DrenaïWith White Wolf being rumoured to contain the first published map of the Drenai world did you initially have a rough design for your world or just make it up as you went along? In addition to this is there any truth in the rumour and have you based it upon any fan’s map that’s available?
DG : I made it up as I went along. And yes, the map we are using for White Wolf was created by Dale Rippke, an American reader.
Je ne voulais pas détailler chaque roman car c’aurait été trop long mais j’aimerais passé quelque temps sur Drenaï qui constitue quand même 1/3 de sa bibliographie.
Drenaï est pour moi un des plus gros gaspillage de temps et de talent de l’histoire de la Fantasy. Quand on passe 11 romans dans le même univers, on pourrait s’attendre à ce que celui-ci soit un minimum étoffé mais non, il ne tient pas la route une seconde sur le plan géopolitique et ce pour une très bonne raison : Gemmell ne planifie rien et part d’un personnage pour écrire ses histoires.
Le monde de Drenaï s’est créé au hasard des inspirations du moment de l’auteur et n’a donc aucune cohérence interne. Quand il en a besoin, il rajoute des royaumes qu’il n’avait jamais mentionné auparavant, il n’y a pas de langues, pas d’histoire, presque pas de culture (sauf pour les peuples d’inspiration asiatique) dans ses histoires. Tout est tristement générique avec des royaumes qui se ressemblent tous et qui, chacun à leur tour, dominent les autres avant de s’écrouler.
Un constat illustre très bien ce point selon moi : il s’écoule des siècles entre Waylander I et Les Guerriers de l’hivers (on va laisser le tome 11 de côté quelques instants). Et durant tous ces siècles rien n’a changé. Oui périodiquement un royaume prend l’ascendant et conquiert ses voisins mais au bout de quelques années ceux-ci se révoltent et chacun rentre dans ses frontières. Aucun royaume n’est jamais détruit, la géopolitique est inamovible et à une ou deux rares exceptions près il n’est jamais fait référence à des éléments de l’histoire qui ne seraient pas déjà inclus dans un bouquin (et qui indiqueraient que Gemmell a réfléchi en amont à la chronologie de son univers).
Puis débarque le tome 11 qui se passe des siècles et des siècles après les Guerriers de l’hivers. Là, oui, la carte du monde a changé sauf que c’est parce qu’une reine maléfique a conquit pratiquement tout le monde connu, sauf que presque tous les personnages importants sont morts il y a 1000 ans et ressuscités et on ne note une nouvelle fois ni progrès technologiques ni changements culturels (hormis l’acceptation des Fusionnés et encore).
Œuvres plus historiques
(...)With Sword in the Storm, Gemmell’s writing has moved on to a more reflective panoramic sweep-of-history level examining the currents that move both individuals and nations forwards. ‘I’m not comfortable with this,’ he says. ‘But I tend to be wary of the word ‘comfortable’. (…)Depuis le début de ce bilan, je ne dis presque que du négatif or j’ai répété ici et là que je ne détestais pas Gemmell ou son œuvre et que j’aimais même beaucoup certains de ses livres. C’est que, même si sa prose est médiocre, Gemmell est capable, quand il y met un peu du sien, de créer des personnages extrêmement humains et attachants (Jaim Grymauch). Certaines scènes de Rigante, L’Écho du Grand Chant ou Le Masque de la mort sont extrêmement touchantes. Et, heureusement pour nous, Gemmell est, surtout vers la fin, de temps à autre sorti de sa zone de confort pour nous offrir des œuvres plus originales, moins manichéennes et, à mon sens plus réussie.
Rigante est un chef d’œuvre. Le dernier tome est peut-être en retrait (mais Gemmell a beaucoup de mal à finir ses histoires) mais, pour le reste, c’est brillant. Pourquoi ? Parce que, pour une fois, Gemmell nous montre la destinée (globalement malheureuse) d’un peuple sans y inclure (sauf à la toute fin) de combat contre le mal/pour sauver le monde. Ses héros ont du relief, des défauts, des objectifs, l’ennemi n’est pas maléfique mais a des objectifs très terre-à-terre lui aussi et les histoires comportent bien moins de clichés que d’habitude. Jetez un coup d’œil au tableau ci-dessus, les tomes de Rigante sont parmi ceux qui ont le moins de vert (Troie fait mieux mais, encore une fois, ce n’est pas de la Fantasy).
Le Lion de Macédoine aurait pu lui aussi prétendre à ce statut mais la deuxième partie gâche tout en faisant table rase du cadre complexe de la Grèce classique bien rendu dans la première pour y installer à la place ce stupide combat contre le Chaos. La première reste par contre excellente même si elle ne respecte pas toujours l’histoire (pauvre Epaminondas).
Et puis il y a le cas de Troie où Gemmell est passé à deux doigts d’écrire un autre chef d’œuvre mais qui est, pour moi, un beau gâchis pour deux raisons : 1° c’est un roman historique qui conchie l’histoire (et je ne parle pas seulement du respect de l’œuvre) et 2° la description de la guerre de Troie n’a aucun sens. Le tome 1 est par contre très bon.
Ce n’est pas un roman historique (absolument pas) mais comme c’est un des rares à qui j’ai mis 4 étoiles je l’indique ici aussi : L’Écho du Grand Chant est lui aussi très bon car Gemmell est sorti de sa zone de confort pour nous présenter la chute d’une civilisation certes brillante mais construite sur le sang des esclaves. Ses héros sont parmi les plus gris qu’il ait écrit (sauf le principal qui est un Bisounours) et l’ambiance qui se dégage de ce récit est géniale.
Chevalier blanc, cygne noir et Le Masque de la mortIf someone had asked me ten years ago what kind of writer I was going to be I would have said historical novelist.Même si cela ne correspond pas tout à fait, je n’ai pas trouvé mieux comme citation dans ses interviews puisqu’il ne parle que très rarement de Chevalier blanc, cygne noir (et jamais de Le Masque de la mort qui est paru après sa mort).
Une fois sorti du cadre manichéen de l’heroic fantasy, Gemmell devient nettement plus efficace. Son message reste le même mais est nettement plus audible dans le cadre de l’Angleterre des années 1960-80. Ses héros sont, pour le coup, plein de défauts et leur rédemption semble naturelle.
Ce sont des romans qui ne sont pas parfaits mais qui méritent le détour : c’est du Gemmell mais en différent et c’est franchement bon.
HéritageAs a heavy smoker with high blood pressure and an appetite for vodka and chocolate there may not be too many years left to discover the secrets of the twins.
Ce message tristement prophétique a été écrit par Gemmell en 2004 soit deux ans avant sa mort à l’âge de 57 ans. Il aurait pu avoir encore une longue carrière et écrire au moins autant de livres que ce qu’il avait déjà publié mais, non, son cœur en a décidé autrement.
Il est bien sûr périlleux d’imaginer quel aurait pu être la suite de la carrière de Gemmell mais je pense qu’on peut sans prendre trop de risque faire deux constats : 1° elle aurait été de plus en plus historique (la prochaine série devait être consacrée à Constantin) et 2° de moins en moins axée sur le combat du bien contre le mal. Je trouve pour ma part que le troisième tiers de sa bibliographie est le plus mature et le plus intéressant (ce qui n’a rien de surprenant du reste) et j’aurais probablement adoré la majorité de ses écrits.
Ce n’est cependant pas tant cet aspect-là qui m’intéresse que celui de l’héritage de Gemmell. 13 ans après sa mort que reste-t-il de lui ? S’il on s’en réfère au classement établi régulièrement par TheWertZone (
http://thewertzone.blogspot.com/2018/12/the-sff-all-time-sales-list-revised.html), Gemmell n’aurait vendu que quelques millions de livres. Ils admettent eux-mêmes que leurs chiffres manquent de précision (pour Gemmell) mais le constat est cependant implacable : hors du Royaume-Uni (et de France), Gemmell n’est un auteur qu’assez mineur en terme de ventes. C’est d’autant plus étonnant que, d’après moi, ses thèmes sont taillés pour le public américain mais il n’a jamais réussi à s’imposer là-bas. Alors que Martin approche des 100 millions de vente et que Goodkind a dépassé les 25 millions (…), Gemmell n’en est même pas à 5 avec pourtant plus de 30 livres écrits de son vivant.
Je vous avoue que je ne m’attendais pas à des chiffres aussi mauvais : je savais que Gemmell n’avait pas les scores de Martin ou Jordan (sans parler de Tolkien) mais je m’attendais à du 10-20 millions : même Guy Gavriel Kay en a vendu plus que lui ! ; à ce qu’il ait fait de belles ventes de son vivant mais que son œuvre ne lui ait guère survécu. La principale raison qui a fait que j’ai acheté (et donc lu) Gemmell en français et pas en anglais est qu’il n’existe pas d’éditions cohérentes de l’oeuvre de Gemmell. Certains romans ne sont même plus réédités alors que, de son côté, Bragelonne fait du très bon travail.
Cela change la structure de mon commentaire mais pas sa conclusion : Gemmell, malgré sa réputation (même si elle se limite à la France), n’a que peu inspiré. Très peu d’auteurs (à part Ian Graham, son héritier direct) le citent dans leurs inspirations et plus personne ne fait de la Fantasy comme lui en 2019.
Mon hypothèse est que Gemmell s’est retrouvé à écrire à la mauvaise période. Il détestait la High Fantgasy de Eddings et compagnie (alors que, ironiquement, son œuvre a pas mal d’aspect de High) et vouait un culte aux auteurs d’heroic fantasy de la grande époque mais la deuxième moitié de sa vie d’auteur correspond à l’essor du Grimdark et des 15 000 branches de la fantasy exotique qui font recette de nos jours. Je pense que, s’il avait pu continuer son évolution vers une Fantasy plus historique, plus mature et moins manichéenne, il aurait pu connaître un certain succès dans les années 2010 même si, certaines de ses déclarations très chrétiennes (et politiques) auraient sans doute hérissé la twittosphère. Malheureusement pour ses fans, Gemmell a vécu et est mort à la mauvaise époque.
ConclusionIl y a des tas de choses dont je n’ai pas parlé ou pas en détail : la magie, le fait que tous les livres (sauf Troie) fassent partie du même univers, certaines de ses obsessions (pour les combats de MMA par exemple), le fait que la majorité de ses histoires ait une allure med-fan classique mais avec des systèmes politiques plutôt antiques (pas de féodalité, rarement de vrais chevaliers) mais ce bilan fait déjà 13 pages…
Je serai donc bref : pour moi Gemmell est, malgré une prose perfectible, un très bon conteur capable de créer des personnages extrêmement humain (rarement mais il en était capable) mais qui aura gâché son talent durant la majeure partie de sa carrière à cause de quelques petites choses. La mission qu’il s’est donné (édifier la jeunesse sur le combat contre la mal) gâche régulièrement de bonnes histoires et sa volonté d’écrire au moins un livre par an (si possible 2) et de ne pas prendre de note fait que plusieurs de ses œuvres semblent bâclées ou manquent de cohérence.
Quelqu’un capable d’écrire Rigante ne peut cependant que mériter mon respect le plus profond, il est juste dommage qu’il ait attendu plus de 10 ans avant de se mettre à écrire de la Fantasy un peu plus mature et réaliste dans son approche du monde. Il est mort à un moment charnière de sa carrière et je pense que la suite de sa production aurait été vraiment intéressante. Même Troie que je n’ai pas aimé pour d’autres raisons est une très belle évolution par rapport à ses œuvres de début de carrière.