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Je viens de finir les Jardins de la Lune, et… je n’ai pas vraiment aimé.D’abord, il y a les défauts exposés par d’autres :— des personnages sans charisme, sans guère de personnalité, avec parfois des états d’âme qui sortent un peu de nulle part,— les motivations des personnages ne sont presque jamais décrites ; du coup, on a souvent l’impression d’avoir affaire à des automates ; beaucoup d’actions sont faites, mais qu’est-ce qui pousse tous ces gens? Mystère. Le sort de tous ces personnages m’était parfaitement indifférent.— une narration décousue, confuse et des descriptions souvent brouillon.Ça fait déjà pas mal de défauts, mais ce n’est pas ce qui m’a rebuté le plus. À mes yeux, le principal problème, c’est que j’ai beaucoup de mal à croire en la crédibilité de son histoire. Comment le monde peut-il tenir longtemps, avec une telle pléthore de dieux, de demi-dieux et de sorciers tous plus puissants les uns que les autres? Là, je demeure tout le temps sceptique face à ce déchaînement de forces, de puissances et de gros bills en tout genre qui surgissent à tout bout de champ pour intervenir çà et là. La magie, c’est gratuit, du coup ça fuse à tout-va. Tout ça ne m’a guère paru crédible.Prenons un exemple : le siège de Pale. (Je “spoile” dans ce paragraphe.) L’auteur nous explique que le siège dure depuis trois ans, et à la première escarmouche, c’est le gros déchaînement de magie destructrice, c’est l’hécatombe de tous côtés, au point que le Seigneur qui protégeait la ville doit faire retraite avec sa cité volante (en plus on apprend plus tard que le défenseur était tout seul dans sa cité). Bon alors, après 3 ans de ce régime, le champ de batailles devrait déjà plutôt ressembler à un champ de ruines, et tout le monde vit dans des tranchées ou sous terre, le premier qui lève la tête se fait dégommer à coups de vagues de feu. Et les autres ont quand même du mal à ne pas être ensevelis. C’est d’ailleurs ce qui se passe pour ceux qui étaient sous terre. Du coup, on se demande ce que faisaient tous ces gens depuis trois ans. Ils devaient vachement se retenir. Autre chose incompréhensible : la victoire de l’empire ne semble guère due qu’à la puissance d’un seul mage (Teyschrenn) qui n’était pas là auparavant. Admettons. Mais alors que faisaient tous les défenseurs avant sa venue (ils étaient de surcroît plus nombreux)? Avec leur puissance, ils auraient largement pu triompher de leurs assaillants. Heureusement qu’ils se sont retenus en attendant la venue du grand mage de l’empire pour perdre bêtement. Est-ce que quelqu’un s’étonne de ceci? Non. Par ailleurs, comment la cité a-t-elle fait pour se sustenter pendant trois ans? Mystère. Au lecteur de deviner ou d’oublier de se poser des questions. Et devant tant de puissances déchaînées, à quoi peut bien servir toute la piétaille? À protéger les mages, est-il dit, mais dans les faits ce n’est pas du tout le cas.D’une manière générale, l’histoire paraît tenir avec des bouts de ficelles. Les dieux, les demi-dieux, les démons, les sorciers pullulent et tout tourne autour d’eux, le reste n’a d’importance que s’il est utilisé comme pion. Malgré l’étendue du continent, de la ville au centre de l’histoire, tout le monde passe aux mêmes endroits, fréquente les mêmes coins, ce qui provoque moult rencontres auxquelles on a du mal à croire et ça finit par lasser, surtout que presque chaque conflit voit surgir l’arrivée d’un protagoniste tiers pour y mettre son grain de sel (c’est fou, tous ces gens invisibles ou qui sortent de nulle part). Les combats sont un déchaînement de n’importe quoi face à n’importe quoi. Du grosbillisme à la pelle.Pire : tous ces gens surpuissants ne semblent pas briller par leur intelligence. Peu d’esprit paraît dans les propos tenus (hormis en quelques points spécifiques). Seuls les Brûleurs de Ponts paraissent user de leur cervelle. Encore que… placer des explosifs dans une ville desservie par le gaz et renoncer à s’en servir pour la même raison (comment ont-ils pu ne pas le voir pendant tout ce temps?), c’est manquer d’à-propos (je pensais bêtement que le gaz serait justement un excellent appoint au but visé, mais apparemment non). Tous ces protagonistes sont peut-être super-intelligents et ont tout calculé, mais comme les motivations demeurent inconnues, on n’en sait rien. Et, comme les grosbills surgissent à tout bout de champ, on doute quand même beaucoup que quiconque puisse prévoir quoi que ce soit dans un tel pêle-mêle d’adversaires surpuissants.Les cinquante dernières pages sont l’apothéose de tous les défauts du livre. Bref, on a du mal à y croire. On est très loin de la Compagnie Noire ou de Game of Thrones. La fin n’apporte par ailleurs que très peu de réponses, et amène bien d’autres interrogations. On reste sur sa faim. Tout ça pour ça?Il y a quand même des passages, ceux qui parlent du monde et quelques autres, qui m’ont plu et qui m’ont aidé à tenir quand je désespérais. Le monde semble quand même intéressant et très pensé. Pour l’histoire, ça paraît beaucoup moins évident. On dirait une campagne de JdR peu inspirée (du vulgaire Donjons & Dragons).Il va y avoir beaucoup à rattraper dans le second tome. J’espère que c’est bien mieux. En tout cas, je ne vais certainement pas acheter le cycle d’un coup, comme je le pensais.