Un extrait d'une interview de Nicolas Le Breton (auteur des Âmes envolées, aux Moutons électriques) concernant le Steampunk :
Actusf : Comment considérez-vous le steampunk, en tant que genre ?Nicolas Le Breton : Un génial machin multiforme, déjanté et sans queue ni tête, semblerait-il de prime abord. Mais qui dit, au fond, tellement de choses sur notre époque. Nous sommes enfants d’un monde multipolaire, multi-identitaire (n’en déplaise aux abrutis et aux fanatiques). Nous sommes une génération qui a devant ses yeux un accès au passé humain jamais vu jusque là, disposant d’une amplitude de voyages impensable quelques générations auparavant, si l’on y songe. Chaque seconde qui passe est un choix de vie, entre plusieurs identités sociales qui doivent cohabiter, nous tiraillent et pourtant rendent notre vie si riche et intéressante. Il n’y a plus une morale simple et unique, mais des morales diverses qui s’opposent irréductiblement, se chevauchent ou s’ignorent royalement. Une intuition qu’a eu justement Michael Moorcock, dans Seigneur des Airs, une roman proto-steampunk des années 1980. Le steampunk, tel que je le perçois du moins, c’est un pied de nez à tout cela. Mi-ironique, mi-sérieux. Vos certitudes, je les uchronise ! Je les rétrofuturise ! On ne changera peut-être pas le monde, mais on peut le renverser par la pensée, et l’imaginaire. Quant à la littérature, de même, le steampunk est un fourre-tout. Mais d’abord, qu’est-ce qui empêcherait de mêler dans un même roman une intrigue policière et une aventure d’explorateur ? De l’horreur lovecraftienne et des romances décalées ? Tout le monde connaît ces genres séparément, leurs codes, leurs limites, désormais. L’époque appelle le mixeur ! C’est cela qui est génial avec le steampunk… on peut tout mêler ! Faire du papier mâché avec les étiquettes, et tout faire flamber. Le tout étant de le faire avec une certaine hmm… élégance ? Jetons le mot ! Pour moi, le steampunk, c’est une synthèse moqueuse, et pourtant diablement profonde, significative, voilà.