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Gachiakuta - Kei Urana

Posté : ven. 21 févr. 2025 21:02
par Benedick
« - Salut ! T’as pas l’air d’aller bien mon grand… T’as 15 ans, tu devrais être plein de fougue et d'envie de découvrir de nouvelles choses ! Être blasé, c’est pour les vieux de 30 ans »
« - Quoi ? Les discussions sur internet sont trop décevantes ? Tu parles des trucs sur l’IA, la Romantasy ou le gouvernement Français ? »
« - Non ? C’est un truc plus sérieux. Vas-y, dis. »
« - C’est les discussions sur les mangas, ou plutôt les Shonen ? C’est quoi qui te triste ? Cela parle toujours des 3 mêmes trucs à la mode pour faire des vues. Et dès que cela prétend creuser le sujet c’est juste pour dire des conneries sur les sempiternels codes du shonen ?! »
« - Bah, c’est pas grave, cela a toujours existé la polarisation : 10-20 titres font 50% des ventes. Et les trucs pompeux sur les codes, c’est l’hypercorrection de la petite bourgeoisie culturelle qui essaie d’hiérarchiser la culture populaire pour les prolos comme toi et moi. Quoi ? T’en as rien à branler de l’économie du livre et de la sociologie Bourdieusienne ? T’as pas tort. Mais je te trouve un peu dur sur les ressources internet et les mangas. En vrai, on a plein de chroniques sur tous les tomes 1 qui sortent. Et c’est peut-être une des causes de ta frustration d’ailleurs. Parce qu’il y a que dalle sur les titres qui ont juste 2-3 ans d’existence et qui proposent une douzaine de tomes.
« Mais t’inquiète, le vieux Benedick va rétablir un peu l’équilibre en te parlant de Gachiakuta.»


Après 11 tomes parus, il est clair que Kei Urana ne fait pas reposer son manga sur son gimmick surnaturel des objets qui acquièrent une vitalité magique par leur usage. Parfaitement intégrée à un univers construit sur une problématique environnementale, cette magie n’est pas un catalogue de super-pouvoirs pour affrontements entre personnages fonctions. Même des mangas « cultes » comme Jojo tombent dans ce travers. Il y a des confrontations dans Gachiakuta, mais les combats sont intégrés au métier plus ou moins dangereux des « récupérateurs » que découvre notre héros. Et même si ce dernier préfère, dès les premiers tomes, s’intégrer à son nouveau rôle social plutôt que de s’enfoncer dans une quête de vengeance stérile, il est suffisamment spécial pour attirer les convoitises.
Sans être au cœur de chaque évènement, l’intrigue autour des raisons de sa condamnation initiale arrive assez vite. Sachant que l’apprentissage du protagoniste se fait sur le terrain, on évite les sempiternelles successions mécaniques : affrontement vénère - tranche de vie feel-good – entrainement fitness and fun . Ici, on a à faire à quelque chose de plus ou moins organique, avec notamment des voyages dans des villes qui ont acquis une identité culturelle (la ville des graffitis par exemple).

Tout cela jusqu’à l’arrivée de l’antagoniste principal, bien évidemment chef d’un groupe d’opposant à mettre en face du héros et de ses collègues. Bon point pour Gachiakuta pour ce lieu commun des shonen : le méchant arrive rapidement pour gérer le héros en essayant de la convertir à sa cause, il est vraiment intelligent et charismatique et ses sbires ont une réelle persistance dans l’histoire. Nommés les « Vandales », ils font penser à la « brigade fantôme » de Hunter X Hunter et ont suffisamment de consistance pour être un contre-point aux récupérateurs.

Alors, depuis le début de cette chronique fantôme je dresse un portrait flatteur de l’écriture "shonenesque" de Gachiakuta, car il évite le recours à la formule quasi-scolaire des mangas jeunesse: les examen, les hiérarchies, les tournois, les niveaux de puissance, le système de magie, les personnages qui parlent comme wikipedia. Mais pour être honnête, ce qui fait qu’il y a 11 tomes de Gachiakuta dans ma bibliothèque, c’est la qualité graphique. Déjà, il y a une réelle identité dans le design des personnages que ce soit leur physique et leur vêtement. Le tout intégré à des environnements urbains d’un monde adapté à des pluies d’ordures et des monstres magiques nées des décharges sauvages. La version 2.0 de la fantasy urbaine Japonaise qu’on consomme depuis 25 ans. Bon, c’est pas Dorohedoro mais c’est au-dessus du reste des derniers shonen du jump. Pour trouver une similarité dans le trait, il faut aller chercher l’ancien mentor de Kei Urana : Atsushi Ohkubo (Soul Eater, Fire Force). Mais, Kei Urana est plus talentueuse car son trait est plus riche, plus varié et plus lisible dans les moments où il faut créer du volume et du dynamisme.
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Alors, oui, les faciès sont marqués, personne n’est « japon-mignon », mais tout le monde a une vraie gueule avec des looks « moitié prolo » pour les vêtements et « moitié-artistes de rue » pour les tatouages et les piercings. En plus, il y a une réelle diversité d’âge et de corps dans les divers groupes. Mais c’est raccord avec le monde d’en bas qui est construit avec melting-plot d’humains. De toutes manières, rien que les couvertures posent le style de la mangaka.


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Et l’aspect jeunesse dans tout cela ? L’écriture avec « un gentil héros » qui doit évoluer dans un nouvel environnement, quel que soit la sophistication dans les codes classiques, ce n’est pas irrémédiablement ringard ou banal à une époque où il faut être cynique, en "déconstruction" ou en dépression pour être dans l’originalité tolérée par l’air du temps ?

Alors, on peut toujours avoir un regard condescendant sur les mangas jeunesse mais ici on est dans une œuvre qui n’a pas un discours complaisant et niais sur les efforts à fournir et le rapport à l’autre. En gros, c’est plus la compréhension et l’acceptation des situations qui amène une solution plutôt que le pouvoir de l’amitié ou d’un travail acharné préalable. Le héros s'adapte laborieusement à l'univers et ce dernier ne tourne pas autour de lui.

Ni complaisance, ni cynisme.


« Bon, alors, tu testes ? Je t'es évité des divulgations pour garder deux-trois surprises à la lecture. Tu peux même prendre les versions collecteurs des Tomes 4 et 7 car il y a des One-Shot de jeunesse de la mangaka. »
« - Quoi ? »
« - S’il y a une adaptation animée de prévue ? C’est pour un copain ? »
« -T’as les plus belles planches noires et blanc à voir sur papier et tu préfères … Ok, ok, t’as une première saison qui arrive cette année… Quoi, encore ? Tu veux que je te parle de Glouton & Dragon parce que le Tome 14 final est arrivé cette année. Attends, tu vois pas que le post est énorme, on va se faire virer du forum et puis tu sais Glou...... ».