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Posté : jeu. 25 sept. 2008 18:50
par Witch
Je continue à trouver ce débat assez stérile. Il y a quelques réponses très intéressantes et très drôles là où cet article a été mis en ligne, je les conseille aux anglophones. Juste une petite
je pensais qu'Hamlet c'était de la science-fiction. Ca n'a pas été écrit en Klingon ?
Qu'est ce qui fait qu'on est plus critique à l'égard du "genre" SF/Fantasy qu'à l'égard des autres genres littéraires. Quand je vois les ventes que font Musso ou Lévy, je me dis que les auteurs "littéraires" doivent se sentir insultés par ces énormes succès "populaires". La question du passage du temps me semble plus efficace. Que restera-t-il d'une Angot ou d'un Houellebeck dans quarante ans alors que dans le "genre" fantasy certains auteurs ont déjà acquis le statut de classique avec une qualité d'écriture qui n'est plus à démontrer. Le fait de n'intéresser qu'un public d'afficionados ne rend pas le genre moins littéraire ou élaboré, il me semble. Je pense souvent que la question qui rend le genre "fantasy" aussi peu respectable est plutôt celle du sujet. Pour pas mal de gens s'intéresser à des mondes inexistants, des créatures imaginaires ou des êtres de légende ne peut pas être envisagé au dela de certaines lectures déjà estampillées du sceau "classique de la littérature". Ainsi il est respectable de lire l'Illyade et l'Odyssée, Jules Verne mais pas Jordan ou Martin. Ou alors il faut avoir moins de 15 ans. C'est le genre "imaginaire" qui crée selon moi l'ostracisme et pas la pseudo pauvreté des styles. Ceux qui ont abordé Tolkien savent qu'il n'est pas un auteur "facile". Et je ne crois pas que la question soit en France si liée aux traductions. Il me semble que, même si le genre est moins "paria" dans les pays anglo-saxons, la section SF/Fantasy de n'importe quelle librairie Waterstone au fin fond de l'Angleterre n'est jamais aussi importante que la section "littérature" (en tous genres). Mais il en va de même pour la section Polar (elles sont souvent à proximité d'ailleurs) Le genre SF/Fantasy est plus facile à stigmatiser quand il est mal écrit justement parce qu'il est "séparé". Mais je ne crois pas que quelqu'un se risque à comparer Toni Morrison ou Paul Auster avec Fielding (Bridget Jones) ou Dan Brown (Da Vinci Code). Pourtant c'est ce qu'on essaye de faire avec la Fantasy : mettre tout le monde au même niveau et dans le même panier en présupposant que tous les auteurs écrivent pour une seule masse globale et indifférenciée de fans qui lisent tous à peu près la même chose. Il n'y a qu'à regarder la diversité des avis et des discussions rien que sur Elbakin pour se rendre compte que cette façon de juger le genre est largement dépassée.

Posté : jeu. 25 sept. 2008 23:03
par Maïaki
Je ne crois pas que l'auteur de l'article assimile le "genre littéraire" à l'ensemble de la littérature générale. ça ne veut pas forcément dire non plus "de meilleure qualité" ou qui résiste à l'épreuve du temps.Par contre, ça peut vouloir dire qu'il y a une recherche sur le style, sur la langue. Et là, je suis assez d'accord avec l'article, j'ai l'impression que les auteurs de fantasy (je connais très peu la SF) se focalisent rarement sur le style et utilisent surtout la langue au service de leur intrigue, de la description de leur monde etc... Comme contre exemple, je trouve que la horde du contrevent de Alain Damasio et Jonathan Strange et mr Norrel de Susanna Clarke sont de la fantasy littéraire, parce qu'on sent que la recherche stylistique y a une grande importance.Pourtant, je ne dis pas que les autres romans de fantasy, comme le seigneur de anneaux ou l'assassin royal, par exemple sont moins "artistiques", qu'ils sont seulement de la littérature de divertissement, parce qu'ils parviennent à susciter des images fortes, à poser des questions importantes, mais ils sont moins "littéraires".

Posté : ven. 26 sept. 2008 07:12
par lambertine
Ce qui me frappe pour ma part dans cet article, c'est qu'une bonne quantité de "classiques" ne correspondent absolument pas à la définition de ce qui, pour l'auteur, peut être qualifié de "littéraire". L'ambiguité, la recherche du style pour le style (j'ai passé une bonne partie de l'été à exercer l'orthographe de mon fils par la dictée de nombreux extraits de classiques, et les répétitions, les adverbes, les phrases passives et le verbe "être" honnis par la critique stylistique y sont présents à la pelle. Ca ne se remarque pas vraiment à la lecture, à la dictée, si), les héros moins héroïques ( entre le prince André et Frodon, entre Monte Cristo et FitzChevalerie, pour moi, l' "héroïsme pur" n'est pas du côté de l'imaginaire), le malaise (là, je dirais plutôt que c'est du côté de la SF que j'en vois le plus, pas dans Steinbeck), le bobo qui s'interroge sur sa jeunesse (C'est bien sûr le cas de Jean Valjean et du capitaine Achab...). Quant à la numérotation des paragraphes...Je me pose donc la question : ce qui est "littéraire" selon l'auteur, n'est-ce pas ce qui est "branché" en littérature (américaine) contemporaine (et dont je ne nie pas la qualité, du moins pour certains auteurs : Jim Harrison et Paul Auster, c'est du tout bon) ?

Posté : ven. 26 sept. 2008 11:15
par Malkus
Déjà, il faut donner effectivement une définition de ce qui est littéraire, et pour que les choses soient claires, de ce qui ne l'est pas...j'ai entendu dire que ce qui était littéraire était pour commencer, sujet à interprétation. Ca parle à quelqu'un ? je me dépatouille pas franchement très bien avec cette notion. Mais je suis d'accord avec le message de Maïaki.J'ai également du mal à saisir ce qu'est le style, or d'après ce que j'en sais, le style est partie intégrante de la vocation littéraire d'une oeuvre ?Qu'est-ce donc qu'une oeuvre littéraire, alors, oui ?

Posté : ven. 26 sept. 2008 11:35
par Merwin Tonnel
Je rejoins Witch sur le côté stérile du débat, la notion de "littéraire" est vraiment trop vague. Si on se colle au dictionnaire, "littéraire" veut dire "qui appartient à la littérature" et la littérature est "l'ensemble des oeuvres qui utilisent des mots comme moyens d'expression". Il me semble bien que la SFF appartient à tout ça.Après, si, comme le dit Maïaki, c'est en rapport avec le style, il faut définir la notion de "style", et blablabla... Le style, c'est juste de faire des belles phrases ou alors c'est arriver à coller un mode d'expression à un contexte ? Mark Twain et son Huckleberry Finn qui nous parle à la première personne dans un anglais familier voire argotique ou, plus proche de nous, Glen Cook qui écrit au travers du prisme des annalistes de la Compagnie Noire ne serait pas des oeuvres littéraires jusque parce que les phrases ne sont pas alambiquées ?

Posté : ven. 26 sept. 2008 12:33
par Witch
Maïaki a écrit :Je ne crois pas que l'auteur de l'article assimile le "genre littéraire" à l'ensemble de la littérature générale. ça ne veut pas forcément dire non plus "de meilleure qualité" ou qui résiste à l'épreuve du temps.Par contre, ça peut vouloir dire qu'il y a une recherche sur le style, sur la langue. Et là, je suis assez d'accord avec l'article, j'ai l'impression que les auteurs de fantasy (je connais très peu la SF) se focalisent rarement sur le style et utilisent surtout la langue au service de leur intrigue, de la description de leur monde etc... Pourtant, je ne dis pas que les autres romans de fantasy, comme le seigneur de anneaux ou l'assassin royal, par exemple sont moins "artistiques", qu'ils sont seulement de la littérature de divertissement, parce qu'ils parviennent à susciter des images fortes, à poser des questions importantes, mais ils sont moins "littéraires".
J'avais bien compris sa définition du littéraire (en lisant l'article directement d'ailleurs) et je n'ai pas confondu avec la littérature générale. Mais, comme le lui signalent pas mal des personnes qui lui ont répondu sur le site d'origine, il me semble qu'il parle plus en fait d'un genre assez limité et "élitiste" au mauvais sens du terme, c'est à dire excluant et fermé, centré sur un snobisme de caste, ce qui se résume à : en être ou ne pas exister aux yeux de ceux qui en sont.Je cherchais donc à élargir le débat sur la comparaison entre le genre Fantasy et le reste de la littérature dite "sérieuse" . On peut d'ailleurs reprendre le terme utilisé par Tisse-Ombre de littérature blanche. Comment peut-on dire qu'il n'y a pas de recherche sur le style et la langue ? Peut-être que ta connaissance du genre n'est pas assez étendue, tout simplement :|. Je ne prétends pas être une spécialiste et ne peux parler que de moi, mais il m'est déjà arrivé avec des auteurs de fantasy de ne pas réussir à lire une histoire dont le sujet me semblait intéressant justement parce que le style ne me convenait pas. Et si on en arrive à ce niveau de sens critique avec des auteurs fantasy, au même titre que quelqu'un peut s'intéresser à l'histoire des Misérables mais ne pas être capable d'apprécier la langue et le style d'Hugo, cela signifie pour moi qu'il y a bien une grande quantité de styles parmi ces auteurs, donc du bon et du mauvais, du "qui m'attire" et du "qui me laisse de glace". Cela ne différe en rien de l'apprentissage de la littérature que l'on fait au niveau scolaire. J'aime lire mais encore maintenant Balzac ne me dit rien alors que je suis capable de suivre une bonne adaptation d'un de ses romans. Et il y a quantité de gens (qui aiment lire hein ne parlons que de ceux là :)) qui n'ont pas pu entrer dans l'univers littéraire de Tolkien et qui se sont pourtant laissé entrainé par l'histoire au ciné. Cela signifie bien pour moi (et je pourrais citer d'autres auteurs en fantasy) que le style est tout aussi important que l'histoire et qu'il peut même la précéder en importance pour certains lecteurs. Et cela est valable pour les auteurs de fantasy. Maintenant que les romans les plus "populaires" soient parfois les plus faciles d'accès et donc les moins élaborés d'un point de vue stylistique, c'est possible (encore que franchement ça se discute) Mais comme je le disais précédemment les Lévy ou Mussot sont visiblement très vendeurs. Et c'est sans doute parce que dans leur genre littérature blanche ils sont d'un style très accessible. Et quelqu'un comme Angot se sert d'un "style" pour intéresser le reste du monde à sa vie mais en quoi cela fait progresser la littérature on peut se le demander.
Merwin Tonnel a écrit :Je rejoins Witch sur le côté stérile du débat, la notion de "littéraire" est vraiment trop vague. Si on se colle au dictionnaire, "littéraire" veut dire "qui appartient à la littérature" et la littérature est "l'ensemble des oeuvres qui utilisent des mots comme moyens d'expression". Il me semble bien que la SFF appartient à tout ça.Après, si, comme le dit Maïaki, c'est en rapport avec le style, il faut définir la notion de "style", et blablabla... Le style, c'est juste de faire des belles phrases ou alors c'est arriver à coller un mode d'expression à un contexte ?
Donc je rejoins à mon tour Merwin ;) : le style existe bel et bien en fantasy mais le plus élaboré n'est pas forcément le plus populaire (et ce mot n'a pour moi rien de péjoratif) et en cela c'est exactement la même chose qu'en littérature blanche.

Posté : ven. 26 sept. 2008 12:45
par Tisse Ombre
Exactement pour le style en fantasy, j'en connais au moins 2 auteurs:Gene Wolfe et Jeff Vandermeer

Posté : ven. 26 sept. 2008 12:58
par Tybalt
Je suis d'accord avec Malkus et Merwin Tonnel : la notion de "littéraire" est assez vague pour terminer d'embrouiller le débat, ce qui est dommage, parce que le sujet de départ me paraît très intéressant.La bonne fantasy doit-elle être compliquée ? J'aurais tendance à répondre non, mais il faut distinguer plusieurs choses : la longueur, la complexité de l'univers, son caractère facilement "abordable" ou non, et l'angle d'attaque choisi par l'auteur (les techniques de narration en général et le style en particulier).Pour ce qui est de la longueur, je rejoins ce qui a déjà été dit : la longueur d'un livre ou d'un cycle ne fait pas tout, loin de là. Au contraire, même ! Combien de cycles de fantasy ou de SF dont j'ai entendu parler et qui, dans l'abstrait, m'intéresseraient, mais que je n'ai pas envie de lire simplement parce qu'ils sont beaucoup trop longs ! Un cycle long est toujours un pari sur le fait que le résultat final sera intéressant, or il se trouve que tous les cycles sont menacés de s'enliser dans leurs propres péripéties à force d'accumuler les volumes et les rebondissements. Pour reprendre les critères archiclassiques d'Aristote, une bonne histoire ne doit pas multiplier inutilement les péripéties : elle doit être tendue en permanence vers le dénouement, comme un ressort. Ce qui m'a frappé dans L'Assassin royal (que j'ai lu en VO, et seulement parce qu'une amie m'a perfidement offert le premier tome ^^), c'est justement la maîtrise de l'organisation générale de l'histoire : chaque volume reprend et développe l'univers et les personnages, mais possède une forte unité d'intrigue. Je ne sais pas à quoi peut ressembler le même cycle lu en VF en jesaispascombien de volumes, mais ça doit casser complètement cette impression d'une structure bien charpentée... Le SDA, de son côté, est un cas à part, puisque c'est un seul livre, qui n'a rien à voir dans sa construction avec une trilogie.A l'inverse, des oeuvres courtes et concises sont parfois beaucoup plus frappantes qu'un énorme machin qui part en vrille. Les Chroniques des Crépusculaires n'ont pas besoin de beaucoup de mots pour poser un univers à l'identité forte et y raconter une histoire (pour reprendre ce qui a été dit plus haut à propos du côté frustrant de l'histoire qui se termine trop vite sans laisser le temps de voir l'univers, il faut remarquer que l'auteur a écrit aussi Abyme dans le même univers, et qu'un jeu de rôle a été tiré de ces deux livres, justement dans le but d'approfondir l'univers - mais ce n'est plus la même chose, car dans les livres l'histoire es fortement centrée sur les narrateurs, qui passent avant tout). Bilbo le Hobbit est à la fois court et simple dans son intrigue, mais montre un art du récit consommé, sans parler des nouvelles de Tolkien, injustement méconnues, comme Feuille, de Niggle ou Le fermier Gilles de Ham (mais on passe à un format complètement différent).Pour ce qui est de la complexité de l'univers, il y a deux clichés qu'il est assez surprenant de voir si souvent ensemble à propos de la fantasy : d'un côté on la caractérise souvent comme le genre par excellence qui développe des univers foisonnants, et du coup peu accessibles, et de l'autre on lui reproche sa trop grande "simplicité" dans la reprise des stéréotypes, le manichéisme etc. Les auteurs ont visiblement tenté d'échapper au second reproche en travaillant sur le premier : dans les meilleurs cas, cela donne effectivement des univers plus amples, plus approfondis, plus matures, et parfois plus originaux. Dans les moins bons, cela donne surtout lieu à des histoires à rallonge, où on "multiplie les paramètres" (plus de personnages, de lieux, de péripéties, chronologie étalée sur des milliers d'années, etc) sans pour autant rendre les intrigues plus matures.Le grand intérêt de ces énormes univers, qui nécessitent des formats longs pour être explorés dans toute leur ampleur, c'est bien sûr de pouvoir s'immerger dedans, de retrouver les personnages, les lieux, de les voir évoluer, etc. Reste à savoir si l'univers en vaut la peine, si l'histoire et les personnages sont à la hauteur, et si l'auteur arrive à ficeler tout ça avec assez de virtuosité pour ne pas s'y perdre lui-même. Le gros problème, pour moi, c'est : toute cette machinerie et tous ces volumes en valent-ils toujours la peine ? Je suis tombé dans L'Assassin royal petit à petit, et j'ai tout de suite adoré l'univers et les personnages (en partie grâce au style et à l'art de conteuse de Robin Hobb, qui a à mon avis d'indéniables qualités littéraires), mais une fois sorti de ce cycle-là, je ne vois pas trop l'intérêt de me plonger dans d'autres où il faudra de nouveau ingurgiter toute une masse d'informations avant de pouvoir profiter du livre.Ce qui m'amène au problème de l'accessibilité de l'univers. Dans le cas d'univers vastes et complexes, on assiste au développement d'une optique "réaliste", de plus en plus répandue, qui consiste à en gros être plus tolkienien que Tolkien, en poussant à fond l'exigence de crédibilité de l'univers. On a droit à toute une géographie, une histoire, une pseudo-anthropologie, etc. etc. avec des résultats plus ou moins heureux selon les auteurs. Ce qui donne lieu, finalement, à des romans qui cherchent à rivaliser avec le niveau de documentation d'un roman historique, sauf que la documentation porte sur un univers fictif. En analysant au couteau, cela veut dire que l'univers, au lieu de se contenter de servir de décor à l'histoire, devient de plus en plus envahissant et prend presque le pas sur l'histoire et les personnages. Pour se dépatouiller avec une masse d'informations pareilles, il y a en gros deux principes de construction possibles de l'univers, qui soit facilent soit compliquent l'accès au livre. D'un côté, une logique de "parataxe", qui consiste en gros à partir de deux-trois fondements très simples, et à broder autour en rajoutant plein de petits détails qui enrichissent l'ensemble sans pour autant se mettre en travers de la compréhension. Harry Potter, par exemple, part d'un principe archi simple, connu des lecteurs : l'école. Tout l'intérêt des livres vient de ce que J K Rowling repense chacune des composantes de l'univers scolaires en imaginant que nous sommes dans une école de magie. Le lecteur peut admirer à loisir les détails sans jamais se perdre, ce qui facilite l'accès à l'univers. De l'autre côté, une logique d' "hypotaxe", qui prend à bras le corps le postulat d'un univers "historique" réaliste, et nous montre un monde aussi diversifié que le monde réel, c'est-à-dire toutes sortes de pays différents, ayant chacun leur dynastie, leur histoire, leurs factions, leurs complots, etc. et là c'est au lecteur de s'y retrouver. Le Trône de fer et sa pléthore de personnages est un bon exemple de ce choix : je ne sais combien de familles, chacune comptant des dizaines de personnages, etc. L'Assassin royal est un peu à mi-chemin entre les deux, car même s'il y a plusieurs duchés, la géographie de l'ensemble reste d'une complexité limitée et les complots tournent autour d'un nombre finalement assez réduit de protagonistes principaux. Cet angle d'attaque est probablement celui qui rend l'accès à l'univers le plus difficile, et personnellement je n'en suis pas fan.Restent les techniques de narration et le style. Elles comptent énormément aussi, car la lecture est beaucoup plus simple lorsque l'auteur reste attaché à un seul point de vue (Fitz dans L'Assassin royal, avec récit à la première personne) que lorsqu'il jongle avec de multiples points de vue (Les Aventuriers de la mer, Le Trône de Fer, Le Disque-monde). La seconde technique a l'air beaucoup plus répandue, probablement parce que c'est elle qui "plonge" le lecteur dans l'intrigue le plus efficacement en termes de suspense, en lui exposant toutes sortes de sous-intrigues in medias res et en lui laissant le soin de rassembler les pièces du puzzle petit à petit. Le problème de cette seconde technique, c'est que le lecteur peut aussi bien s'y perdre vraiment et/ou en avoir marre (je me souviens d'avoir mis plus de temps à entrer dans l'univers des Aventuriers de la mer, précisément parce qu'il n'y avait plus le récit à la première personne que j'avais tellement apprécié avec Fitz).Le style, enfin, est primordial, d'une parce qu'il montre la maîtrise de la langue qu'a l'auteur (et quand il la maîtrise mal, fait des fautes de syntaxe ou a un vocabulaire trop réduit, ça finit par se voir, forcément), de deux parce que c'est lui qui donne vraiment une voix propre aux personnages, et parfois (mais c'est plus rare) donne son cachet à l'univers tout entier. Dès la première page de L'Assassin royal, on entend la voix de Fitz et on ne la quitte plus (et c'est excellent) ; les répliques de Burrich ou de Chade/Umbre sont elles aussi très reconnaissables, ils ne parlent pas de la même façon. Le cas d'un univers défini tout entier par la force du style est à mon avis l'une des techniques narratives les plus sous-exploitées en fantasy, alors même que c'est de là que viennent les plus grandes réussites : Le Seigneur des Anneaux avec sa "patine" particulière, le Disque-mondetout, même la façon dont la lumière circule, est humoristique. Plus récemment, La Horde du Contrevent a marqué les esprits parce que Damasio utilise les deux à fond, ou en tout cas plus que beaucoup d'autres auteurs. Le problème étant que le recours à un style particulier nuit parfois à "l'accessibilité" de l'univers (cf. la Horde), ou peut rebuter certains lecteurs en cas d'incompatibilité d'humeur avec le ton adopté (on peut ne pas aimer le début de L'Assassin royal...).Après balayage de tous ces paramètres, il me semble que la bonne fantasy n'a pas nécessairement besoin de recourir au cycle long, ni à un univers trop complexe, ni à une narration trop éclatée entre de multiples points de vue - autant de critères très à la mode, mais qui ne suffisent pas à faire l'intérêt d'un livre et parfois lui nuisent énormément. En revanche, elle doit être "compliquée" au niveau des techniques de narration de la même façon que l'intrigue de L'Assassin royal, par exemple, est compliquée : au sens où toute l'histoire est fortement charpentée et sous-tendue par une structure bien maîtrisée, pas nécessairement visible au premier abord, mais indispensable à l'équilibre des romans (l'auteur maîtrise son intrigue et n'est pas obligée de rajouter n volumes supplémentaires "parce que ses personnages lui ont échappé" !) ; et elle doit être compliquée au niveau de la recherche du style, qui est à l'univers de fantasy ce que le système de jeu est à l'univers de jeu de rôle : si le système n'est pas bien adapté à l'univers, celui-ci ne pourra jamais mettre en avant toute son originalité.Accessoirement, il y a tout un éventail de techniques narratives que la fantasy a délaissées au fil de son évolution générale, et qu'on ne retrouve que dans certaines oeuvres pour la jeunesse : je veux parler de la logique de conte. Mon exemple en l'occurrence est Le Magicien d'Oz, qui repose sur le principe du "deuxième monde", comme beaucoup de romans de fantasy, mais dont la logique et l'intrigue relèvent presque complètement du conte : intrigue linéaire, aux étapes simples et claires, avec des répétitions (les trois rencontres entre Dorothée et ses compagnons, les entrevues avec Oz, etc.), un univers simplissime et résolument non réaliste (un peuple à chaque point cardinal, peuples tous vêtus de la même couleur, la cité d'Oz où on porte des lunettes), peu ou pas de chronologie interne ("d'Histoire") et quasiment pas de pseuco-science (aucune explication "rationnelle" prétendant expliquer le fonctionnement de la magie des sorcières). Le merveilleux, dans de telles oeuvres, ne s'embarrasse pas d'une vraisemblance excessive et n'a aucun complexe d'infériorité vis-à-vis du "vrai monde", comme c'est le cas de beaucoup de romans de fantasy ; la cohérence de l'univers est beaucoup plus lâche, et s'autorise même une bonne dose de nonsense. La fantasy aurait beaucoup à tirer d'un petit retour aux sources de ce côté-là...

Posté : ven. 26 sept. 2008 13:54
par Luigi Brosse
Quel poste :huh: !J'ai beaucoup apprécié sa lecture et je suis de manière générale assez d'accord avec ce que tu dis, en particulier ta conclusion. Même si je pousserai encore un peu plus loin la nécessité de recherche du style (c'est une position élitiste, et je le revendique). Un petit exemple qui s'appuie sur ce que tu disais d'Harry Potter, pour moi ce serait une série encore plus intéressante, si l'auteur avait fait plus d'efforts au niveau du style. Toute la difficulté étant bien évidemment de préserver sa fluidité de conteuse (qu'il est difficile de réfuter, la preuve en est le succès de ses livres) en même temps qu'une utilisation de la langue plus raffinée.Et un autre exemple, pour pousser vers une décomplexification de l'univers et de son accessibilité, prenons par exemple Horward et Conan. Format très court, histoire assez simple (voire même très simple) et pourtant c'est magique ! En une poignée de mots, l'auteur arrive à faire surgir un univers entier grâce à notre imaginaire et nous plonge dans la peau du barbare. Le style malgré tout ce que l'on croit savoir est plutôt bon, sans forcément beaucoup de fioritures, mais malgré tout plus raffiné que le dernier Levy.Par contre, je conçois (je suis un fan de ce type d'approche aussi) que l'on aime les séries longues, avec un monde ultra complexe, et un haut niveau de style. Mais c'est sûr que tout le monde n'appréciera pas. De manière générale, j'aurais même tendance à dire qu'une grande majorité de gens n'apprécie pas une grande complexité (que ce soit linguistique ou scénaristique) - (quoi que l'on dise, Harry Potter n'est pas très complexe, cf. Tybalt ci-dessus).

Posté : ven. 26 sept. 2008 14:25
par Gillossen
Je n'ai malheureusement pas le temps de me pencher en profondeur sur le renouveau de cette discussion - j'espère le trouver ce week-end - mais juste en passant, cet article ne reflète pas forcément la position du site, je précise ! ;)J'ai juste trouvé qu'il pouvait être intéressant, qu'on soit d'accord ou pas, et vu les interventions de certains, je ne regrette pas. ;)

Posté : ven. 26 sept. 2008 16:55
par Maïaki
J'avais bien compris sa définition du littéraire (en lisant l'article directement d'ailleurs) et je n'ai pas confondu avec la littérature générale. Mais, comme le lui signalent pas mal des personnes qui lui ont répondu sur le site d'origine, il me semble qu'il parle plus en fait d'un genre assez limité et "élitiste" au mauvais sens du terme, c'est à dire excluant et fermé, centré sur un snobisme de caste, ce qui se résume à : en être ou ne pas exister aux yeux de ceux qui en sont.
Je ne dis pas que tu n'as pas compris. D'ailleurs, moi non plus je ne reprends pas la même définition que lui, parce que je ne connais pas assez le "genre littéraire" américain et ses codes (même pas du tout.).Je me suis juste posé la question "pourquoi il dit que la sf/fantasy pourrait être plus littéraire? en quoi elle serait moins littéraire, actuellement?". Et si on considère que le "genre littéraire" se caractérise par une recherche sur le style, je trouve qu'on peut comprendre pourquoi: j'ai l'impression que le principal intérêt de la fantasy ne concerne pas le style mais plutôt, la création d'un univers, la construction de personnages etc... De même, les romans policiers sont surtout axés sur l'intrigue, Tom Sawyer et Monte Cristo sont avant tout des romans d'aventures et Marc Levy s'intéresse surtout aux relations humaines.Ce n'est pas pour ça qu'ils sont moins intéressants, ils sont intéressants pour autre chose.D'ailleurs, même dans un cours de littérature, on n'étudie pas la même chose selon l'oeuvre concernée: par exemple, on se focalise sur les figures de style pour une oeuvre très littéraire comme celle de Baudelaire alors qu'on s'intéresse plus à la psychologie des personnages et à la satire sociale pour Maupassant. Et, comme je l'ai vu sur le forum, pour Tolkien, on s'intéresse à la façon dont il a créé son univers.
Comment peut-on dire qu'il n'y a pas de recherche sur le style et la langue ? Peut-être que ta connaissance du genre n'est pas assez étendue, tout simplement .
Je n'ai pas une grande culture en fantasy (ni ailleurs) mais j'ai quand même cité en contre exemple des romans de fantasy avec une recherche sur le style et la langue: La Horde de Contrevent et Jonathan Strange and mr Norrel
Mark Twain et son Huckleberry Finn qui nous parle à la première personne dans un anglais familier voire argotique ou, plus proche de nous, Glen Cook qui écrit au travers du prisme des annalistes de la Compagnie Noire ne serait pas des oeuvres littéraires jusque parce que les phrases ne sont pas alambiquées ?
Moi non plus, je ne saurais pas trop définir le style littéraire, mais je ne vois pas pourquoi ce serait des phrases longues et alambiquées. L'auteur pourrait faire une recherche stylistique en employant un langage familier...
(en partie grâce au style et à l'art de conteuse de Robin Hobb, qui a à mon avis d'indéniables qualités littéraires)
Tout à fait d'accord. J'adore Robin Hobb et je trouve qu'elle écrit très bien. Tout comme Tolkien et Alexandre Dumas.Mais je disais simplement que le principal intérêt de leur oeuvre ne se situait peut-être pas dans la recherche sur la langue et c'est dans ce sens qu'elle serait moins littéraire que heu... (et c'est là que je me rends compte que je ne lis jamais rien de très littéraire) la horde de contrevent, le portrait de dorian gray, les fleurs du mal (pour ce que j'ai lu récemment), les nouvelles du New York times (pour ce que je n'ai jamais lu!)D'ailleurs, on peut écrire un essai philosophique, par exemple, avec avec un style parfait, ce n'est pas pour ça qu'on aura fait une oeuvre littéraire.

Posté : ven. 26 sept. 2008 17:00
par oceatif ou le vent
heueueueu...comment poser un éventuel élément de réponse ou plutôt d'affirmation personnelle après un post pareil !:huh:Perso j'ai pas vraiment compris son histoire de notion littéraire (pas le post, le doc) soit finalement à partir de quel moment on peut parler de complexité, de compliqué? Effectivement le style de l'auteur jouera énormément mais en matière de style je pense qu'il n'y a pas que les faits postés ci dessus, on peut aussi parler de style incisif, "rapide", décortiqué, vague etc....en fait les mots utilisés avec toute la syntaxe et la ponctuation joueront aussi sur le style. Je m'explique : une scène de crime ne sera pas forcément "exprimée" et décrite de la même façon pour un auteur, de surplus si son ambiance est plutôt sombre ou plus "abordable" niveau image.....En même temps suivant justement quelles histoires sont racontées ce même auteur pourra s'exprimer différemment alors que c'est la même pâte ....donc le style est une notion peut être quand même un peu abstraite, je veux dire par la qu'un auteur pourra avoir une certaine manière d'écriture excellente sans vraiment pouvoir la décrire....Je pense à Mauméjean, Noirez ou encore Kay....Je pense que je m'exprime mal ou tout simplement je n'arrive peut êter pas à comprendre pourquoi j'aime le style de Noirez ou autre ?....Pour en revenir sur la notion de complexité il faut aussi peut être mettre en avant les gouts de chacun sur leurs attentes....la aussi je m'explique :Personnellement même si j'adore les personnages bien construits psychologiquement s, je reste "fans" des "constructeurs" d'univers complètement hors normes (Gaborit, Noirez encore une fois, Vance...) et en plus j'affectionne tout particulièrement les personnages écorchés, voir les seconds personnages. Ce qui veut dire par exemple que les histoires d'amours même bien écrites vont vite me lasser....Bon il arrive peut être (ou arrivera) un livre qui me contredira (j'espère j'adore les surprises...)soit même si le verbe est très soutenu, si les univers sont ultra complexes, gigantesques, détaillés; des le départ ou j'affectionne les voyages (découvertes) dans des contrées nouvelles et magiques je crierais peut être surement au généralissime même si ce livre n'en n'est pas forcément y compris l'inverse....c'était un exemple. Bon la effectivement je suis plus revenu sur le topic de départ que sur le doc qui questionne cette idée de littéraire ?...toujours pas compris ....

Posté : ven. 26 sept. 2008 17:14
par lambertine
on se focalise sur les figures de style pour une oeuvre très littéraire comme celle de Baudelaire alors qu'on s'intéresse plus à la psychologie des personnages et à la satire sociale pour Maupassant. Et, comme je l'ai vu sur le forum, pour Tolkien, on s'intéresse à la façon dont il a créé son univers.
Hum. Il me semble que l'on peut s'intéresser aux figures de style, à la construction purement "littéraire" autant chez Tolkien que chez Maupassant, encore que ce n'est sans doute pas la première chose qui doit intéresser chez eux (et, pour ma part, la façon dont Tolkien a bâti son univers me laisse totalement indifférente. D'ailleurs, j'ai beau lire des tas de bouquins de fantasy, ce ne sont pas les univers originaux qui m'y attirent, cela à titre purement personnel). Par contre oui, le lecteur se focalisera plus sur le style chez Baudelaire, mais Baudelaire écrit de la poésie, pas des romans. Difficile donc de comparer (et il me semble que l'auteur de l'article parlait bien de romans littéraires, pas de poésie)

Posté : ven. 26 sept. 2008 17:27
par Maïaki
Oui, justement, j'ai dit que chez Maupassant, on s'intéressait plus à la vision de la société qu'aux figures de style. En fait, je mettais Baudelaire d'un côté et Tolkien et Maupassant de l'autre. Mais ce n'est peut-être pas un bon exemple. D'une part parce que Maupassant a pas mal analysé son style littéraire et d'autre part parce que , effectivement, Baudelaire écrivait de la poésie. Mais je lis très rarement des oeuvres vraiment "littéraires". Et il me semble que l'auteur de l'article parlait de figures de style, de procédés littéraires.

Posté : ven. 26 sept. 2008 19:03
par Sylvaner
Quelques réflexions décousues, qui s'éloignent de la question posée dans l'article en brève, mais qui en rejoignent le thème... à la sauce française.J'ai entendu récemment une critique (sur francecu !) dire que selon elle, Houellebecq ou Ango c'était de la littérature, Nothomb ou Gavalda de la littérature (mais de la mauvaise !) alors que Musso ou Lévy sont des scénaristes : tout l'intérêt de leurs livres tient dans l'histoire racontée et dans son rythme, et pas du tout dans la forme choisie. Puis d'argumenter que leurs livres, au contraire des précédents, ne perdaient rien à être adaptés en films.Je pense qu'au delà des jugements de valeur cette séparation est assez juste ; je pense aussi que Balzac ou Dumas ne seraient pas appelés "littérature" aujourd'hui.En france, nous sommes dans une ère post-Proustienne où la littérature, pour être noble, doit nous parler de la langue et surtout de nous-même. Et dans ces conditions, il faut bien admettre que les "genres" (polar, SF, fantasy) ne font pas vraiment partie de la littérature... sauf exception. Quand le style ou la plume sont importants en fantasy (Damasio et Clarke ont déjà été cités) c'est souvent au service de l'histoire. Dans la "blanche" sur le marché éditorial français, c'est l'inverse !Mais surtout, la grande force de la fantasy mais aussi sa faiblesse pour ceux qui n'aiment pas ça, c'est l'évasion : rarement un récit de fantasy, ou comme nous l'évoquons ici à longueur de critique et de forum la mise en place de l'univers, puis des personnages, puis de l'intrigue sont essentiels, ne laissera grande place à l'identification et au questionnement du lecteur sur ses propres pensées profondes.Aussi inconditionnel que je puisse être de Robin Hobb, aucun de ses volumes n'a eu sur moi l'impact d'un John Irving, ou même des interrogations du personnage de McEwan sur la guerre d'Irak dans Samedi !Chez Hobb on trouve surtout de l'empathie, chez Martin surtout de la violence cathartique ... et chez Jordan un agaçant besoin de savoir comment ça va finir ! Aucune de ces pointures ne s'illustrent particulièrement ni par la forme, ni par le questionnement du lecteur sur ses fondamentaux.Pouvez-vous citer un livre de fantasy qui soit dérangeant ? je suis sûr que oui, mais admettez que c'est plutôt rare... et c'est pourtant bien au coeur de ce qui est "littéraire" aujourd'hui.La fantasy, et même la SF, restent donc - et finalement - pour moi des littératures de genre... sans avoir à en rougir. Parce que le temps qui passe modifie tout, quand les plus grands auteurs de l'histoire de france comptent parmi eux un tragédien raté, quelques feuilletonnistes payés au kilomètre et un philosophe satirique et méchant... (les reconnaissez-vous ? ;-) )

Posté : ven. 26 sept. 2008 19:13
par Sylvaner
... et une petite pour la route :le post-fleuve de Tybalt illustre bien pour moi (et paradoxalement) à quel point la fantasy est parfois enfermée dans ses codes, un genre comme il en existe au cinéma. Le seul fait qu'on puisse disserter ainsi sur la complétude des univers, sur le nombre des points de vue et sur la longueur des oeuvres montre bien que les auteurs doivent se "positionner" parmi les codes existants : écrivez-vous un cycle-fleuve, une trilogie ou un "one shot" ? êtes-vous plutôt géographe de l'irréel ou conteur ? biographe ou chroniqueur ? C'est peut-être une illusion, mais la littérature contemporaine n'entraîne pas ces questions et n'a pas ces contraintes de forme. A ce titre, la fantasy est bien un genre à part... sans que ce soit péjoratif : le théâtre est aussi un genre à part, ou le nouveau roman, ou (horreur !) l'autofiction...

Posté : lun. 29 sept. 2008 12:20
par oceatif ou le vent
En france, nous sommes dans une ère post-Proustienne où la littérature, pour être noble, doit nous parler de la langue et surtout de nous-même. Et dans ces conditions, il faut bien admettre que les "genres" (polar, SF, fantasy) ne font pas vraiment partie de la littérature... sauf exception.
Ce qui veut dire que la littérature reste accrochée à des valeurs prout prout au dessus de son postérieur ? La fantasy serait donc irrémédiablement des romans non littéraires alors je dois dire que je n'ai quasiment lu aucun auteur littéraire donc puisque leur but n'est pas de nous divertir, de nous reposer, de nous apporter un voyage, parce que 300 pages pour me parler de la langue française ou de mon (pseudo) esprit intérieur...euh oui c'est peut être moins chère qu'un psy mais bon...La littérature s'enferme donc elle aussi dans ses propres codes au même titre que la littérature de genre après il serait peut être temps de créer un autre terme pour designer la littérature de genre sans que ce dernier soit péjoratif ou autre et donc puisse avoir un statut autant élogieux, pompeux, noble que la "dite" littérature.Ce qui veut dire qu'elle (la fantasy) récupérerait SES classiques comme Dumas, Vernes, Poe, Peaks, La fontaine etc..qui étaient donc inscrits dans la catégorie classique (terme élogieux pour dire top du top, excellent, généralissime, lus par tout le monde depuis des générations, avant gardistes etc...) ce qui ne pourrait donc que lui rendre sa notoriété existante mais caché aux yeux du "peuple" par de pseudo intellectuels prout prout (bis;))...En fait malgré les essais, les cartons en terme de vente etc...je crains que le mélange entre littérature de genre et littérature blanche "intelligente" ne se fasse jamais puisqu'il y aura toujours des "clans", dans chacun des 2 cotés d'ailleurs, opposés.Je m'en fous je dois donc être un ignare de lecteur de genre, complètement déconnecté du réel donc, incapable de réfléchir à tel ou tel sujet intelligent, scientifique ou politique mais fier de l'être et encore même pas puisque je ne me pose même pas la question c'est dire:D. Quel inculte !On est sorti du débat de départ mais c'est vrai que dit comme ça le sujet initiale était flou (et bien flou), et tellement subjectif (merci océatif pour tes mots d'estomac) mais cela en revient au même que d'expliquer des succès planétaires comme HP pour la littérature, si quelqu'un connaissait le mécanisme" du succès et bien il en sortirait tous les 3 mois, et donc on ne peut pas parler de "devoir" ou d'"être" on ne peut que regarder et adhérer ou pas à un succès, à un style, à une oeuvre.....c'est tout, réducteur mais bien la réalité.Ce qui ne m'empêche pas de suivre les avis des autres ou du moins m'y intéresser car on peut avoir une idée sur les gouts de tel ou tel internautes au fil des critiques de chacun et donc justement s'y rapprocher ou pas, comme ce que je fais.

Posté : lun. 29 sept. 2008 13:30
par lambertine
Hum... si je puis me permettre...
J'ai entendu récemment une critique (sur francecu !) dire que selon elle, Houellebecq ou Ango c'était de la littérature, Nothomb ou Gavalda de la littérature (mais de la mauvaise !)
Houellebecq, même si je ne l'aime pas, c'est de la littérature. Il me semble que c'est un fait. Maintenant, juger Angot et ses autofictions sexuelles comme supérieure à Nothomb (que je n'aime pas pour un sou, que je trouve à la fois prétentieuse et malsaine) ou Gavalda... euh... Là, j'avoue que j'ai l'impression de me trouver devant un avis personnel. Quand à Levy, pour ce que j'en ai lu, c'est plus de la SFFF (hélas) que de la littérature blanche. N'empêche que c'est léger comme une bulle de champagne, et que dans le tram, ma foi...
je pense aussi que Balzac ou Dumas ne seraient pas appelés "littérature" aujourd'hui.
.Et si je puis en "rajouter", il me semble qu'ils n'étaient pas considérés comme "littéraires" à leur époque non plus. Maintenant, si je voulais être méchante, je dirais que, pour qu'un livre passe l'épreuve du temps, il faut qu'il ne soit pas "littéraire". mais ce serait exagérer, bien sûr (quoique...)
: rarement un récit de fantasy, ou comme nous l'évoquons ici à longueur de critique et de forum la mise en place de l'univers, puis des personnages, puis de l'intrigue sont essentiels, ne laissera grande place à l'identification et au questionnement du lecteur sur ses propres pensées profondes.
Et là, je ne puis plus être d'accord. Je l'ai déjà dit plus haut : la mise en place de l'univers, je m'en contrefiche. Et si l'identification me laisse plus ou moins indifférente, les pensées profondes des personnages, ou les pensées profondes qu'ils font naître en moi sont ce qui me scotche le plus aux livres de fantasy. Bien plus qu'à la littérature dite littéraire. Si j'ose dire, Nothomb ou Houellebecq ne font pas naître en moi de réflexions quelconques (je n'ai pas lu John Irving, désolée). Peut-être parce que ces livres sont à la fois trop proches et trop lointains de moi. Trop proches dans le temps et les analyses sociales, et trop lointains parce que les personnages n'ont rien de commun avec moi. J'ai donc l'impression de regarder mes voisins par le trou de la serrure sans ressentir la moindre empathie pour eux. Et sans que leur vie fictionnelle ne fasse naître chez moi la moindre réflexion. Mais je ne parle que de moi, bien entendu.
Pouvez-vous citer un livre de fantasy qui soit dérangeant ? je suis sûr que oui, mais admettez que c'est plutôt rare... et c'est pourtant bien au coeur de ce qui est "littéraire" aujourd'hui.
Boff... pourquoi un livre devrait-il être "dérangeant" pour être "littéraire" ? C'est sans doute ce qui me "dérange" (et sinon, bah, "L'épée de Vérité" pour son côté néocon ? "le Royaume de Tobin" pour son côté féministe exacerbé - et pour "frère" ?). Par contre, un livre de fantasy peut inciter à la réflexion sans "déranger", mais en "distanciant" le lecteur du thème de l'histoire. Si je prends "Tigane", qui pour moi est une merveille de réflexion sur l'acculturation, je me permets de dire qu'il peut plus inciter à une réflexion "neutre" qu'un livre qui parle du même sujet dans le monde contemporain (une histoire d'artiste tibétain opprimé par les Chinois sera vue avec moins de détachement, et donc moins d'objectivité, que celle de ce pays rayé culturellement de la carte par un tyran fictionnel. ne serait-ce que parce que nous sommes croyants- ou pas - ou communistes - ou pas).
Chez Hobb on trouve surtout de l'empathie, chez Martin surtout de la violence cathartique ... et chez Jordan un agaçant besoin de savoir comment ça va finir ! Aucune de ces pointures ne s'illustrent particulièrement ni par la forme, ni par le questionnement du lecteur sur ses fondamentaux.
Pour le questionnement du lecteur, voir plus haut. Sinon, je crois que chez Martin, comme chez Hobb, ou chez Jordan que je connais moins, on retrouve un "foisonnement" qui rappelle les auteurs habituellement qualifiés de classiques : Hugo, Stendhal, mais aussi Tolstoï, Steinbeck, Sinkiewickz. Des auteurs qui abordent mille et un thèmes dans des fresques romanesques dont l'enjeu fictionnel dépasse l'interrogation narcissique des personnages. Même si celle-ci n'en est pas absente.Si je puis me permettre, je dirai que la fantasy - pour la SF, je serais trop inculte - est autant l'héritière des mythes traditionnels que de la littérature classique - ou plutôt de ce qui est reconnu aujourd'hui comme littérature classique. Et, quelque part, et "rejetée" par la critique car non-innovante, passéiste.

Posté : lun. 29 sept. 2008 14:05
par Witch
Sylvaner a écrit :Mais surtout, la grande force de la fantasy mais aussi sa faiblesse pour ceux qui n'aiment pas ça, c'est l'évasion : rarement un récit de fantasy, ou comme nous l'évoquons ici à longueur de critique et de forum la mise en place de l'univers, puis des personnages, puis de l'intrigue sont essentiels, ne laissera grande place à l'identification et au questionnement du lecteur sur ses propres pensées profondes.Aussi inconditionnel que je puisse être de Robin Hobb, aucun de ses volumes n'a eu sur moi l'impact d'un John Irving, ou même des interrogations du personnage de McEwan sur la guerre d'Irak dans Samedi !Chez Hobb on trouve surtout de l'empathie, chez Martin surtout de la violence cathartique ... et chez Jordan un agaçant besoin de savoir comment ça va finir ! Aucune de ces pointures ne s'illustrent particulièrement ni par la forme, ni par le questionnement du lecteur sur ses fondamentaux.Pouvez-vous citer un livre de fantasy qui soit dérangeant ? je suis sûr que oui, mais admettez que c'est plutôt rare... et c'est pourtant bien au coeur de ce qui est "littéraire" aujourd'hui.La fantasy, et même la SF, restent donc - et finalement - pour moi des littératures de genre... sans avoir à en rougir. Parce que le temps qui passe modifie tout, quand les plus grands auteurs de l'histoire de france comptent parmi eux un tragédien raté, quelques feuilletonnistes payés au kilomètre et un philosophe satirique et méchant... (les reconnaissez-vous ? ;-) )
Ben j'dois être très bon public mais les quelques grandes claques pour moi en Fantasy sont principalement dues à des identifications impliquant des questionnements sur moi-même. j'y reviendrai plus bas. Tu cites trois auteurs Sylvaner (en réponse à ce qui a été dit auparavant, je te l'accorde, ce n'est pas forcément ton choix) et on a presque l'impression d'avoir fait le tour. C'est justement ce que je voulais dire dans ma réponse à Maïaki (qui n'était pas du tout un jugement sur l'étendue de ta connaissance en fantasy hein j'espère que tu ne l'as pas mal pris ;)) certains auteurs ont pris le devant de la scène fantasy et ont balayé l'existence bien plus ancienne d'auteurs qui n'ayant pas eu leur résonance médiatique (parce que personne ne m'empêchera de penser que Hobb et Martin n'auraient pas eu autant d'audience il y a une quinzaine d'années) Le public a changé, l'environnement a changé, le net permet de mieux faire connaitre une oeuvre, l'augmentation de lecteurs anglophones permet l'accès aux oeuvres dans la réalité de leur parution. Dans le métro y'a 10 ans, le fait d'avoir un livre en anglais faisait que les gens me prenaient pour une touriste, je pense que ce n'est plus le cas. Mais il existait avant Hobb et Martin (je dissocie Jordan) des auteurs qu'il est difficile de faire repasser sur le devant de la scène même si leurs écrits sont plus anciens. Parce que maintenant on entend régulièrement "ça ressemble à du Hobb/Martin en moins bien" tout comme auparavant on entendait la même chose en remplaçant par Tolkien. Comme s'il n'y avait pas déjà eu des quantités de courants en fantasy et donc des inspirateurs divers et variés. Personnellement ma première lecture de Pern d'Ann McCaffrey (Dragonflight date de 1968 et j'ai du le lire en français en 1990 !!) m'a beaucoup parlé à un niveau personnel (lutter pour ce que l'on croit même quand tout semble indiquer que l'on a tort, sortir de sa condition "sociale" prédestinée ...) Une trilogie peu connue comme The Elven Ways de Ciencin pose la question de la prédominance de l'humanité. Katherine Kerr choisit des héros qui se réincarnent et permet de s'interroger notamment sur le libre arbitre, sur les scénarii de répétition, sur les attachements nuisibles (tiens là avec cette phrase, on a l'impression d'être dans Psycho mag non ? :)) Et il existe des quantités d'auteurs qui utilisent la fantasy pour parler de l'humain, être pensant et de l'évolution des sociétés qu'il s'évertue à mettre en place. Je suis bien loin de l'adolescence mais je dois reconnaitre le pouvoir de Rowlings de m'avoir fait réfléchir sur la construction, thème on ne peut plus introspectif, parce que si HP parle à autant de gens c'est qu'il y a identification non ? De même Pullman aborde des thèmes plus profonds que la gentille relation Lyra/Will ne le laisse croire. Et il n'est pas le seul à s'interroger sur le "que sommes nous ? d'où venons nous ? où allons nous ?" Pour ma part je n'ai pas besoin qu'un auteur me raconte la vie d'un autre auteur pour m'interroger sur mes angoisses, mes bonheurs et là je parle d'Irving. Je peux par exemple me reconnaitre dans les meurtrissures d'Agone de Gaborit et en même temps apprécier le fait que ses options sont forcément très différentes des miennes. Ce qui finalement est aussi le cas pour mon voisin de palier puisque nous n'avons ni le même age, ni la même culture, ni la même enfance. Ah je viens de me rendre compte que pendant que j'écris quelqu'un vient de dire des choses très similaires avec lesquelles je suis en forte adéquation donc :
lambertine a écrit :Pour le questionnement du lecteur, voir plus haut. Sinon, je crois que chez Martin, comme chez Hobb, ou chez Jordan que je connais moins, on retrouve un "foisonnement" qui rappelle les auteurs habituellement qualifiés de classiques : Hugo, Stendhal, mais aussi Tolstoï, Steinbeck, Sinkiewickz. Des auteurs qui abordent mille et un thèmes dans des fresques romanesques dont l'enjeu fictionnel dépasse l'interrogation narcissique des personnages. Même si celle-ci n'en est pas absente.
Je rajouterai à cela qu'il me semble que pour certains lecteurs l'introspection (c'est moins pire que l'interrogation narcissique :p) fait partie inhérente de leur façon d'approcher l'acte de lire et que dans ce cas là, il n'est pas forcément nécessaire d'être relayé par l'auteur pour avoir cette approche. Il y a avec la fiction en général, possibilité d'immersion dans un ailleurs qui n'existe pas lorsque le livre se situe dans un quotidien facilement identifiable. La littérature introspective me donne l'impression d'être sans arrêt "sur mes gardes" : j'identifie les lieux, les situations, je compare les réactions, tout est quotidien et mesurable. Il n'y a finalement pas le laisser aller conscient qui se produit avec un ouvrage de fantasy. Sans fiction, l'effet de surprise est moindre et la remise en question de ses propres fonctionnements aussi. Enfin ce n'est que mon avis et mes impressions hein, je comprends qu'il en aille différemment pour chacun :)

Posté : lun. 29 sept. 2008 15:08
par Malkus
Pour le post d'océatif : je pense que dans la "littérature de l'intérieur", celle qui est censée parler du monde intime, on n'a pas véritablement à s'identifier à la personne de l'auteur, qui serait une sorte de miroir, mais bien souvent à être happé par un questionnement plus profond, plus large en somme. Il faudrait pas se tromper quant à l'essence même des romans ; les 3/4 du temps on parle bien de mort, de où allons-nous, de qui sommes-nous...dans beaucoup de "genres" littéraires. On peut apercevoir ces thèmes, parfois même, là où l'auteur ne souhaitait pourtant pas les dévoiler. C'est notre lecture qui produit son effet.Après on a le divertissement : et comme le disait Sylvaner il a ses scénaristes ; leurs histoires très structurées, leurs petites vacances, puis leur petite rentrée...Je pense à partir de là que la fantasy peut renvoyer l'écho d'un questionnement tout à fait différent, qui à sa profondeur évidemment ; on a des nuances dans la compléxité, c'est aussi une évidence. Bonne, et mauvaise littérature tout simplement, comme disait Tisse-Ombre. Le plus dur reste encore, là tout de suite, de poursuivre les discussions sur ce fil et d'en faire une synthèse correcte, qui ne soit pas une réponse individuelle, et qui puisse recadrer la question... après s'être farci les 3 pages, on cherche un peu à qui répondre en premier...