Roland Vartogue a écrit :Le public s'est beaucoup focalisé sur les midichloriens en estimant que cela démystifiait la Force, mais celle-ci est plus mystique que jamais au contraire, puisqu'elle est désormais douée d'une volonté propre. Le côté obscur en est la corruption, et pas un simple revers de la médaille façon Yin et Yang.
Je pense exactement le contraire. Dans la première trilogie, la frontière entre le Côté lumineux et le Côté obscur est beaucoup moins tranchée. Luke est formé dans de mauvaises conditions, il déteste Vador mais sait qu'il ne doit pas tomber dans la haine sous peine de devenir comme lui. Il découvre peu à peu que Kenobi lui a menti, que lui et Yoda ne sont pas complètement clairs non plus dans l'histoire. Et surtout, chaque emploi de la Force est potentiellement ambigu. Les pouvoirs extraordinaires que confère la Force sont un pouvoir grisant que Luke apprend à n'utiliser qu'avec prudence.Il n'y a pas la moindre trace de cette ambiguïté fondamentale dans la nouvelle trilogie. Certes, elle mentionne l'ambiguïté de la prophétie sur l'équilibre de la Force... mais à part ça, que voit-on ? Des Jedi changés en super-héros qui utilisent leurs pouvoirs de façon systématiquement spectaculaire, dans un déchaînement de violence qui réduit à néant les pseudo-principes de la morale Jedi. La trilogie passe son temps à se contredire elle-même. Quant à l'éthique pacifiste de Yoda dans la trilogie de 1977, je veux bien comprendre qu'elle soit en partie la conséquence de ses erreurs pendant la Guerre des clones, mais l'écart est beaucoup trop grand : si Yoda est déjà la référence absolue de l'ordre Jedi et non pas un Jedi encore jeune et un peu insouciant comme l'est alors Kenobi, on ne devrait certainement pas le voir se battre à tout bout de champ et mener des armées au combat avec si peu de scrupules. Il devrait être pris dans un dilemme dès le début de la guerre.Au fond, dans la deuxième trilogie, les Jedi sont ramenés au rôle de super-guerriers, de chefs militaires, et perdent complètement l'aspect "moine" qu'ils avaient dans la trilogie de 77. Là où la trilogie de 77 donnait de la guerre une vision de plus en plus sombre, l'ardeur guerrière de Luke dans l'épisode IV étant vite tempérée par Kenobi et Yoda dans les films suivants, avec un discours de Yoda assez pacifiste, la prélogie est beaucoup plus martiale et fait des Jedi une élite belliqueuse guère plus nuancée que les rebelles de
Matrix. Le potentiel est premiers films est gâché, on passe dans de l'action pop corn pure et simple qui ne va surtout jamais trop loin et dont la réflexion politique et éthique n'est jamais vraiment cohérente.Pardon, mais je garde mon baril de Timothy Zahn avec ses Guerres cloniques lointaines et dévastatrices menées par des hordes de clones à demi fous produits par une technologie toute récente, terrifiante et mal maîtrisée, le tout laissant la Galaxie en ruines et des peuples entiers traumatisés pour longtemps. (C'est aussi plus vraisemblable que cette armée de clones de l'Episode II, qui est fabriquée comme ça, pouf, sur commande, sans que ça pose problème. En termes de gâchis narratif, c'est un peu comme si Palpatine, au lieu de concevoir des plans secrets pour une arme nouvelle et terrifiante, avait juste été acheter une Etoile Noire sur eBay.)
Asavar a écrit :C'est ce que je disais dans un poste précédent, la force y est trop présente. Elle était beaucoup plus subtile dans la 1ère trilogie.
Voilà. Ça.Pour en revenir à Zahn : pas respectueux de "la formule" : tout est dit... L'esprit d'un univers n'est pas une formule. Reprendre perpétuellement le même type de péripéties ou d'ingrédients ne fait pas forcément du bien à un univers, et celui de
La Guerre des étoiles en est une bonne illustration. Ce que j'apprécie dans les livres de Zahn, c'est que l'auteur a pris la mesure du temps qui s'est écoulé depuis la destruction de la deuxième Etoile noire et des changements subis par l'univers et les personnages. Et il pousse ça à fond. Tout est devenu plus subtil et plus compliqué, les apparences sont trompeuses, le mal devient plus insidieux. Du coup, évidemment, les scènes d'action grandiose ne s'enchaînent pas autant que dans les films, d'autant qu'un roman de ce type n'est pas le meilleur cadre pour cela (il faudrait pouvoir faire - ô horreur ! - des descriptions plus étoffées...). Mais Zahn profite de l'avantage du roman, qui est de pouvoir montrer la psychologie des personnages et notamment les capacités Jedi en dehors des effets spectaculaires (sentir la présence des gens, leurs émotions, etc.). Et tous les dialogues sont sous tension d'une façon qu'un film aurait du mal à rendre.Et puis bon, en matière de spectaculaire, de personnages incarnant le Mal ou d'environnements variés, tu as manifestement oublié ces livres. Thrawn n'est pas du tout un Bonaparte comme tu le dis, c'est un tyran totalitaire, d'autant plus dangereux qu'il est intelligent et ne sacrifie pas ses troupes aussi gratuitement que Palpatine ou Vador (ce qui ne l'empêche pas d'être froid et cruel). C'Baoth est un fou dangereux capable de zombifier des foules. Je ne parle même pas de Mara Jade qui est une vraie psychopathe portant encore la marque de l'influence de l'Empereur des années après sa mort. Les planètes explorées ne manquent pas du tout de variété ni de spectaculaire, je pense que tu as oublié l'installation mobile de Lando sur Nkllon et ses vaisseaux-boucliers, les jungles de Kashyyyk (première évocation crédible du monde de Chewbacca après l'indicible Holiday Special), la planète Honoghr des Noghri complètement vitrifiée par les forces de l'Empire, les chantiers de Sluis Van, etc. (et j'en oublie pas mal).Quant au rôle de D2 et 6PO, là, tu as vraiment oublié : je suis en train de relire
L'Héritier de l'Empire et chacun d'eux joue un rôle important dans l'intrigue :
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6PO reprogrammé pour imiter la voix de Leia, la relation entre Luke et D2 très détaillée notamment dans les événements qui amènent Luke sur Myrkr et pendant sa captivité là-bas...
Surtout, on pourrait parler du traitement des cultures extra-terrestres et de leur place dans les films. La première trilogie avait une conception des ET assez pulp des années 1950 (et je suis indulgent), un univers gentiment creux et colonialiste, où en gros les ET sont juste des humanoïdes d'apparence bizarre qui servent de méchants, de décors exotiques ou de second couteaux éternellement dévoués. Un parallèle avec le traitement des humains non blancs dans les fictions européennes ou américaines de la même époque serait éloquent. Mais bon, au moins on avait Chewbacca et Yoda, qui ont une importance dans l'histoire à défaut d'avoir une vraie culture ET développée. Dans les bouquins de Zahn et dans ce que l'univers étendu offre de meilleur, cet aspect a été souvent corrigé, avec toutes sortes de détails sur les cultures ET de la Galaxie, leurs arts, leurs psychologies, etc. L'amiral Ackbar, Borsk Feyl'lya, les Noghri, les Wookies, sont systématiquement évoqués avec nombre de détails sur leur vision du monde et leur culture. Et dans la prélogie, qu'est-ce qu'on trouve ? Exactement la même chose que dans la trilogie de 1977 : des ET uniquement là pour le dépaysement visuel, à la moralité peinte sur leur visage (cf. Darth Maul moche et méchant), et, pire, le personnage complètement indéfendable de Jar-Jar Binks qui a soulevé un tollé justifié. Il n'y a même plus de personnage ET important équivalent à un Chewbacca. Alors d'accord, je veux bien faire la part du non-réalisme nécessaire de cette grande épopée héroïque et de l'aspect "high fantasy" de Star Wars avec son côté un peu allégorique de lutte du Bien contre le Mal incarné... mais là, on est à un niveau de subtilité même inférieur à ce que se permettrait un Disney. Le seul truc un peu cool est le déclenchement de la guerre des Clones, où on voit des Jedi de différents peuples (et genres) enfin mis à l'honneur... le temps de se faire massacrer. Je parle aussi de Mace Windu, le seul Noir du lot qui est un personnage complètement sous-employé, ou bien de Django Fett le Latino forcément traître, ou bien ça va aller ?Bref, la "formule" a eu pour seul résultat d'enfermer les nouveaux films dans les défauts des anciens, et de les empêcher d'approfondir l'univers comme il le méritait. Du coup, les nouveaux films étaient largement en retard sur le degré d'approfondissement et de nuance atteint entre temps par l'univers étendu.
Roland Vartogue a écrit :Après, il y a aussi un problème de ton en général dans les livres. Une scène de combat comme celle avec les monstres dans l'arène de Géonosis dans l'épisode 2 m'apparaît beaucoup plus dans l'esprit dans l'ancienne trilogie que n'importe quelle scène d'action écrite par Zahn.
A mes yeux elle n'est pas "dans l'esprit", elle en répète la lettre de façon servile et en outre particulièrement clichée. Autant la course de podracers de l'épisode I a été trop décriée alors qu'elle a un rôle important dans l'intrigue (mais ça, ça apprendra à Lucasfilm à sortir autant de produits dérivés en même temps que les films : pas étonnant que la scène soit passée pour un prétexte à vendre des jeux vidéo !), autant ce combat dans l'arène n'a aucun intérêt dramatique réel. Pas plus que la séquence de l'usine de droïdes, qui, en plus, pour le coup, fait beaucoup trop jeu vidéo. (Un peu comme la course-poursuite des nains chez les Gobelins dans
Le Hobbit : Un voyage inattendu, d'ailleurs.) On pourrait couper tout ça sans rien perdre à l'histoire. Seule la bataille finale redevient vaguement utile à l'intrigue.