent.

Je reprends la même citation que No'wens, qui a parfaitement résumé ce que je pense, pour le coup.

A mon sens, Gilles, est-ce que ce n'est pas un peu prendre le problème à l'envers ? :)

Inversons un peu les rôles (comme dans Je ne suis pas un homme facile, ce très mauvais film français avec le très mauvais Vincent Elbaz, mais avec une bonne idée de départ).

Silence, ça tourne ! :dragon:

Je suis très content que tu sois à ta place d'éditeur chez Albin Michel et auparavant chez Denoël. Je suis également très content de ta place d'auteur qui compte pour l'imaginaire français.
Mais avoue que dans une autre dimension beaucoup plus matriarcale, si tu t'étais vu refuser ces postes ou autocensuré toi-même parce que tu te doutais qu'on ne t'embaucherait pas ou qu'on ne te publierait pas à cause de ton genre, eh bien nous y aurions tous perdu, non ? :)

Toi le premier, bien entendu. Et puis au bout d'un moment tu te serais peut-être persuadé que finalement l'édition ce n'était peut-être pas pour toi, trop difficile d'y accéder. Certes, tu aurais bien tenté de t'accrocher, mais dans cette dimension ton expérience est différente. Tes notions ne sont pas les mêmes, de mêmes que certains comportements que tu as intégré depuis l'enfance. Alors, tu essayes de rentrer dans l'édition, comme tous ces hommes qui y rentrent en stage avec l'espoir insensé de décrocher un CDD, un jour. Et c'est suffisamment dur comme ça, quand, un jour, en plus de tout cela, tu risques de vivre une expérience, ou plusieurs (il n'en faudra peut-être pas beaucoup) sexiste de la part d'une femme haut placée chez Groboukin Publishing qui te fera clairement comprendre ses intentions :unsure: :wub: (on manque de smiley rose un peu creepy, tiens).

Ou peut-être qu'il s'agira des plaisanteries grasses autour de la machine à café :joss: qui finiront invariablement par tourner autour des fesses des hommes et, fatalement, des tiennes qui passeront par là (mais comme la blague viendra de la dernière comédie de Danielle Boon, la plupart de tes collègues féminines ne verront pas trop où est le mal). Et ces expériences ne te feront peut-être pas quitter l'édition. Peut-être que dans ce monde là tu t'accrocheras et tu deviendras l'éditeur que tu es dans notre monde à nous. Et peut-être que non. Peut-être que ton expérience dans l'édition s'arrêtera au moment ou Jeanne Dégueu aura eu un comportement déplacé à ton égard ou peut-être que ça sera autre chose, ou pas.

Toujours est-il que si tu arrêtes de bosser dans l'édition parce que tu as été victime de comportements sexistes tu pourrais un beau jour entendre certaines de tes amies te dire "Franchement Gilles, tu pousses le bouchon sérieux ! Travailler avec Jeanne Dégueu ! Tout le monde connait sa réput' ! Evite sa maison d'édition, ça sera mieux pour toi et ton avenir, crois moi sur parole."

Manque de bol, si la maison d'édition de Jeanne Dégueu, c'est Denoël, ben, c'est bali balo comme dirait l'autre. ;)

C'est la même chose pour ta casquette d'auteur. Tu as pu publier dans plusieurs maisons parce que j'imagine qu'aucun éditeur (et si c'est le cas, on attend les Dumay Leaks ! :D ) ne t'a fait d'avance autres que tes avances sur droit ! :)
Et encore une fois, si tu t'étais auto-censuré en n'envoyant pas tes récits aux éditeurs qui t'éditent actuellement, nous n'aurions peut-être pas autant de tes bouquins publiés. En fait, il est même possible que nous en ayons très peu, ou pas du tout. :ph34r:

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Guigz a écrit :
Une autrice qui n'a aucune envie de se faire importuner, de prendre le risque d'avoir des relations professionnelles désagréables, déplacées, ambiguës ou que sais-je a l'embarras du choix pour envoyer son manuscrit dans une maison d'édition dirigée par une femme, et ce dans tous les genres qui existent.

Je reprends la même citation que No'wens, qui a parfaitement résumé ce que je pense, pour le coup.

A mon sens, Gilles, est-ce que ce n'est pas un peu prendre le problème à l'envers ? :)

Ah mais je n'ai jamais dit que c'était une solution ou souhaitable (je pense même l'inverse), je dis que c'est une possibilité, qu'une femme qui le désire peut faire ce choix, ou peut prendre cette voie, si vous préférez.
Autour de moi, il y a beaucoup de femmes qui ne prennent plus les transports en commun à partir d'une certaine heure, voire plus du tout. J'ai une amie qui ne fait plus ses courses dans son quartier, sauf le dimanche matin.

Donc pour certaines, la drague de rue, les incivilités, les agressions du quotidien sont devenues insurmontables.

J'ai une collègue qui prend en photo les gens qui l'agressent dans la rue et essaye de porter plainte à chaque fois, sans grand succès (mains courante) si j'ai bien compris.

J'extrapole à l'édition les stratégies de défense que j'observe dans d'autres domaines. C'est évidemment un constat d'échec.

Aujourd'hui il y a tellement d'éditrices dans tous les genres que si une femme veut travailler avec une éditrice c'est tout à fait possible. C'est une constatation, pas un conseil.

J'essaye aussi de me mettre à la place des autrices / auteurs. Pour beaucoup le lien qui va se créer est très important car leur(s) livre(s) est/sont très importants. Ils y ont mis beaucoup, voire tout.
La plupart des auteurs qui m'envoient un manuscrit ne l'envoie pas à "Gilles Dumay", ils sont totalement ignorants que j'existe. La plupart ne savent même pas ce que je publie. Un manuscrit que je reçois sur trois est jeunesse, ou une novella ou de la poésie ou de la non-fiction - des trucs que je ne publie pas. Je reçois quasiment chaque semaine un manuscrit accompagné de la lettre "je sais que vous ne publiez pas ça, mais j'aimerais beaucoup votre sentiment sur mon ouvrage". Les auteurs devraient beaucoup plus se renseigner avant d'envoyer un ouvrage à un éditeur. D'autant plus que tous les éditeurs ne sont pas interchangeables. La dernière fois qu'on avait fait des stats au bureau, du temps où Eva s'occupait de la com' AMI : 80% des manuscrits reçus étaient envoyés par des hommes. Si on séparait la science-fiction de la fantasy, quasiment tous les manuscrits de SF étaient envoyés par des hommes. Donc en fantasy la proportion de femmes était beaucoup plus forte. Je reçois beaucoup de manuscrits jeunesse envoyés par des femmes, alors que je n'en publie pas. Si on ajoutait bout à bout ce qui entrait dans le cadre de ce que je publie (tout ce qui survit au premier tri), il y avait disons 90% de manuscrits envoyés par des hommes et 10% par des femmes. En littérature étrangère, c'est beaucoup plus équilibré, je reçois beaucoup plus de manuscrits écrits par des femmes, mais quand même très peu en SF. Aux USA, les femmes ont pris le pouvoir dans l'imaginaire, rafle tous les prix. Quand j'observe un pic d'intérêt aujourd'hui dans nos domaines, aux foires de Londres ou de Francfort, c'est souvent autour d'une autrice, comme Seanan McGuire et Mary Robinette Kowal l'an dernier, N. K. Jemisin et Ann Leckie il y a quatre ou cinq ans.

Tout ça pour dire que je reçois peu de manuscrits écrits par des femmes, surtout en SF, que paradoxalement je suis très vigilant sur lesdits manuscrits car on en a parlé des dizaines de fois avec Eva sur le mode "pourquoi si peu de femmes envoie en imaginaire adulte ?" et ça serait bien d'avoir les stats d'une éditrice spécialisée en imaginaire adulte pour voir si elle reçoit notablement plus de manuscrits féminins qu'Albin Michel Imaginaire.

GD

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Dans un monde idéal (on peut toujours rêver), c'est tout de même tel éditeur qui devrait être mis à l'écart pour son comportement, et pas les autrices obligées de renoncer à telle maison d'édition de peur d'avoir des problèmes en travaillant avec cette personne. :/
Même si c'est pareil dans d'autres milieux, c'est le monde à l'envers.

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Charéos a écrit :Par exemple, dans l'article de France info, le cas qui a le plus marqué Caroline Laurent est celui qui me choque le moins. Le témoignage laisse entendre que "l'auteur connu de 72 ans" lui a proposé une relation sexuelle à laquelle elle s'est refusée. Et c'est tout. Beaucoup y verront l'intention cachée de l'auteur, à savoir faire éditer son ouvrage dans sa maison d'édition contre une partie de jambes en l'air. Le témoignage ne semble pas le certifier. N'est-il pas possible que l'auteur se soit amourachée de la jeune éditrice, fort attirante par ailleurs ? Où est le mal dans ce cas précis ? Avec ce seul témoignage, je ne vois rien de choquant. Il a tenté sa chance et s'est fait refouler. S'il n'a pas insisté, je ne vois pas où est le mal. On serait plus selon moi dans le cas de figure de deux personnes qui se rencontrent et ne sont pas sur la même longueur d'onde. Fin de l'histoire.

Il n'y a pas forcément de mal à tenter sa chance simplement il faut essayer de voir plus large.
Il s'agit d'une rencontre professionnelle dont le but, la finalité n'est pas un rapprochement physique ni sexuel. Si l'auteur veut faire des rencontres, avoir des relations sexuelles, rentrer dans un schéma de séduction, qu'il aille dans des endroits où les gens sont plus ou moins dans la même finalité et sont plus ou moins ouverts à ce genre d'échange ( typiquement les bars, les soirées, les bals, que sais-je encore ?). Mais PAS les rencontres professionnelles. ( Petit aparté : beaucoup de harceleurs de rues croient que la rue est un lieu approprié pour la "drague" hors pour l'immense majorité des femmes c'est simplement un lieu de passage pour se rendre d'un point A à un point B. Comment pourraient-elles donc désirer ce genre d'échange et être ouvertes à ce genre d'interpellation dans ce cas-là ? )
D'autre part, il n'y a peut-être pas de mal à se montrer franc. Mais quand l'occasion ne convient pas, et que la société de nos jours fait que les femmes en général reçoivent ce genre de demande non pas une fois ( ce qui aurait pu faire sourire peut-être) mais des dizaines voire des centaines de fois dans leurs vies dans des endroits inappropriés, à des moments où elles n'ont aucune envie de se faire draguer sexualiser réifier, cette franchise peut-être très mal vécue.

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Taraise a écrit :
Charéos a écrit :Par exemple, dans l'article de France info, le cas qui a le plus marqué Caroline Laurent est celui qui me choque le moins. Le témoignage laisse entendre que "l'auteur connu de 72 ans" lui a proposé une relation sexuelle à laquelle elle s'est refusée. Et c'est tout. Beaucoup y verront l'intention cachée de l'auteur, à savoir faire éditer son ouvrage dans sa maison d'édition contre une partie de jambes en l'air. Le témoignage ne semble pas le certifier. N'est-il pas possible que l'auteur se soit amourachée de la jeune éditrice, fort attirante par ailleurs ? Où est le mal dans ce cas précis ? Avec ce seul témoignage, je ne vois rien de choquant. Il a tenté sa chance et s'est fait refouler. S'il n'a pas insisté, je ne vois pas où est le mal. On serait plus selon moi dans le cas de figure de deux personnes qui se rencontrent et ne sont pas sur la même longueur d'onde. Fin de l'histoire.

Il n'y a pas forcément de mal à tenter sa chance simplement il faut essayer de voir plus large.
Il s'agit d'une rencontre professionnelle dont le but, la finalité n'est pas un rapprochement physique ni sexuel. Si l'auteur veut faire des rencontres, avoir des relations sexuelles, rentrer dans un schéma de séduction, qu'il aille dans des endroits où les gens sont plus ou moins dans la même finalité et sont plus ou moins ouverts à ce genre d'échange ( typiquement les bars, les soirées, les bals, que sais-je encore ?). Mais PAS les rencontres professionnelles. ( Petit aparté : beaucoup de harceleurs de rues croient que la rue est un lieu approprié pour la "drague" hors pour l'immense majorité des femmes c'est simplement un lieu de passage pour se rendre d'un point A à un point B. Comment pourraient-elles donc désirer ce genre d'échange et être ouvertes à ce genre d'interpellation dans ce cas-là ? )
D'autre part, il n'y a peut-être pas de mal à se montrer franc. Mais quand l'occasion ne convient pas, et que la société de nos jours fait que les femmes en général reçoivent ce genre de demande non pas une fois ( ce qui aurait pu faire sourire peut-être) mais des dizaines voire des centaines de fois dans leurs vies dans des endroits inappropriés, à des moments où elles n'ont aucune envie de se faire draguer sexualiser réifier, cette franchise peut-être très mal vécue.

Je lis cette discussion avec intérêt, et je ne peux m'empêcher de faire remarquer, en passant, que le travail est toujours, me semble-t-il, le premier lieu de rencontre pour les couples (je parle des couples stables, pas des rencontres éphémères). De fait, beaucoup créent des relations amoureuses, intimes, sur leur lieu de travail, c'est là où ils font des rencontres. En tous cas, plus que sur Meetic ou dans un bar...
Toutefois, dans le cas qui a motivé la réaction, nous avons visiblement plus à faire à un vieux barbon qui cherche à profiter de son statut, donc d'une forme de relation de pouvoir.

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Des relations qui se créent au travail dans la mesure où elles sont consenties et réciproques, bien sûr que c'est cool !
Des tentatives de drague, des réflexions grivoises, des avances sans qu'il y ait eu rapprochement, dans des situations où l'initiateur est souvent le supérieur hiérarchique ou en position de pouvoir ou de marchandage, c'est carrément plus problématique. Si à 72 ans, l'auteur n'a pu faire ce genre de distinction c'est qu'il a loupé quelque chose dans sa vie non ?

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Taraise a écrit :Des relations qui se créent au travail dans la mesure où elles sont consenties et réciproques, bien sûr que c'est cool !
Des tentatives de drague, des réflexions grivoises, des avances sans qu'il y ait eu rapprochement, dans des situations où l'initiateur est souvent le supérieur hiérarchique ou en position de pouvoir ou de marchandage, c'est carrément plus problématique. Si à 72 ans, l'auteur n'a pu faire ce genre de distinction c'est qu'il a loupé quelque chose dans sa vie non ?

Tout à fait, je réagissais initialement au fait que dans le message que j'ai cité, on semblait considérer que le milieu professionnel excluait de fait toute possibilité de relation personnelle, amoureuse ou simplement intime. Ça ne me semblait pas aussi simple que ça. Et je pense que des relations de séductions, ou des tentatives peuvent avoir lieu au travail. Ça existe. Mais on est bien d'accord que c'est à distinguer d'autres situations, ou comme vous le dites, il y a des avances plus ou moins directes sans qu'il y ait eu rapprochement. Du style : "on s'accouple ?" pour citer Willow...

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Je n'ai pas beaucoup suivi le site depuis un moment, et je découvre ces problèmes.
J'avoue que je n’imaginais pas ça dans le monde de l'édition, mais en même temps, ce genre de comportements obscènes doit se retrouver dans bien des milieux.
Bravo à tous ceux qui essayent de faire changer les choses.

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Oui, ça a été une semaine de folie à ce niveau, aussi bien dans les jeux vidéos que la littérature...

Mais il y a quand même un tri à faire, en matière de sanction, entre comportement désobligeant, harcèlement sexuel et/ou moral, et j'en passe.

Là les paroles se délient via les réseaux sociaux notamment, et ça donne lieu à des vindictes populaires sur twitter ou autre. Mais ça peut aussi causer de graves dommages.
J'ai vu quelqu'un se rétracter car elle ne faisait que dénoncer un comportement qu'elle avait jugé déplacé (je parle du youtuber Angry Joe, dans cet exemple), mais son message initial était assez flou et la réaction de ses followers a été d'incendier le coupable présumé, qui a contre-attaqué avec ses avocats (après c'est parole contre parole, impossible de connaître la vérité).

Ceci dit, c'est une excellente chose que les victimes parlent, n'aient plus peur de se taire par crainte que ça impacte leur carrière. Mais il faudrait un véritable moratoire et passer via la justice ou les conseils de discipline, plutôt qu'utiliser la foule pour régler les comptes. Les followers doivent être une force de "pression" pour que les personnes en position de pouvoir ne restent pas impunies. Mais il ne faut pas que les followers se transforment en milice personnel.

Surtout que tout est jugé maintenant, y compris les relations extraconjugales, comme en politique ! Difficile dans ce cas de déterminer si la relation relève de la vie privée ou bien si elle est à associer à une forme d'emprise malsaine/perverse, dans le cas d'un boss et l'un(e) de ses employé(e)s.

Mais en dehors de ça, dans le cas où les accusations sont avérées et graves, c'est fou le nombre de personnes concernées à propos de certains comportements répréhensible. Surtout quand il s'agit de choses connues dans telle ou telle industrie depuis des années (je me doute que certains vont dire "pourquoi intel a attendu maintenant pour réagir, sans saisir la justice ?" bah la vie et la psychologie c'est compliqué : on peut être en déni, avoir une peur/pression énorme, etc. qui font qu'on peut se décider que 10 ans plus tard à réagir). Car apparemment c'est pas des cas isolés, mais de la récidive. Bref, les politiques ne semblent pas avoir le monopole des scandales sexuels.

Il n'y a plus qu'à espérer que les comportements abusifs de certaines et certains se calment; ou plutôt que ces personnes prennent conscience de ce qu'ils font et aient un minimum de morale/conscience. Mais bon c'est pas gagné, entre les egos de certains, qui estiment avoir tous les droits et privilèges sur des personnes qui leur sont "inférieure". Ou encore ceux qui honnêtement ne se rendent pas compte qu'ils font du mal aux autres.

'fin bref, que les scandales éclatent et que ça permette de changer certaines choses dans les industries, oui. Mais juste espérons que des personnes innocentes ne voient pas leur carrière voler en éclat, ou que certains abusent/profitent de ces accusations à leur compte.
Oui, je sais qu'on ne fait pas d'omelette sans casser des œufs, mais bon on a quand même encore des systèmes judiciaires qui sont présent. Et on peut utiliser les réseaux sociaux pour appuyer sa position, mais pas lyncher les gens via ses followers.

Je suis un peu dur avec les réseaux, mais c'est vraiment à cause de certains qui s'en servent en se prenant pour des gourous/dieux/influenceurs qui auraient une armée de disciples/croyant/followers qui feraient tout pour eux, comme une armée de fan défendant leur chanteur préféré (contre des accusations, ou pour porter des accusations), au mépris de la vérité ou des procédures justicières possible.

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Surtout que tout est jugé maintenant, y compris les relations extraconjugales, comme en politique !

Visiblement, oui.
Bon, là où je trouve ça bien, c'est dans le fait d'élargir ça au harcèlement sous toutes ses formes en revanche, comme les "lâchers" de followers et autres. Ça, c'est "universel" d'ailleurs.

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Il va devoir écrire sous un pseudo :D
I have entered behavioral therapy and begun attending online sensitivity training to better understand the impact my words and actions have and to find actionable means of creating a better and more professionally-welcoming environment for all.

Bon, on verra si c'est de la poudre aux yeux ou s'il est honnête, mais c'est toujours appréciable qu'une personne accepte de se remettre en question et décide d'avoir un suivi (du moment que ce n'est pas du lavage de cerveau, non plus, comme les camps de redressement pour jeunes homos aux US !).

Bon encore une fois, faut voir si c'est sincère ou bien si, comme le don qu'il fait aux associations, c'est juste pour éteindre les flammes et calmer les choses sans que rien ne change.

J'me demande combien d'autres auteurs serrent les fesses quant à des révélations sur eux.

Et dans ton exemple, Gillo, c'est vrai que ça doit faire bizarre d'échanger avec quelqu'un, de trouver la personne agréable, puis boom, les révélations.
Mais bon, c'est la vie. Chacun décide ensuite de continuer ou non à entretenir une relation (pro ou perso) avec l'accusé (dans ton cas ça va, tu ne devrais plus avoir à le traduire avant un moment :p ).