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Merci pour vos réponses complètes ! :)Je n'avais pas vu les choses sous cet angle, mais je comprends bien vos points de vue. On pourrait donc résumer vos idées en disant qu'un auteur qui maîtrise son univers, c'est un auteur qui : ne laisse pas d'incohérences, ne montrent pas les "ficelles de l'histoire" et qui fait oublier aux lecteurs son propre monde jusqu'à l'amener à vivre le roman comme si c'était son histoire/l'amène à s'identifier au personnage ?Je ne pensais pas qu'il se cachait autant d'idées derrière la "maîtrise d'un univers" ! ^^
« Le Seigneur Ogion est un grand mage. Il te fait beaucoup d’honneur en te formant. Mais demande-toi, mon enfant, si tout ce qu’il t’a enseigné ne se résume pas finalement à écouter ton cœur. » - Tehanu, Ursula K Le Guin

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Le world-building, c'est important, mais il ne faut pas montrer ses recettes.Un bon roman de fantasy a souvent un univers riche et plein de possibilités, sans que l'auteur ait besoin de nous prendre par la main pour nous le faire découvrir. Sinon, on passe vite du statut d'acteur de l'histoire à celui de spectateur.Pas besoin de décrire tous les dieux du panthéon si certains personnages jurent par eux ou prient à leur autel. Pas besoin de préciser la population d'une ville et son degré de décrépitude si un personnage peut s'extasier devant sa taille et trébucher dans un caniveau. Pas besoin de décrire l'héraldique de toutes les maisons nobles si elles peuvent arriver par petites touches dans le récit.Et surtout, par pitié, évitez l'artifice du barde qui va raconter tous les éléments d'exposition, ça a été tellement usé jusqu'à la corde que ça provoque un gag reflex direct :o"Avez-vous déjà entendu le Dit de la Bataille des Quatre Empereurs ? Approchez et écoutez-moi, car je vais vous la conter ce soir".Beuh :D

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Le barde ou le vieux sage qui surgit toujours au bon moment pour éclaircir la voie des protagonistes, c'est vrai que c'est un outil qui devient comique malgré lui ! ^^Je suis d'accord sur cet aspect world-building. Construire son monde pour mieux le comprendre, c'est bien, mais tout donner aux lecteurs pour le mettre en avant, ça finit par les noyer sous le tas d'informations. Il faut savoir doser !
« Le Seigneur Ogion est un grand mage. Il te fait beaucoup d’honneur en te formant. Mais demande-toi, mon enfant, si tout ce qu’il t’a enseigné ne se résume pas finalement à écouter ton cœur. » - Tehanu, Ursula K Le Guin

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Intéressante question que celle-ci ! Je le comprends comme mes VDD. C'est à dire que pour moi un auteur ne maîtrise pas son univers à partir du moment où une incohérence me fait sortir du récit. MAIS je vois une grosse différence entre un auteur qui ne maîtrise pas son univers et un autre qui ne maîtrise pas son récit.Un auteur qui ne maîtrise pas son univers, par exemple, fait disparaître des personnages sans raison, apparaître des personnages inutiles, crée des lois et des contre-lois contradictoires que le héros finit par outrepasser sans réelle logique outre que "le héros est le plus fort". Souvent, ils vont trop dans le descriptif compliqué. "Alors la magie ne se pratique qu'en utilisant des formules en ancien langage, en accentuant sur la première syllabe sauf pour les gaucher qui doivent accentuer la deuxième, mais on l'ignorait alors, le héros est ambidextre donc il n'a pas besoin de l'ancien langage... " etc, etc. C'est la porte ouverte à des oublis, des mauvaises compréhension et souvent, des erreurs et des contradictions. Alors que si deux mec lancent une formule en ancien langage, on aura compris le principe quasi instinctivement. Un autre qui ne maîtrise pas son récit, lui, sortira plutôt de mauvais dialogues, des personnages changeant de personnalité selon les besoins de l'histoire, etc... Un des exemples les plus frappants vient de Terry Goodkind dont les personnages s'adressent l'un à l'autre en longs monologues de parfois plusieurs pages pour convaincre de leur idéologie capitaliste ou communiste. Son héros principal, Richard, prône la valeur de la vie et de la débrouillardise, montre du doigt les tyrans... Et prend le pouvoir par la force de l'armée, instaure une dictature sur tout un continent et tue sans scrupules toute personne qui s'oppose à lui et croit en d'autres idéaux. En soit, le monde est assez cohérent (bien que peu original) mais je sors tout autant de l'histoire. Pour en revenir au débat principal, je pense qu'un world building important est important pour ne pas tomber dans les pièges des incohérences, mais surtout pour se rassurer. Je me rend compte quand je me mets à écrire que si je n'ai pas effectué un travail fort important à l'avance, j'ai envie de placer et expliciter toutes mes idées de peur de les perdre, de peur qu'elles soient mal comprises. Si je les ai posées, analysées, placées avec soin dans le monde et que tout "s'emboîte bien", je peux plus facilement les distiller avec subtilité.

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Temliw a écrit :"Alors la magie ne se pratique qu'en utilisant des formules en ancien langage, en accentuant sur la première syllabe sauf pour les gaucher qui doivent accentuer la deuxième, mais on l'ignorait alors, le héros est ambidextre donc il n'a pas besoin de l'ancien langage... " .
Tu m'as tuée XDPour moi aussi, un bon world-building est un world-building qui ne se montre pas. Je n'ai aucun problème si l'auteur s'amuse à créer son monde de A à Z depuis la formation de la Terre jusqu'au début de l'histoire, du moment qu'il ne le met pas dans son roman. A titre personnel, j'ai horreur des romans qui digressent toutes les deux minutes juste pour le plaisir de me montrer à quel point l'univers est riche et construit. Si j'ai envie d'en savoir plus sur le monde, j'aimerai autant qu'il sorte un livre à part pour m'expliquer tout ça.

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Mais c'est ça justement le piège, c'est que (hormis certains auteurs qui ont un talent de fou) pour ne pas vouloir absolument placer toutes ses idées de peur de paraître vide, il faut avoir créé un monde bien rempli qui ne sera utiliser que quand c'est vraiment utile. C'est un des trucs qui m'ennuient le plus dans l'heroic fantasy : pratiquement chaque fois qu'un héro arrive à un nouvel endroit on a trois info très rapidement : L'apparence et le style vestimentaire des habitants qui saute aux yeux en premier, ensuite l'éventuelle religion ou croyance du peuple, et enfin le système de gouvernance (roi, prince, empereur, oligarchie...). Ca ne manque quasi jamais. Notamment chez Jordan et Sanderson (que j'adore tous les deux, vraiment, mais d'une manière ou d'une autre, avec plus ou moins de subtilité, ce triptyque revient à chaque découverte)C'est ça que j'aimerais voir évité plus souvent. Que ces mêmes infos apparaîssent d'elle même si elles sont importantes à l'intrigue, mais qu'elles soient moins "dites".

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Temliw a écrit :C'est un des trucs qui m'ennuient le plus dans l'heroic fantasy : pratiquement chaque fois qu'un héro arrive à un nouvel endroit on a trois info très rapidement : L'apparence et le style vestimentaire des habitants qui saute aux yeux en premier, ensuite l'éventuelle religion ou croyance du peuple, et enfin le système de gouvernance (roi, prince, empereur, oligarchie...). Ca ne manque quasi jamais. Notamment chez Jordan et Sanderson (que j'adore tous les deux, vraiment, mais d'une manière ou d'une autre, avec plus ou moins de subtilité, ce triptyque revient à chaque découverte).
Ahah c'est vrai :)Alors qu'un être humain qui débarque dans un nouvel endroit évalue consciemment ou non des choses plus triviales comme la salubrité, la délinquance, le langage des gens, le niveau de vie....Dans certains bouquin c'est très bien rendu. Encore mieux si la perception est rendu d'un point de vue d'un habitant. Et non pas d'un touriste virtuel.Quand tu arrives dans une ville et que tu es le guerrier/assassin/sorcier/voleur, je pense aussi que tu t'intéresses plus au fait de n'avoir jamais croisé un garde en 2 heures de marche que le fait que les femmes ont TOUTES des jupes vertes et trois nattes.

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Benedick a écrit :Quand tu arrives dans une ville et que tu es le guerrier/assassin/sorcier/voleur, je pense aussi que tu t'intéresses plus au fait de n'avoir jamais croisé un garde en 2 heures de marche que le fait que les femmes ont TOUTES des jupes vertes et trois nattes.
Ca dépend, tu vas peut-être t'inquiéter parce qu'en étant le seul à pas être habillé comme tout le monde, tu vas te faire remarquer. Pas pratique si tu es un assassin ou un voleur :DSérieusement, ça donne lieu à des trucs très bizarres des fois, surtout quand les personnages se mettent à reconnaître de quel peuple sont leurs interlocuteurs rien qu'en se basant sur leurs caractéristiques."Ah, tu as trois nattes et une jupe verte, tu viens donc de Clone Village!""Euh, non, j'e trouve juste que cette coiffure est pratique, et cette jupe traînait dans mes placards depuis un moment..."

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Apres il ne faut pas tomber dans l'excès inverse, si on tombe sur un mec en bure avec une tonsure il y a quand même 99% de chances que ce soit un moine. De même un homme à la peau noire vient probablement d'Afrique et un homme aux yeux bridés d'extrême orient. Il y a toujours des exceptions, mais oui l'apparence d'un homme nous en dit beaucoup sur lui. Je pense juste que décrire à quoi ressemble l'archétype de population de chaque lieu traversé avec les habits, coiffures et mode de pensées traditionnels est une pratique fort rébarbative

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Ouais je sais, mais une bure et une tonsure, c'est quand même un truc très précis. Mais des fois c'est très vague. Ca m'est déjà arrivé de lire des romans où on se basait sur la couleur des cheveux ou des yeux pour déterminer de quel peuple venait quelqu'un, et même si des fois ça peut se comprendre, je trouve que c'est un peu léger. C'est comme si tu croisais une blonde aux yeux bleus et qu'immédiatement tu en conclues qu'elle vient des pays nordiques, ou qu'un noir s'y connaît forcément en culture africaine. Après, j'ai peut-être un regard trop moderne sur des histoires qui se passent à des époques où le métissage est moins courant, mais ça me paraît être un peu gros quand même.Après, je sais bien qu'il y a toujours des caractéristiques physiques/coiffures/vêtements/accents qui peuvent donner des indices sur l'endroit d'où on vient. Mais des fois, je trouve qu'à force d'insister dessus, ça ne devient plus très crédible.

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Après, en dehors de ça, c'est une réflexion qui a longtemps été poussée que certains traits physique viennent d'une peuplade en particulier. Ainsi on peut distinguer les noirs d'Afrique du sud de ceux du Congo, les huttis des tutsis, les chinois des japonais et des vietnamiens, les mongols de ceux-ci... Chez nous il y a beaucoup plus de roux en Irlande, de cheveux blonds au nord, pratiquement tous les italiens et "sudistes" ont des cheveux noirs... Même si ça a quelque chose de réducteur, ça peut être "facilitateur". Regarde Game of thrones : on reconnait immédiatement un Stark, un Lannister, un Tully ou un Targaryen par la couleur des cheveux et des yeux. C'est à moins grande échelle (familiale) mais ça ne m'a jamais dérangé pour autant. Une fois de plus c'est la subtilité de l'auteur qui prime :-)

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Comme tout, je pense que c'est une histoire de dosage. À trop mettre de détails, on perd ce qui est le plus important : l'histoire et ses personnages. Un monde quel qu'il soit doit être au service de l'histoire, même s'il y a une grande place aussi. Toutes ces descriptions sur les peuples peuvent passer si on va à l'essentiel et que dans la scène présentant un nouveau lieu, ça ne prend que deux lignes et seulement si ça doit réellement sauter aux yeux (si les gens sont tous différents, il faut passer à autre chose, parce le détail ralentira le roman). Pour me présenter un nouveau peuple, je préfère bien plus qu'on me parle de leur culture plutôt que de leur tendance vestimentaire. Connaître le caractère de groupe (pacifique ou plutôt guerrier, croyant, ouvert aux étrangers ou encore s'entraidant les uns les autres ou bien vivant chacun de leur côté) peut aussi donner une idée de l'endroit dans lequel les personnages sont tombés. Ce n'est pas parce que tous les gens sont vêtus de noir qu'il faut y voir un certain danger ! ;)
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Tout à fait d'accord avec toi :) Mais même les croyance, leur caractère belliqueux ou non, leur culture... Pour moi doit se découvrir par l'histoire. Un celte va jurer par ses dieux, et peut etre triturer dans sa moustache quand il réfléchit. Un autre homme va parler à sa lame et l'embrasser avant d'aller se battre. Pas besoin de dire que la plupart des celtes sont moustachus et qu'ils vénèrent Cernunnos, Toutatis et toutiquanti. On le comprends très vite sans expliquer.

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Après on en vient plus à la technique d'écriture utilisée, entre appliquer le Show don't tell ou bien décrire simplement. Les deux se valent, à mon avis, tout dépend de la situation, mais pour une présentation de peuple, je pense aussi qu'il vaut mieux montrer la culture en action que la décrire dans tout un paragraphe ! :)
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Disons que dans un débat sur le worldbuilding, la question à sa place :p Parce qu'il me semble qu'un world building important et bien ficelé est encore sublimé par le "show, don't tell"

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Temliw a écrit :Même si ça a quelque chose de réducteur, ça peut être "facilitateur". Regarde Game of thrones : on reconnait immédiatement un Stark, un Lannister, un Tully ou un Targaryen par la couleur des cheveux et des yeux. C'est à moins grande échelle (familiale) mais ça ne m'a jamais dérangé pour autant. Une fois de plus c'est la subtilité de l'auteur qui prime :-)
Exemple intéressant, parce que justement, il faut un certain temps à pas mal de gens pour voir qui a les cheveux de sa "famille", ce qui nous renseigne sur l'esprit de déduction moyen, on peut sûrement leur faire avaler de grosses couleuvres à Westeros. :)