Petit statut concernant la relecture du tome 5, les Marées de Minuit. Les trois quarts sont derrière moi, et j'estime qu'il me reste encore un gros mois de boulot pour en voir le bout. Ensuite, j'attaquerai cash le tome 8, Toll The Hounds.
En attendant, je vous avais promis de vous introduire auprès d'un certain duo de Letheras, Tehol Beddict et son serviteur Bugg. Vous apprendrez à découvrir la fratrie Beddict dans ce 5e volume, avec également Hull et Brys, mais c'est le génial Tehol qui attire immanquablement la sympathie par ses savoureux échanges avec son serviteur pince sans rire, livrant au lecteur des moments comiques aussi absurdes que savoureux. J'ai eu du mal à vous sélectionner un passage de dialogue bref et qui surtout ne révèle rien de l'intrigue ou presque. Je vous propose cet extrait qui n'est certes pas le meilleur mais qui, à tout le moins, vous donnera un aperçu de la tonalité des dialogues entre Tehol et Bugg :
(Contexte : Bugg vient de finir de tricoter un pantalon pour Tehol qui jusqu'ici portait au quotidien une espèce de jupe en se nouant une couverture autour de la taille. Mais n'ayant pas eu suffisamment de laine, le serviteur n'a pas pu faire la jambe droite).
— Essayez-le.
Tehol considéra sans ciller le pantalon en laine que lui tendait son serviteur, puis l’accepta.
— Dis-moi, Bugg, tu crois que ça vaut la peine de t’obstiner comme ça ?
— Vous voulez dire à tricoter ces braies ou à prolonger ma misérable existence ?
— Est-ce que tu as pu engager du personnel ?
Il se débarrassa de sa jupe et entreprit d’enfiler le pantalon.
— Vingt hommes parmi les plus mécontents que j’aie pu trouver.
— Des doléances ?
— Chacun d’eux, et je suis à peu près sûr qu’elles sont légitimes. Remarquez, certains ont probablement mérité de se faire bannir des affaires.
— La plupart des dé-certifications relèvent de l’autorité politique, Bugg. Contente-toi de vérifier qu’ils connaissent leur métier. Pour le reste, il faut absolument qu’ils sachent garder un secret, et pour ça, leur ressentiment vis-à-vis des guildes constitue la meilleure motivation qui soit.
— Je n’en suis pas complètement convaincu. En plus, nous avons déjà reçu plusieurs avertissements de la part des guildes.
— De vive voix ?
— Par lettre interposée. Jusqu’à aujourd’hui, en tout cas. Votre genou gauche va pouvoir rester bien au chaud.
— Bien au chaud ? Mais il fait chaud dehors, Bugg, même si tes vieux os arthritiques te disent le contraire.
— Ma foi, il y a des pantalons pour toutes les saisons.
— Sans rire ? Retourne voir les responsables des guildes et assure-leur que nous n’avons pas l’intention de sous-enchérir. En fait, ce serait plutôt le contraire. Pas plus que nous ne voulons surpayer nos employés. Ni même engranger des bénéfices…
— Exception faite des intérêts liés à l’entreprise.
— Ne leur parle pas de ça, Bugg. Non mais regarde un peu les poils de ma cuisse droite. Ils sont tout hérissés.
— C’est le contraste qu’ils n’apprécient pas.
— Les responsables des guildes ?
— Non, vos poils. Les responsables des guildes aimeraient savoir d’où je sors. Et comment, par l’Errant, je peux avoir l’outrecuidance d’inscrire une entreprise dans leurs registres.
— Ne t’inquiète pas pour ça, Bugg. Une fois qu’ils auront découvert ce que tu as la prétention de faire, ils seront tellement persuadés que tu vas échouer qu’ils t’ignoreront. Jusqu’à ce que tu réussisses, évidemment.
— Je m’interroge.
— À quel propos ?
— Vous devriez remettre la jupe.
— Je suis assez d’accord avec toi. Il faudrait que tu ailles chercher plus de laine. De préférence de la même couleur, même si ce n’est pas essentiel, je suppose. Et n’oublie pas que nous avons une réunion avec nos trois chéries ce soir.
— Ça me semble risqué.
— La prudence sera de mise.
— C’est valable dans les deux sens. J’ai volé cette laine.
Tehol enroula à nouveau le drap autour de ses hanches.
— Je reviendrai te chercher plus tard. Fais un peu de ménage en attendant, d’accord ?
— Si j’ai le temps.