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Du coup, j'avais zappé ce sujet. Je l'ai loupé, parce que comme l'a dit l'un des intervenants, le World Building n'est absolument pas une exclusivité de la fantasy. Il ne me serait pas venu à l'idée de regarder dans cette partie du forum. De ce que je connais, j'ai même l'impression qu'on trouve majoritairement des "World Builders" dans la SF et surtout dans le Space Opera. Entendez par ce terme : des auteurs qui se préoccupent avant tout de la précision et de la cohérence de leur monde (Dune est l'exemple numero 1 pour moi). Mais je me trompe peut être. En ce qui concerne les questions de l'intérêt et de la présence des éléments du "World Building" dans la narration, je pense qu'il n'y pas de règles. Le wiki d'un monde bien présenté, bien illustré, bien écrit, peut susciter autant d'intérêt qu'un roman. Mais si l'on ne parle que de roman, vous l'avez dit vous même : l'épopée du Seigneur des Anneaux (et ses annexes) est truffée de détails dont beaucoup (moi) se passeraient volontiers. Et c'est pourtant l'oeuvre MAJEURE de la fantasy. Je donne un exemple inverse avec le dernier Final Fantasy en date, le 13. Le reproche principal qui lui est fait est l'inconsistance de sa narration. Il faut sans cesse se référer au codex pour comprendre l'histoire et, plus imbécile encore, pour se rendre compte de l'incroyable richesse de son monde !! (d'après ce que j'ai compris, le 15 prend apparemment le même chemin). Game Of Throne est un bel exemple aussi, cité précédemment. De mon point de vue, l'auteur s'est lui même perdu dans la richesse de son monde. D'ailleurs, si je me souviens bien, il devait à un moment créer une ellipse d'une dizaine d'années, ce qui aurait été extrêmement intéressant. Mais non, il regrettait de ne pas parler des milliers de détails qui se passent pendant ce laps de temps et a décidé de ne pas faire cette ellipse. Résultat : le rythme général, la force des premiers tomes, prend un sacré coup dans la tronche (et c'est en lisant cette anecdote que j'ai compris pourquoi j'avais brutalement perdu tout intérêt pour la saga). Enfin, j'ai envie de parler de la Belgariade, mon chouchou. Je reconnais la plupart des critiques négatives qui lui sont généralement attribuées. Et pourtant, j'adore cette oeuvre. Oui, les peuples sont grossiers, oui la trame est simpliste, mais j'aime beaucoup cette simplicité. Des dieux qui n'ont pratiquement qu'un seul trait de caractère, sans nuance. Des peuples à l'image de leurs dieux. Des conflits simples à comprendre. Une cohérence générale admirable. La première qualité de cette oeuvre est bien entendu la dose extrêmement mesurée d'humour dans la narration, mais j'admire vraiment la qualité du monde ainsi construit. Bref, il n'y a donc pour moi pas vraiment de règles dans l'écriture d'une saga "world buildée" (désolé pour ces termes barbares). S'il y avait des règles alors il y aurait des oeuvres théoriquement parfaites.
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Pour écrire ma série de romans, j'ai vampirisé un univers échafaudé à l'origine pour un jeu de rôle. Je me suis vite aperçu que les deux approches sont si différentes qu'elles ont finalement très peu en commun. Pour un jeu de rôle, la meilleure approche est encyclopédique: le monde est décrit de manière analytique, lieu par lieu, élément par élément, en cherchant à mettre en avant tout ce qui peut potentiellement générer des histoires. Pour un roman, l'univers n'a d'intérêt que dans ce qu'il apporte à l'histoire, soit comme décor, soit comme inspiration, soit comme contrepoint thématique, ou pour mettre un peu de couleur par-ci, par-là. D'après ma petite expérience, en littérature, il convient d'utiliser les éléments de worldbuilding avec la plus grande parcimonie, de crainte qu'ils n'étouffent le récit. La tentation d'expliquer, d'illustrer, de s'apesantir sur des détails liés à l'univers alourdit un texte de fiction et appartient, selon moi, à une tendance de la fantasy qu'il est temps de laisser derrière nous.Nah a écrit :Ici, d'après ce que je vois, il y a des gens qui aiment créer des mondes imaginaires. Et voilà mes questions : - comment vous y prenez vous ?
Non, ce n'est pas l'essentiel selon moi. Le monde est au service du récit, et s'il doit perdre en cohérence pour renforcer l'impact des situations dramatiques, ainsi soit-il.- Attachez vous une importance particulière à la cohérence du monde ?
C'est la religion qui m'intéresse le plus, mais en créant un univers il est nécessaire d'envisager tous ses aspects.- quelles sont vos influences ? Vos centre d'intérêts ? L'Histoire ? La géologie ?
Pratiquement pas du tout. A quel genre de documentation fais-tu référence? Dans la mesure où il s'agit d'un monde imaginaire, l'intérêt de la documentation me paraît secondaire.- A quel point et comment vous documentez vous ?
Volontiers, mais je pense que mon approche est trop différente de celle de la plupart des auteurs pour qu'elle soit utile à qui que ce soit.- Seriez vous intéressé par le fait de confronter votre monde à celui d'autres ? De bénéficier ou de donner des conseils ?
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@Mangesonge Je te crois volontiers en ce qui concerne le jeu de rôle. Il est impératif de connaître chaque détail puisque le but est de proposer différentes options aux joueurs. Par contre, en ce qui concerne le roman, la question du WorldBuilding m'a vite paru essentielle. Et c'est là que c'est intéressant : y'a t il une définition exacte du WorldBuiding ? Il s'agit évidemment d'avoir un certain degré de précision dans la description du monde. Mais quel degré ? Dans la (quasi?) totalité des histoires, vous avez au moins un lieu physique. Qu'y met on ? Si c'est de la fantasy, on ne peut pas se contenter d'écrire "un château", "une auberge", "une forêt". A partir du moment où l'on va devoir décrire cet endroit, il faudra nécessairement avoir un certain degré de détail. A partir de quel dégré de détail quand parle t on donc de World Building ? "Pratiquement pas du tout. A quel genre de documentation fais-tu référence? Dans la mesure où il s'agit d'un monde imaginaire, l'intérêt de la documentation me paraît secondaire." Du coup, je parle de ce genre de documentation. Si tu fais référence à une forêt, vas tu te contenter d'écrire "de grands arbres", des feuilles couleurs "feuille morte" ? J'imagine que si tu ne te documentes pas, c'est que tu ne parles que de types de lieux que tu connais bien et que tu es capable de décrire précisément. Personnellement, je me crois très limité dans mes connaissances générales. Même si j'écrivais une histoire dans un monde très semblable au notre, j'ai besoin de savoir de quoi je parle précisément, de savoir comment fonctionnent les choses que je vais décrire.C'est la religion qui m'intéresse le plus, mais en créant un univers il est nécessaire d'envisager tous ses aspects.De la même façon, je ne peux pas dissocier un aspect culturel ou architectural de ses contextes géographiques et historiques. Dans mon conception des choses, tout est lié : la religion, l'art, l'architecture, l'économie, la politique, les traits de personnalité communs d'un peuple.Non, ce n'est pas l'essentiel selon moi. Le monde est au service du récit, et s'il doit perdre en cohérence pour renforcer l'impact des situations dramatiques, ainsi soit-il. Pour conclure, je suis absolument d'accord avec toi. Mais je pense que tout dépend du type d'histoire que tu veux créer. Dans le cas de la heoric fantasy, quelque soit le roman, il y a de nombreux traits communs avec notre histoire. Il n'est pas fondamental de connaître chaque aspect de son monde pour écrire une histoire intéressante. Dans mon cas, c'est fondamental. L'histoire que je crée tourne autour de deux socles : un monde où il n'y a qu'une seule énergie et où l'on ne vieillit pas en fonction du temps que passe. Je ne peux pas me permettre de balancer ces concept sans créer de toute pièce le monde qui va autour.
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En ce qui me concerne, c'est très clair: il commence au premier adjectif. Dès que tu écris "un grand château" ou "une belle auberge", tu as déjà commencé à décrire ton univers, et donc à le construire.Nah a écrit :Dans la (quasi?) totalité des histoires, vous avez au moins un lieu physique. Qu'y met on ? Si c'est de la fantasy, on ne peut pas se contenter d'écrire "un château", "une auberge", "une forêt". A partir du moment où l'on va devoir décrire cet endroit, il faudra nécessairement avoir un certain degré de détail. A partir de quel dégré de détail quand parle t on donc de World Building ?
En fait, je crois que je fais partie de ces gens qui retiennent toutes sortes de petites informations sur toutes sortes de petits sujets, en plus je prends des notes, donc j'ai perpétuellement toutes sortes de petits bouts de truc en tête qu'il me suffit d'assembler ensuite. D'une certaine manière, donc, je me documente, c'est juste que je le fais sans but, et que les informations que j'accumule peuvent mettre des années à être utilisées (mais fondamentalement la démarche est la même).J'imagine que si tu ne te documentes pas, c'est que tu ne parles que de types de lieux que tu connais bien et que tu es capable de décrire précisément.Personnellement, je me crois très limité dans mes connaissances générales. Même si j'écrivais une histoire dans un monde très semblable au notre, j'ai besoin de savoir de quoi je parle précisément, de savoir comment fonctionnent les choses que je vais décrire.
Oh oui, je vois ce que tu veux dire. Effectivement, ça paraît indispensable. Cela dit, je me situais plutôt du côté du résultat final: il existe chez certains auteurs, pas les meilleurs selon moi, une tendance "guide de musée" qui consiste à consacrer du temps à expliquer, à illustrer et à décrire des aspects de l'histoire ou de la géographie de leur monde, même si ce n'est pas indispensable à l'intrigue. Pour moi, le worldbuilding doit fondamentalement rester de la mécanique interne, quelque chose qui n'est pas fait pour être montré, mais juste utilisé quand c'est nécessaire. A ce titre, s'il doit ponctuellement être modifié pour laisser le récit s'exprimer, ça n'est pas grave.Dans mon cas, c'est fondamental. L'histoire que je crée tourne autour de deux socles : un monde où il n'y a qu'une seule énergie et où l'on ne vieillit pas en fonction du temps que passe. Je ne peux pas me permettre de balancer ces concept sans créer de toute pièce le monde qui va autour.
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Franchement, je pense pas que cette notion de "world building" soit si dominante que ça et qu'elle "affaiblit" automatiquement les œuvres qui les emploient.C'est une façon de d'écrire une histoire comme une autre et la particularité de la fantasy c'est de pouvoir ouvrir la narration.En fait, tu parles de" world building" mais c'est la notion d'exposition qui te déranges. Et là, c'est les goûts et les couleurs. Il y a des auteurs et des lecteurs qui aiment cela, d'autres pas.Tu parles d'auteur qui écrivent des guides de musée mais tu parles de qui ?Mangesonge a écrit :D'après ma petite expérience, en littérature, il convient d'utiliser les éléments de worldbuilding avec la plus grande parcimonie, de crainte qu'ils n'étouffent le récit. La tentation d'expliquer, d'illustrer, de s'apesantir sur des détails liés à l'univers alourdit un texte de fiction et appartient, selon moi, à une tendance de la fantasy qu'il est temps de laisser derrière nous.
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Bon, moi, au final, tout ce que je fais, c'est exposer mon point de vue.Selon moi, quand le worldbuilding occupe trop de place, il finit par nuire à l'intrigue et aux personnages, et il n'y a rien de pire que ça. Mais tu as raison: quand je parle de worldbuilding "qui se voit", je parle principalement d'exposition, et pour moi, à de rares exceptions près, ça alourdit un texte. L'écriture a évolué depuis les grands romanciers du XIXe siècle et il y a d'autres approches qui me semblent plus fructueuses.Un petit exemple qui n'est pas destiné à condamner les goûts ou les oeuvres de qui que ce soit:Benedick a écrit :Franchement, je pense pas que cette notion de "world building" soit si dominante que ça et qu'elle "affaiblit" automatiquement les œuvres qui les emploient.C'est une façon de d'écrire une histoire comme une autre et la particularité de la fantasy c'est de pouvoir ouvrir la narration.En fait, tu parles de" world building" mais c'est la notion d'exposition qui te déranges. Et là, c'est les goûts et les couleurs. Il y a des auteurs et des lecteurs qui aiment cela, d'autres pas.Tu parles d'auteur qui écrivent des guides de musée mais tu parles de qui ?
Je comprends très bien que de nombreux lecteurs apprécient ce genre d'écriture, et oui, parfois, l'exposition est indispensable. Mais pour moi, il suffit d'imaginer ce style appliqué à un roman contemporain pour réaliser à quel point il est pompeux. Je préfère une écriture concrète, basée sur les actes des personnages, que ces pièces montées indigestes qui mettent le worldbuilding au premier plan.Après, chacun son truc.Brandon Sanderson a écrit :"Depuis l'Ascension, il y a mille ans, énormément de croyances ont disparu. Le Ministère d'Acier interdit qu'on vénère tout autre que le Seigneur Maître, et les Inquisiteurs ont détruit des centaines de religions avec le plus grand zèle. S'il n'y a pas quelqu'un pour se les rappeler, elles vont tout simplement disparaître. L'Empire Ultime ne peut pas durer éternellement. J'ignore si Kelsier est celui qui y mettra enfin un terme, mais ce terme viendra. Et lorsque ça se produira, les gens souhaiteront revenir aux croyances de leurs pères. Ce jour là, ils se tourneront vers les Gardiens, et ce jour-là, nous rendrons à l'humanité ses vérités oubliées."
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Mistborn de Sanderson ?J'ai lu la trilogie et pour moi il y a pas de World Building dans Mistborn. C'est ça le problème... D'ailleurs l'auteur reconnait l'erreur et on voit dans Roshar qu'il donne plus de vie à son monde.Un auteur qui fait du Big World Building Serious Bizness c'est Erickson. Et cela l'empèche pas d'exposer de manière pragmatique.
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Je n'ai pas lu ce livre, j'ai juste cherché une illustration du genre de truc qui me fait grimacer. Je ne sais pas si c'est représentatif du bouquin ou pas, en fait, je m'en fiche, ça n'était pas mon propos de critiquer qui que ce soit.Tu comprends ce que je veux dire ou pas? Tu vois la même démarche appliquée à un roman contemporain, où on trouverait des passages où les personnages évoquent à haute voix "les maîtres du réseau mondial" qui "règnent sans partage sur la Toile", "assis confortablement dans ces cathédrales de verre qu'on nomme grattes-ciel"? Tu saisis pourquoi il est possible de trouver que c'est un peu lourd?
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Oui je comprends. ;)Cela fait plus de 30 ans que je lis des livres (Fantasy ou autres). Et puis le matin, je prends des oméga-3 ! :)Sauf que écrire mal ou avec une prose pourpre (comme disent les américains) cela rien à voir avec le fait de se baser sur un univers secondaire plus ou moins construits. Des bouquins mal écrits avec des styles lourdingues tu en as à la pelle quels que soit le genre.Mangesonge a écrit :Tu comprends ce que je veux dire ou pas? Tu vois la même démarche appliquée à un roman contemporain, où on trouverait des passages où les personnages évoquent à haute voix "les maîtres du réseau mondial" qui "règnent sans partage sur la Toile", "assis confortablement dans ces cathédrales de verre qu'on nomme grattes-ciel"? Tu saisis pourquoi il est possible de trouver que c'est un peu lourd?
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Toutes mes excuses, je suis de toute évidence incapable de me faire comprendre. :blink:Ce que je veux dire, fondamentalement, c'est que, quand tu produis un album de rock, tu ne peux pas mettre tous les instruments en avant dans le mix: batterie, guitare, chant, basse. Sinon, tu vas obtenir une cacophonie indigeste. Il faut choisir sur quoi tu vas mettre l'accent, et quels instruments seront un peu relégués au second plan.De la même manière, selon moi, dans un album de fantasy, personnages, intrigue et worldbuilding ne peuvent pas tous être mis en avant de la même manière. J'estime que quand le worldbuilding prend trop de place, cela nuit à l'intrigue et aux personnages et produit ce que j'appelait tout à l'heure l'effet "guide de musée": "oh, regardez comme il est beau l'univers que j'ai inventé."Par ailleurs, mettre en avant le worldbuilding, y consacrer trop de place, avoir des personnages qui passent leur temps à nous en parler, cela finit par saper le sentiment d'immersion, là où un dosage plus modéré permet au contraire au lecteur d'entrer en douceur dans l'univers. C'est à ça que je faisais référence en proposant d'appliquer la même démarche à des romans contemporains. Pour moi, ce n'est pas une question de style, mais bien d'équilibre.
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Le world building, comme l'intrigue, les personnages, la tension dramatique, ce sont des ingrédients de la soupe.Que ce soit dans un orchestre, un tableau, en cuisine ou en narration, c'est le dosage des ingrédients qui rendra le tout digeste ou infâme.Si vous prenez l'exemple d'auteurs qui s'auto-congratulent sur leur inventivité car ils sont fiers de leur création, c'est exactement comme un soliste qui se mettrait tellement en avant qu'il masquerait les autres musiciens (ou le piment qui étoufferait les autres saveurs).Il y a donc des auteurs qui savent le manier avec plus de doigté que d'autres, même en faisant une création riche : le monde du Légendaire tolkiennien est immense, mais ce n'est pas dans les romans qu'on en prend conscience. On sent le sucré et le salé sans qu'on nous dise d'où vient ce sel (des larmes innombrables des millénaires plus tôt) ; pour le sucré, on sait que les hobbits mangent des fraises à la crème.
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Je pense que, à supposer que chaque aspect (intrigue, world-building etc...) soit traité avec qualité, les proportions dans lesquelles ils se trouvent dans des textes d'un certain type peuvent difficilement constituer un critère pour juger ces textes dans leur ensemble.On peut trouver que tel choix de dosage n'est pas le meilleur pour un roman en particulier mais, lorsque cette opinion a du vrai, je pense que c'est à chaque fois pour des raisons plus spécifiques, pas réductibles au genre.Après c'est vrai que mieux vaut un mauvais world-building qui se fait discret qu'un qui prend toute la place ! Et les dialogues "maid and buttler" et les passage d'encyclopédie robocop, ça le fait moyen comme exposition on est d'accord
! Mais à mon avis il n'y a pas d'aspect qui par nature ne puisse pas être autant mis en avant que les autres.
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Pour l'anecdote, c'est une entrée toute récente sur Merriam-Webster : https://www.merriam-webster.com/words-a ... d-building 
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L'autre jour je réfléchissais autour de ces phrases : "un auteur qui maîtrise/ne maîtrise pas son univers" et je me suis rendu compte que je ne les avais jamais utilisées. Je n'ai même jamais pensé à les mettre dans un commentaire en sortant d'une lecture.J'aurais aimé savoir, pour ceux qui utilisent cette formule, ce que vous entendez par là, car finalement je n'arrive pas à voir ce que cette phrase signifie. Est-ce que c'est un auteur qui a bien travaillé son univers (crédibilité, fonctionnement, les différents systèmes (religion, politique, groupe social...)) , ou alors est-ce que c'est un auteur qui utilise son univers dans son histoire de façon à servir le personnage et sa quête ? Ou encore est-ce que l'univers qu'il maitrise ne parle pas du monde qu'il a créé mais parle au sens large de ses personnages, de l'histoire et du monde (de leur cohérence) ? Franchement, j'ai réfléchi autour de cette phrase et je ne sais pas quelle est le sens qu'on lui prête. J'aimerais bien avoir vos avis et connaître ce que vous entendez lorsque vous dîtes qu'un auteur maîtrise (ou pas) son univers ! Peut-être que les interprétations vont être différentes selon les personnes, mais je pense que ce serait sympa de découvrir le fond de votre pensée ! 
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« Le Seigneur Ogion est un grand mage. Il te fait beaucoup d’honneur en te formant. Mais demande-toi, mon enfant, si tout ce qu’il t’a enseigné ne se résume pas finalement à écouter ton cœur. » - Tehanu, Ursula K Le Guin
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Pour moi, un univers maîtrisé, c'est un univers cohérent et un minimum précis : que l'auteur ne se mélange pas dans sa temporalité, dans les distances entres les lieux, dans les règles qu'il a mises en place... Je me souviens d'une série télé où ils avaient mis en place quatre règles qui régissaient la magie dans l'épisode 1. Plus tard, l'une des quatre règles disparaît mystérieusement pour les besoins de l'intrigue. C'est ça que j'appelle un univers mal maîtrisé.Après, pour tout ce qui est des détails de l'univers et de la façon dont sa sert l'intrigue... Je pense que ça participe d'un univers travaillé, dans le sens où un auteur qui maîtrise son univers pourra plus facilement l'utiliser pour son histoire, et qu'un auteur qui maîtrise son univers l'a un minimum travaillait pour qu'il n'y ait pas d'aspects incohérents qui s'y glissent. Mais je pense que ce n'est pas systématique. Il est facile de se perdre dans trop de détails, et à l'inverse, on peut créer un univers cohérent sans avoir besoin de savoir ce qui se passait aux origines du monde.
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Je suis super fan de ton interrogation et je vais essayer de te donner une réponse à la hauteur ! (c'est pas gagné...)Je vais procéder à une analogie pour définir ce que j'entends personnellement par la "maîtrise".La danse !Quand on regarde un danseur professionnel (classique ou moderne, peu importe), n'importe qui voit sa grâce, son identité esthétique et son expression artistique. On se doute bien qu'il emploie des techniques, qu'il a construit une structure corporelle et qu'il connait l'art de la chorégraphie, etc... Mais il n'expose pas de manière maniéré comme le fond les danseurs de bas niveau qui exagèrent ou restituent des parodies de mouvements "qui font danseur". Ces danseurs de bas étage font la démonstration d'un talent limité par la paresse, dans l'optique d'impressionner, à peu de frais, un public peu regardant avec ce qu'ils croient être séduisant ou impressionnant.Ils ne maîtrisent pas.Fin de l'analogie. J'en reviens à la fantasy. Qui dit Fantasy, dit escroquerie !Pour moi, si je dis qu'un auteur ne maîtrise pas son univers, c'est qu'il essaie de me vendre une histoire "de valeur" en m'exposant un univers prétendu "construit" parce "Fantasy World Building Seriouss Bizness for Geek".Sachant qu'au final, c'est une grosse escroquerie et qu'au bout de deux-trois événements l’œuvre ne se respecte plus elle même... En fait, si je dis qu'un auteur "ne maîtrise pas son univers" c'est pour être poli et pas dire que c'est une vermine qui me prend un peu pour un con en cherchant la facilité. Alors comme j'essaie d'être moins vulgaire, je me suis fait une "échelle de valeur de l'escroquerie TM" pour la fantasy (du level 1 au level 5 !). Les chiffres c'est jamais vulgaire ! C'est pour cela que les Bonnes gens d'Elbakin, ils mettent des notes. C'est pour limiter les gros mots !J'accepte une petite ou moyenne entourloupe (level 1 à level 3) si la beauté ou le fun est là et mais faut pas trop essayer de me refourguer de la daube non plus.Aventurine a écrit :"un auteur qui maîtrise/ne maîtrise pas son univers" Franchement, j'ai réfléchi autour de cette phrase et je ne sais pas quelle est le sens qu'on lui prête. J'aimerais bien avoir vos avis et connaître ce que vous entendez lorsque vous dîtes qu'un auteur maîtrise (ou pas) son univers ! Peut-être que les interprétations vont être différentes selon les personnes, mais je pense que ce serait sympa de découvrir le fond de votre pensée !
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J'adore vos discussions, c'est vraiment super intéressant! :DJe rejoins les propos de Benedick, en rajoutant les auteurs qui se prennent les pieds dans le tapis pour cause d'univers boulimique dans le tas. Ceux-là veulent bien faire, mais sont dépassés par leur oeuvre.Je fais aussi la distinction entre ceux qui ne maîtrisent pas leur univers, et ceux qui ne maîtrisent carrément pas leur récit (c'est-à-dire ceux qui ne maitrîsent ni leur univers, ni leurs personnages, ni leur temporalité)... ;)Sinon, pour faire le lien avec la discussion plus ancienne située plus haut, je pense que la cohérence d'un univers est primordiale dans un récit, et qu'elle ne doit être sacrifiée à aucun prix sous peine de discréditer toute l'oeuvre qui le met en scène.Après, cohérence de l'univers ne signifie pas omnipresence de celui-ci : cet élément-là depend de l'histoire que l'auteur veut raconter, et des thèmes qu'il aborde. Un récit initiatique faisant la part belle au voyage aura sans doute un univers nettement plus mis en avant que le récit qui se concentre sur les intrigues urbaines d'une poignée de personnages hauts en couleurs, par exemple.Enfin, j'ai noté plus haut une reference aux jeux de rôles qui m'a fait sourire, parce que je partage un avis sensiblement différent de celui qui a été exprimé.Je suis assez d'accord qu'il ne faut pas reproduire l'aspect "atlas" d'un supplement de jeu de rôles dans un roman.Par contre, je suis convaincu qu'appliquer des principes de creation de scenario de jeu de rôles à des romans (ou à des films!) peut s'avérer vraiment positif, voire carrément salvateur.En effet, dans un jeu de rôles, le meneur de jeu est constamment confronté à son public, qui maîtrise les personnages principaux de son histoire (contrairement à un auteur qui peut se la jouer marionnettiste tout seul avec tous les personnages de son histoire). Cela sous-entend qu'il aura bien souvent un devoir de cohérence vis-à-vis de ses joueurs pour rendre son histoire et son univers crédibles autour d'une table, sans compter que les reactions souvent inattendues (et très creatives) de ses joueurs stimuleront son imagination d'une façon différente de ce que vit un auteur qui écrit son roman ou son scénario seul dans son coin.Tout scénariste ou auteur devrait selon moi réfléchir dans cette optique : si à un moment de son histoire il serait obligé de dire le fameux "ta gueule, c'est magique" (ou les variantes : "imagine que", 'c'est comme ça", "oui mais c'est un film/une série/un livre", etc) à un joueur qui remettrait en doute la cohérence de sa production, c'est qu'il y a un problème...;)Et là, j'avoue que je pense advantage aux films blockbusters de ces dernières années qu'aux livres, mais le principe devrait s'appliquer sans distinction aux deux. J'ajoute que cela devrait en particulier s'appliquer aux adaptations cinématographiques de livres qui détruisent la cohérence de ces derniers au passage pour rajouter des scènes d'action. Là, on peut aussi parler d'"univers mal maîtrisé". 
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Et pour élargir l'exemple de Benedick, maîtriser, c'est comme le marionnettiste qui raconte une histoire avec ses pantins : s'il maîtrise son art, on ne voit plus les fils (les ficelles si on veut étendre à la littérature/cinéma).Si le monde et les personnages sont assez cohérents pour qu'ils croient en eux-même et que le lecteur entre dans ce jeu, c'est que la maîtrise aura permis de réduire la distance initiale entre le personnage et le lecteur:arrow: je n'habite pas ce pays où vivent des dragons, mais je suis vraiment curieux de savoir quel est le plan pour repartir avec le trésor (et je suis presque vexé de ne pas faire partie de la bande, alors je vais les suivre mine de rien.Le talent du maître m'a inclus dans l'histoire.