Merci à tous pour vos retours et vos discussions

Pour rebondir sur les messages de Tybalt et Navym, quelques mot sur la notion de milieu littéraire, et la manière dont il influence les romans qui s'écrivent.
Cela dépasse la notion de mode éditoriale en fait, il s'agit d'un ensemble de processus plus complexes. J'ai découvert ça grâce aux cours de Jean-Yves Tadié à la Sorbonne ( très grand critique, très grand professeur, très exigeant, hyper cultivé). Depuis que je suis passé du côté écriture, je l'expérimente au quotidien.
Quand un milieu littéraire, par tous ses réseaux de communication ( prix, publications critiques, médias, etc...) met en avant certaines littératures, celles-ci vont être plus reconnues, puis plus connues. Elles vont mieux se vendre, les éditeurs qui les publient vont avoir plus de place pour se développer, puis plus d'espace dans les rayonnages, plus de lecteurs vont les connaître. Ces éditeurs vont avoir plus de marge de manœuvre pour publier de nouveaux auteurs, dans leur ligne éditoriale. D'autres éditeurs vont aussi se créer dans des lignes assez proches, pas forcément parce qu'ils flairent la bonne affaire, parfois aussi parce qu'ils ont comme référence, comme inspiration, ces éditeurs anciens désormais installés. Les auteurs désormais bien connus de ces littératures vont inspirer de jeunes auteurs, qui à leur tour vont développer les mêmes genres. Les auteurs qui s'inscrivent dans ces littératures auront aussi plus de retours de lecteurs sur leurs textes, plus de plateformes médiatiques où développer leurs réflexions, ce qui les aidera à aller plus loin dans leur écriture... Ils seront davantage encouragés, entourés. Certains gagneront assez d'argent pour se dégager plus de temps pour écrire, augmentant ainsi le nombre de leurs publications et/ou le travail fourni sur leurs livres...
Bref, on a un cercle vertueux qui se met en place.
A l'inverse, une littérature oubliée par les médias, les critiques... verra son champ d'action se restreindre jusqu'à disparaître presque complètement du paysage. C'est ce qui est arrivé par exemple à la littérature d'horreur française, qui est quasiment exclue des grands réseaux littéraires aujourd'hui.
Or les jeunes auteurs qui commencent à écrire se tournent plus naturellement vers des genres qu'ils connaissent, qu'ils voient exister autour d'eux, simplement parce que ce sont souvent, pour beaucoup, nos lectures qui nous forgent, qui nous façonnent en tant qu'écrivains. Certains jeunes auteurs penseront même que tel ou tel genre ne peut pas exister, ne peut pas s'écrire en France.
Pour les auteurs qui s'y collent malgré tout, il est beaucoup plus difficile de tenir sur le moyen terme, le long terme ( c'est toujours difficile de tenir un parcours d'auteur sur le long terme, ça l'est encore plus dans les cultures de niche) (et ça n'a rien à voir avec la qualité des livres,c'est juste qu'écrire des romans demande un investissement certain, donc si on a peu de répondant en face on s'épuise plus vite).
Certains jeunes auteurs n'imagineront même pas envoyer leur manuscrit à des éditeurs, parce qu'ils ne penseront pas que le publier est possible.
Au final, oui, certains livres n'existeront pas.
On peut perdre une part non négligeable de diversité en littérature, si on ne fait pas attention.
Et les éditeurs ne représentent qu'une partie de ce processus, même s'ils ont bien évidemment un rôle à jouer.
Un éditeur courageux, passionné, qui sort des sentiers battus et défend bec et ongles ses livres peut contribuer à faire bouger les choses, et c'est tant mieux

( mais il ne peut pas tout...)