J'ai terminé aujourd'hui La Cité de la Victoire par Salman Rushdie, et j'ai vraiment passé un bon moment ! Alors bon, je crois que cet auteur n'est pas vraiment reconnu pour la fantasy, il est plutôt marketé en littérature blanche, surtout que son actualité politique lui donne une visibilité générale. Pour celles et ceux qui n'auraient pas suivi, le bonhomme a une fatwah sur la tête depuis 30 ans, et a récemment (peu après avoir terminé le roman dont il est question ici) été victime d'une tentative d'assassinat au couteau. C'est un des grands symboles littéraires dans le combat pour la liberté d'expression.
Bref. Je ne pense tout de même pas être hors-sujet, car ce récit est une sorte de conte oriental dans lequel la magie fait irruption à plusieurs reprises.
la couverture :

Résumé :
Pampa Kampana, 9 ans, tout juste orpheline d'une veuve immolée par feu, est visitée par la déesse Parvati. Cette dernière la destine à vivre 250 ans pour enfanter un empire dans lequel les femmes pourront prospérer autant que les hommes. Elle ne s'éteindra seulement une fois rédigé les derniers vers d'un long poème, le Jayaparajaya, narrant la vie de cette cité qui connaîtra grandioses victoires, amères défaites, et une terrible chute.
Pampa crée Bisnaga en confiant un sac de graînes magiques à deux bouviers. Ceux-ci les plantent, et en une nuit une cité entière pousse du sol ; palais, temples, habitations, murailles et habitants compris. les frères Hukka et Bukka deviennent alors les premiers rois d'une longue lignée. La poétesse est couronnée par mariage et s'efforce de mettre en oeuvre la mission qui lui a été confiée par la déesse. Les habitants de cette ville, fraîchement sortis de terre, se voient chuchotter un passé par la prophétesse. Ils prennent volontiers ces histoires comme héritage, mais Pampa réalise rapidement que le libre arbitre de ses créations va mettre à mal ses projets politiques...
La narration de ce roman est pour le moins original. En effet l'histoire dure deux siècles et demi, et à part notre faiseuse de miracle dont la jeunesse est gardée, tous les personnages ne durent pas plus d'un tiers du roman. La conséquence directe de cela est que nous ne nous attachons que peu à eux. Ils remplissent plutôt un rôle auprès de Pampa, et ce rôle est partagé par plusieurs "réincarnations". Par exemple le rôle de fille est remplis par ses filles biologiques, mais aussi par d'autres "filles de coeur" plus tard. Pour moi ce récit est un théâtre politique dans lequel Rushdie propose des mises en scène didactiques et nous expose ses malices. Un autre élément qui découle de cette chronologie est le rythme variable ; tantôt l'on va s'attarder pendant plusieurs pages sur le système politique d'oiseaux, tantôt une phrase suffit à résumer deux décennies ou à tuer un personnage important. Ces lenteurs et accélérations brutales m'ont fait rire à plusieurs reprises. L'humour est également frappant dans certaines décisions fatales prises pour des raisons puériles par les plus puissants. Rushdie met un point d'honneur à nous présenter des caractères humains qui vivent des émotions fortes, font des erreurs et s'en repentent (ou pas), Pampa Kampana la première. Cette ville elle-même incarne exactement cela dans toute sa gloire et toute sa déchéance.
Je me demande si certain.e.s d'entre vous ont été tenté.e.s par ce roman, ou s'il figure dans vos envies de lecture. Pour ma part je fais un travail dessus pour ma formation de libraire , alors je suis preneuse de vos avis !