terriblius69 a écrit :Mais surtout, le papier, ça se recycle. Pq ne pas encore plus développer cette filière ?
La dernière fois que je me suis renseigné (en 2019, de mémoire) le coût écologique du recyclage du papier était largement défavorable à cause des produits chimiques nécessaires pour enlever l'encre. Ils sont nocifs et très polluants. C'est sans doute un secteur où on peut encore beaucoup innover. Je vais reposer la question.
Lire cet article qui s'intéresse à l'aspect énergétique de l'opération, mais il en existe d'autres.Pour en revenir au problème du prix du livre il est assez simple, le vrai prix unitaire d'un livre traduit tiré à 4000 exemplaires c'est environ 44 euros (en comptant tous les coûts, mais en n'intégrant aucune cession poche ou audiolivre). Si vous vous demandez pourquoi j'ai choisi un tirage à 4000 ex, vous aurez la réponse un peu plus loin. Je veux dire par là que vous le payez 25 euros chez votre libraire, mais si ce n'était pas un livre mais un gadget électronique vous le paierez 44 euros (l'industriel ne pourrait pas faire autrement). Le vrai prix d'un livre traduit tiré à 6000 exemplaire c'est 26, 27 voire 29 euros. Pour les livres non traduits on reste sur une gamme de prix de 18 à 23 euros selon les paginations même sur des tirages modestes à 3000 ex. Pour donner un repère (ta da!),
Les Maîtres enlumineurs le premier tirage c'est 4000 exemplaires +SP (donc un truc du genre 4344 ex). On vient de lancer notre troisième réimpression.
Il est très difficile aujourd'hui de commercialiser un livre à plus de 25 euros. L'exemple qui me vient à l'esprit est
Émissaires des morts d'Adam-Troy Castro, j'aurais dû le mettre à 44 euros si j'avais respecté les données de mon compte d'exploitation prévisionnel (c'est évidemment impossible), donc je l'ai mis à 26,90 après moults calculs de rentabilité / non-rentabilité. Ca a donné lieu un sacré bras de fer, car après un premier report il a été question d'abandonner le projet ; on était au beau milieu de la crise Covid. Résultat le prix a été jugé excessif par bon nombre de lecteurs. C'était un pari sur 5000 ventes environ (donc au moins une réimpression, par définition), et il est largement perdu. Par contre, il y a un effet "prix élevé" sur les ventes numériques, car elles représentent environ 30% des ventes totales du livre ce qui est un record ou presque.
Pour moi (et je ne sais pas ce qu'il en sera pour les autres), c'est clair que les projets difficiles à monter (grosses traductions) vont devenir de plus en plus difficile à monter et que le saucissonnage (
Anatèm,
Gnomon,
Mage de bataille, etc) n'est pas prêt de prendre fin dans mon économie. J'ai récemment laissé tombé un projet car le livre faisait 1,2 million de signes, c'est à dire la taille d'
American Elsewhere (784 pages) et que je ne pouvais le publier que si je le saucissonnais en deux tomes, ce qui n'avait aucun sens pour ce titre bien précis, à cause des choix narratifs de l'auteur. Dommage, le livre était formidable, j'attends de voir si quelqu'un prend le risque...
J'imagine que ça devenir compliqué pour les petites structures qui font de la traduction, car la rentabilité sur les petits tirages, déjà très basse, va encore baisser.
L'édition c'est quand même un paradoxe industriel, la production (en nombre de titres) croît sans cesse depuis vingt ans plus vite que le lectorat. Toujours plus de choix, c'est bien, on ne va pas s'en plaindre ; mais un tel écosystème favorise la distribution ce qui n'est pas sans risque dans le jeu des équilibres. Car plus la distribution est favorisée, plus les "gros" sont renforcés. Une des choses à observer attentivement, c'est la concentration, c'est à dire le rachat des boîtes indépendantes par les groupes. Dans nos domaine, 2022 va être une année-clé, me semble-t-il, car on a atteint un niveau de surproduction qui est tout simplement intenable (ou disons le autrement : par tenable par tous).
GD