Laurent a posé des questions intéressantes, voici mon humble avis (désolé, c'est un peu long) :
Pour revenir à Locke, est-ce que le fait qu'un roman soit chargé jusqu'à la gueule de clichés est une qualité ou un défaut ?
Ni l'un, ni l'autre, ce qui est important n'est pas le cliché, mais la façon dont on l'utilise. Un livre peut être très original mais avec un style catastrophique ou un copier-coller d'un cliché mais avec une excellente mise en scène.J'ai récemment vu une pièce de théâtre de Molière avec une mise en scène se passant de nos jours. Le texte était le même, mais l'ensemble était très frais et très bon.Pour Locke Lamora, c'est pareil, j'ai l'impression de voir un Opéra vénitien, mais avec une mise en scène très moderne.Le style est fluide et très bon. L'utilisation des flashbacks dans un chapitre sur deux permet de garder le bon rythme.Donc sur le fond, cliché ou pas, aucune importante, c'est la forme qui compte et donc la façon qu'a Scott Lynch de l'utiliser pour donner une ambiance Renaissance vénitienne.
Est-ce qu'on se moque, ou pas, du fait qu'une intrigue soit vraisemblable ?
Pour moi, oui mais il faut qu'il y ait une cohérence dans l'univers de l'auteur. Ce qui est important dans ce livre, c'est le panache. Un peu à l'image du jeu de rôle "Les Secrets de la septième mer".Dans le genre : "il saute sur la corde, tombe et se rattrape par le petit-doigt avant de faire un triple salto". Ok, je caricature mais c'est l'esprit du panache.Si l'auteur cherche à tout prix à rationaliser son monde et qu'il se plante, là c'est pour moi un vrai problème. Dans le cas Locke Lamora, on sait d’emblée qu'on va trouver un gentilhomme cambrioleur.Comment le sait-on ? Par le style justement. C'est pour ça, à mon avis, que ce roman a eu autant de succès.
Qu'est-ce qui fait que des lecteurs aiment bien lire les aventures de Locke Lamora alors que ça ne tient pas du tout debout ?
Eh bien en fantasy, rien ne tient debout !C'est comme un tour de magie, ça dépend comment tu le regardes et la distance à laquelle tu te tiens.J'aime les aventures de Locke comme j'aime les comics de superhéros, les mangas de ninja, les combats aux sabres laser, les intrigues politiques fantasy ou les prophéties contrariées.Bref, c'est une question de gout personnel. Dans le cas de Locke, j'aime la renaissance italienne, le coté "casse du siècle" alchimique, le gamin des rues qui fomente son plan et sa vengeance, la forte amitié entre deux compères, les déguisements, les trahisons, les revirements de situation etc ...Cela me rappelle les films de capes et d'épées avec un soupçon de magie et de voleurs sans capuche.
En quoi est-ce intéressant que ce bouquin fasse 500 pages ?
Quand c'est 500 pages bien écrites qui m'emporte dans un monde imaginaire, c'est plutot bien.J'aime quand les détails sont approfondis et servent l’histoire, c'est ce que j'ai ressenti en lisant Locke Lamora
Est-ce que l'immersion est plus profonde ?
Pour moi, oui
Est-ce qu'on développe plus de choses sur le cadre, les personnages ?
Ben oui, plus en 500 pages qu'en 200 ...
Qu'est-ce que ce cadre nous raconte, sur nos attentes, sur le monde tel que le perçoit Scott Lynch, sur notre monde ?
Sur notre monde, je n'attends rien, sur celui de Locke Lamora, une histoire de revanche sur la vie.
Qu'est-ce que The Lies... apporte d'original ?
Ce que j'ai cité plus haut sont les ingrédients.Et avec tous ces ingrédients classiques (car Scott Lynch n'a rien inventé), l'auteur arrive à une belle alchimie. Pour moi, la mayonnaise a pris et la rencontre de l'ensemble de ces petits clichés fait qu'on a un excellent bouquin.Ok, il y a quelques défauts, mais dans la balance, le style et le déroulement de l'histoire fait que j'ai passé un excellent moment de lecture.
Son ton ? Le cadre de ses aventures ? Sa capacité à évoquer un tas de bonnes parties de jeu de rôle pour des joueurs et maîtres de jeu ?
Autant je fais souvent référence au jeu de rôle, autant dans Locke Lamora, je n'ai pas du tout eu l'impression de lire un compte-rendu de partie.Le ton et le cadre, oui, il y a du talent. Originalité ? Non. Mais utilisation des éléments pour arriver à un bon récit, oui.
Je m'intéresse de fait à ce roman parce qu'il sort un peu du tout venant, qu'il tente quelque chose.
Justement, je n'ai pas trouvé qu'il tentait quelque chose. Juste qu'il utilisait à bon escient les différents outils romanesques et scénaristiques (cadre, ton, flashback etc.)Voilà pour mon avis argumenté
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