AmbianceFinalement ce sont les programmations locales qui ont décidé de mon premier visionnage « ciné » du Hobbit, à la séance de minuit 15 en VF - 24 im/s, curieux notamment de voir quels spectateurs accompliraient ce déplacement-là en milieu de semaine dans une ville de province.J’y ai vu une audience composée en majorité d’étudiants, pas si nombreux que cela, et surtout plus attentifs que turbulents, en raison sans doute des nombreux débats sur la réalisation du film qui ont précédé la diffusion.Autrement dit, une génération déjà très sensiblement différente de celle qui avait assisté aux premières de la trilogie du SDA, laquelle paraît avoir privilégié la prudence à la fièvre qu’avait suscité en particulier l’attente du Retour du Roi.J’essaierai aussi d’examiner ici si des facteurs distractifs, notamment techniques, peuvent perturber les perceptions des spectateurs au point de les priver d’indulgence à l’égard des fragilités intrinsèques à la trame narrative originale du Hobbit de Tolkien et son statut de prequel-qui-s’ignorait. A bien des égards, le défi pour P Jackson et son équipe était considérable, farci de pièges comme le sort du vaisseau de King Kong à la rencontre de Skull Island : « Rocks ! Rocks Everywhere ! »Aspects techniquesLa principale force du film me paraît être son évidence somptueuse, au moins équivalente à ce dont avait pu bénéficier la précédente trilogie.On ne peut que saluer les pas de géant réalisés par la technologie : elles relèguent les prouesses pourtant considérables du SDA, qui devra désormais s’habituer, comme les autres, à être regardé sous ce prisme-là.L’atout le plus flagrant, bien que rarement évoqué jusqu’ici, est la façon dont P Jackson a exploité l’extraordinaire définition des frames (4 ou 5 Mo), qui du début à la fin du film immensifie l’écran de cinéma et lance au spectateur le défi époustouflant d’explorations ultérieures de cet univers visuel.Ce paramètre a d’ailleurs sûrement convaincu P Jackson de mettre en première ligne, plutôt que le trou de Hobbit, Un Erebor incommensurablement plus magnifique que ce qu’avait dessiné Tolkien. Cette trilogie, et c’est vital pour elle, ne fait pas pâle figure face à des concurrences qui misent beaucoup sur la grandiosité, enjeu auquel l’écrivain était évidemment étranger quand il écrivit Bilbo.Le second atout est la maîtrise CGI des personnages, en motion-capture ou par d’autres procédés. La première trilogie avait fasciné en inaugurant des scènes de foules galopantes où chacun des micro-protagonistes bataillait, sous le logiciel ‘Massive’, avec son environnement immédiat dans des face-à-face de combat. Ici des scènes immenses sont parsemées de personnages individualisés qui relèvent avec succès le défi de la très haute définition.Il en va de même pour l’animation des visages (côté affreux évidemment). Là où Gollum avait été seul en scène (avec le troll de la Moria), une foule de protagonistes animent leur trogne en direct, les trolls ouvrant un bal qui s’épanouit chez l’hainocratie speedeuse des gobelins.Le paradoxe est que certains critiques déprécient les CGI du Hobbit en vertu d’a-priori favorables au ‘naturel’ des acteurs, sans réaliser que les personnages re-manufacturés par P Jackson SONT des acteurs dont précisément les CGI permettent de traduire le jeu scénique, là où jusque-là le maquillage figait les faciès. Ainsi c’est grâce à eux que le Grand Gobelin nous gratifie d’un étalage de lubricité putride qui lui ballote jusque dans les bajoues, et que le Gollum de Serkis, au sommet de sa gestuelle de la tête aux pieds, se met en situation de se voir décerner le titre de classique académique du figure-capture, son relatif handicap de n’être pas un personnage neuf étant surmonté par la gloire de son précédent avatar.Si j’aborde seulement maintenant la question de la 3D (mais pas encore celle du 48 images/s), c’est qu’elle est indissociable de la haute définition de l’image et de la qualité des CGI, indispensables pour faciliter les efforts d’ajustement de l’oeil. Pour avoir vu le film en 24 images/seconde, donc dans des conditions de visualisation non optimales, je peux témoigner qu’en dehors d’une poignée de scènes (les batailles filmées de près), le relief dans Le Hobbit s’est montré performant et confortable au sens où je le préfère, c’est-à-dire contemplatif plutôt qu’agressif. Le cerveau humain tend à reconstituer la taille de la scène projetée devant lui au ‘format’ qui correspond à sa logique la plus familière. Or de ce point de vue-là des prouesses me paraissent avoir été réalisées dans plusieurs directions : par exemple, à Bag End, l’épaisseur athlétique des nains impressionne, et Gandalf est le géant, parce que le réalisateur a privilégié une vision ‘à hauteur de hobbit’. Sur d’autres plans larges, y compris en pleine nature, c’est leur petitesse qui frappe l’esprit. Nous sommes donc bien au-delà d’une simple maîtrise ‘correcte’ du 3D, et c’est le genre de prouesse qui attire et fascine.S’il n’y avait eu que des scènes contemplatives, la combinaison Haute définition+Qualité des CGI+ Cadrages et Eclairages aurait sans doute permis de faire l’économie de la projection à 48 im/s. Toutefois le film ne pouvait faire l’impasse sur les scènes de bataille, pour lesquelles le cinéma d’aventure en général, et pas seulement le Hobbit, est vulnérable à l’ennui, à la sensation de bas-de-gamme, ou à l’appesantissement complaisant.Manifestement conscient de cet écueil, le Hobbit s’est attaché à le domestiquer sans abuser des scènes gore, conclues en un éclair (les décapitations) ou bien filmées de loin (gollum). Pour autant, il ne s’agissait pas de faire l’impasse sur les combats de près impliquant des créatures, y compris si le problème de la 3D se pose en pareil cas : en 24 im/s, si brèves et maîtrisées soient-elles, ces scènes représentent un fardeau pour le spectateur : J’attends donc de revoir le film en 48 im/s pour témoigner si le problème a été rectifié par ce rythmage. Pour l’instant, je me contente d’émettre l’hypothèse que ce sera le cas, puisque l’ajout de plusieurs de ces scènes a été maintenu par P Jackson, et de sonder l’opinion de ceux qui auront lu mon commentaire avant de se rendre à une séance en 48 im/s.A priori, je trouve peu crédibles les commentaires qui imputent au 48 im/s un « effet Benny Hill » ou des décors ‘en toc’. J’imagine qu’ils maltraitent la réalité objective , car le 48 im/s n’a rien à voir avec la visualisation des décors, et tous les décors que j’ai vu en 24 im/s sont irréprochablement superbes ; j’aurai donc plutôt tendance à supposer que certaines projections ont été victimes d’écrans mal polarisés, de projecteurs mal synchronisés, de vitesses de projection mal ajustées, d’autant que la HD + 48 im/s met à coup sûr les matériels à l’épreuve, vu que dans ma salle, 24 im/s seulement ont suffi pour qu’à plusieurs reprises l’image et le son se figent durant quelques fractions de seconde.
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Un "camarade" absent pour le moment m'a transmis sa critique...