Sleepy,dimanche 12 mars 2006, 16:36 a écrit :Le plus difficile sera de trouver un rythme de croisière pour parvenir a lire cette saga dans son intégralité.
Personnellement j'ai opté pour la lecture d'un tome entre chaque lecture de cycle (ou de deux ou trois romans/essais indépendants) que je fais. Résultat: je viens de finir le sixième volume (
Trois Soeurcières), et le rythme me convient parfaitement. Mention à Mortimer, le plus drôle jusqu'à présent. J'ai été assez bluffé par la facilité avec laquelle Pratchett joue sur le théâtre et les pièces de Shakespeare dans
Trois Soeurcières, mais j'ai moins ri qu'à l'accoutumée par contre

.EDIT: je rajoute mes critiques, ça fait moins vide:
La huitième couleur:Dans ce tome d’exposition, le lecteur découvre le destin de quelques-uns des personnages les plus récurrents de l’univers de Pratchett : Rincevent, magicien raté et trimballé aux quatre coins du Disque, la Mort, au travail pénible et ingrat et quelques autres joyeux drilles réjouissants. La Huitième Couleur détourne quelques clichés de la fantasy de belle manière. On trouve ainsi les doubles de Conan le Barbare, l’épée Stormbringer ou Fahrd et le Souricier Gris, les deux héros de Fritz Leiber. On se perd avec plaisir dans ce roman un peu fou, où tout est détourné, éraflé, où les bons mots côtoient les pires calembours et le comique règne en maître incontesté. La trame du livre n’est pas toujours claire ou passionnante, qu’importe, la plume de Pratchett est agréable à lire, l’humour omniprésent et fin. Bref, il faut lire Pratchett, ses bouquins sont vraiment à mettre en toutes les mains.
Le huitième sortilège:Le huitième sortilège continue l’histoire amorcée avec le premier tome. Rincevent le magicien raté, Deux-Fleurs le touriste béat et son bagage sont à nouveaux les principaux protagonistes de cette folle équipée. A ceux-là vient s’ajouter Cohen le Barbare, version revue et corrigée du grand barbare quasi-homonyme de Howard. Au programme : apocalypse, sauvetage du monde, des mages dépeints tels des universitaires ronds de cuir et bien d’autre chose. Le huitième sortilège est mieux écrit que le premier tome, parfois un peu confus. Ici Pratchett progresse, multiplie les calembours et affine sa formule. Passé les 150 premières pages, le roman tend à tomber dans le l’aventure pure et simple, mais rassurez-vous, l’humour inimitable et parfois au vitriol continue d’égayer chaque page. Certains pourront regretter ce choix de délaisser quelque peu le côté ultra-loufoque que l’on trouvait dans le tome précédent. Le huitième sortilège est un petit bouquin très drôle, où Pratchett réaffirme son talent d’humoriste. On notera l’excellente tenue de la traduction de Patrick Couton.
La huitième fille:Le mage Tambour Billette est aux portes de la mort. Avant son dernier soupir, il cherche un successeur à qui transmettre ses dons : le huitième fils d’un huitième fils, comme l’exige la tradition séculaire. Or, il se trouve que dans le charmant petit village de Trou d’Ucques, où se trouve le mage actuellement, le huitième fils du forgeron - lui-même dernier enfant d’une famille de huit – est sur le point de naître. Catastrophe ! L’enfant est de sexe féminin et le pouvoir lui a été transféré ! Une femme mage ? On n’a jamais vu pareille incongruité sur le Disque-Monde… Mémé Ciredutemps, sorcière du charmant patelin, va se charger de forcer les portes de l’Université Invisible pour la petite Eskarina.Comme le suggère explicitement le jeu de mot du titre en v.o., « Equal Rites », Terry dirige son artillerie comique vers les relations hommes-femmes. La paillarde Mémé Ciredutemps, fer de lance d’un féminisme balbutiant sur le Disque, tente de faire accepter Eskarina, neuf ans, comme premier mage femelle. Il va de soit que mage est typiquement une profession d’homme, à l’instar de médecin, maire ou pompier, et que les sorcières (« un métier très respectable ») tiennent à peu près la même place que les infirmières ou les sages-femmes. Ce présent volume des annales du Disque-Monde nous offre donc un délicieux cocktail de misogynie rampante et de stéréotypes sexuels auquel vient s’ajouter une vision au papier de verre des universitaires. En effet le bon sens campagnard de Mémé se heurte de plein fouet à l’archétype du professeur bouffi d’orgueil et puant de prétention, du chercheur plongé dans ses concepts mais incapable de s’asseoir proprement sur des toilettes. L’Université Invisible, lieu d’apprentissage de tous les mages, est une version au vitriol de nos bonnes vieilles facultés rutilantes et fières. On se prend tout de même à regretter que Pratchett ne soit pas allé un peu plus loin dans la satire, l’occasion était vraiment belle.Extrait : « Il avait bien essayé de lui faire comprendre par des allusions qu’elle devait obéir aux règles tacites de la vie zoïde et rester à bord, mais une allusion n’avait pas plus d’effet sur Esk qu’une piqûre de moustique sur un rhinocéros moyen : si l’on ignore les règles, apprenait-elle déjà, la moitié du temps elles se réécrivent tranquillement pour cesser de vous concerner. »
Mortimer:Encore un roman court et drôle qui s’ajoute à la saga du Disque-Monde. Avec la Mort au rendez-vous, il faut forcément s’attendre à un humour grinçant : la plume de Pratchett ne faillit pas, et les bons mots fusent à une fréquence très impressionnante dans la première partie du livre. Si le comique s’assagit quelque peu au fur et à mesure de la progression de l’intrigue, l’ensemble fait montre d’une remarquable cohérence : sans doute le mieux construit des quatre premiers tomes. Pratchett affine sa formule et continue de détailler par petits bouts le folklore du Disque-Monde qui commence à prendre beaucoup de consistance tout en conservant la douce folie qui y règne perpétuellement.Extrait : « La première pizza du Disque fut l’œuvre du mythique klatchien Ronron « Joe la Révélation » Shuwadhi. Il prétendait avoir appris la recette en rêve de la bouche du Créateur du Disque-Monde lui-même, Lequel avait apparemment déclaré que c’était là ce qu’Il cherchait à réaliser depuis toujours. D’après les voyageurs du désert qui ont contemplé l’original, soi-disant miraculeusement conservé dans la Cité Interdite de Ee, ce que le créateur avait en tête, c’était une spécialité plutôt petite, au fromage et aux poivrons, décorée de quelques olives noires**, et tout ce qu’on voit dessus, qui ressemble à des montagnes et des océans, fut rajouté dans l’enthousiasme de la dernière minute, comme il arrive si souvent.**Après le schisme des « Sens Direct » et la mort de quelque vingt-cinq mille personnes dans le jihad qui s’ensuivit, les fidèles eurent le droit d’ajouter une feuille de laurier à la recette. »
Sourcellerie:Soyons clairs, l’intrigue de ce cinquième volume n’a absolument rien de palpitant et ne comptons pas trop là-dessus pour nous satisfaire de ce nouveau tome du Disque-Monde. Mais heureusement l’écriture irrésistible de Pratchett compense largement la faiblesse scénaristique : les bons mots et les pieds de nez irrévérencieux sont omniprésent, chaque ligne ou presque est un régal d’humour et d’intelligence. La densité en est tellement impressionnante qu’on se surprend à reprendre son souffle et ralentir le rythme de la lecture pour en profiter tellement. Sans doute pas un des meilleurs tomes du cycle au final mais vous auriez tort de passer à côté.Extrait : « Le nouvel arrivant donnait l’impression de pouvoir suivre les pensées d’un tire-bouchon sans effort, et quelque chose dans son regard aurait fait fuir le rongeur enragé moyen, découragé, sur la pointe des pieds.Cet homme-là, auriez-vous dit, il a les mots « Grand Vizir » écrits sur toute sa personne. On ne peut rien lui apprendre sur les histoires de veuves escroquées et de jeunes gens sensibles emprisonnés dans de prétendues grottes pleines de joyaux. Question coups fourrés, c’est probablement lui qui a écrit le manuel ou, plus vraisemblablement, qui l’a volé à un autre. »
Trois soeurcières:Avec ce sixième volume des Annales du Disque-Monde, Terry s’attaque à Shakespeare et plus généralement à toutes les mimiques de l’univers du théâtre. Attendez-vous donc à des tirades plus dramatiques dans tous les sens du terme, des dramaturges allongeant plus de stéréotypes que tout le vaudeville en a jamais vus, des acteurs ratés en pagaille et bien d’autres artifices réjouissants. Pratchett mêle ici assez habilement les scénarios de Macbeth et Hamlet et retravaille les personnages principaux au cyanure, comme il en a l’habitude. Le Disque-Monde prend ici un tournant plus ambitieux que les traditionnels récits d’aventures loufoques des premiers tomes. Malheureusement le rire se perd en chemin et on se demande si l’on a véritablement gagné au change.