Comme ses compagnons, Gimli, personnage très.. couvert (de barbe), a été "travaillé" en profondeur. Car si, à part Gandalf, tous les membres de la Communauté sont complexés à des degrés divers, Gimli à coup sûr pourrait l'être, et massivement. A la différence des hobbits, nombreux dans le groupe et tous appariés, et contrairement aux humains et au sorcier qui évoluent dans leur univers, Gimli est le véritable transplanté du groupe.En outre, dès le départ ses interventions tournent à la déconvenue. Sa hache se pulvérise au Conseil d'Elrond, Gandalf ne l'écoute pas lorsqu'il propose de cheminer par la Moria sans emprunter Caradhras, puis sur place, il découvre son univers envahi, les siens anéantis... Gimli doit toujours compenser une infériorité qui sans cesse se rappelle à lui : - Il célèbre le grand'oeuvre du Cavenain à la Moria, mais Gandalf révèle que l'avidité des nains les a poussés à 'creuser trop profond', réveillant les démons de l'ancien monde- Il est presque incapable de franchir seul l'arche de Khazad-Dum sans ce 'lancer' qui l'humilie - Les elfes de la Lorien s'amusent à le narguer à peine vient-il de vanter la finesse de son ouïe - La beauté de Galadriel le terrasse (sans espoir) d'une façon telle qu'on en plaint mesdemoiselles les naines- Sa course à pied derrière ses agiles compagnons tourne en supplice- Eomer l'apercevant, moque ouvertement sa stature- Sa hache et son esprit bourru répandent le courroux parmi les arbres de Fangorn - Sitôt son cheval s'emballe, le voilà qui s'étale- Aucune cotte de mailles à sa taille n'existe à Helm qui puisse lui éviter d'être ridicule - Les remparts du gouffre le privent du panorama sur les Uruks,et tout à l'avenant...Réellement, cette vie de nain parmi les humains aurait de quoi ruiner le moral... d'un être humain, ce que justement Gimli n'est pas !Gimli, au contraire, est cuirassé de la formidable robustesse des siens, et si son ambassade du peuple nain laisse deviner tout le fossé qui a pu disjoindre ses ancêtres des elfes, la capacité de parodie de lui-même qu'il manifeste en toute occasion lui permet de franchir les obstacles sans devenir un boulet pour la communauté.Mieux, c'est grâce à cet esprit que ses compagnons parviennent à échapper à la tension constante des épreuves traversées.. En parlant des siens avec truculence, il détend l'atmosphère et démontre que les valeurs qu'il incarne manqueraient beaucoup à la société des peuples si elles venaient à disparaître : ainsi, à côté des nains, les humains, font figure d'êtres fébriles, instables, peu fiables, et les elfes d'esthètes guindés et distants.. Quant à sa compétition avec Legolas, elle a avant tout le mérite de faire des ravages dans les rangs adverses..Mais pour conclure attardons-nous sur son 'rot' d'Edoras, qui en a chagriné beaucoup. Selon moi non seulement il ne s'agit pas d'un rot, mais cette pure inspiration de J. Rhys-Davis a peut-être plus d'à-propos qu'on ne croit de prime abord : à ce moment précis en effet il y a de l'électricité dans l'air entre Theoden et Aragorn. Theoden, qu'Aragorn a connu enfant bien qu'il paraisse désormais plus jeune que lui, est en train de recouvrer son autorité sur les siens et doit absolument l'affirmer, y compris vis-à-vis du numénoréen, alors même qu'Aragorn désapprouve sa stratégie. Le 'hoquet' de Gimli, face à ce conflit qui s'allume, a l'avantage de surprendre tout le monde et ainsi de détourner un instant l'attention de ce qui pourrait dégénérer en outrage. Gandalf exploite à merveille cette fraction de seconde d'incertitude en se tournant alors vers Theoden pour lui demander : "Et que décide le roi ?". Volontaire ou involontaire, le hoquet de Gimli, petite éruption organique au coeur de l'échange, juste sous le nez d'Aragorn, a quelque chose d'analogue avec ce drapeau qui se détachait de la hampe pour venir atterrir aux pieds d'Aragorn arrivant à Edoras : A-t-il un sens ou n'en a-t-il pas ? C'est presque indécidable...Le hoquet a donc été conservé tel quel (rien n'était plus facile que de refaire la scène
sans le hoquet), et tel quel, il réussit à donner à la scène une texture d'authenticité qui aurait été absente sans lui : nous pouvons tous imaginer que Gimli, spectateur de l'escarmouche, en est tout surpris et qu'il le manifeste ainsi, façon nain,

alors qu'une scène plus plate n'aurait aucunement marqué les esprits ni attiré l'attention sur ce qui se jouait entre Aragorn et Theoden..après tout, ce hoquet est peut-être un détail, mais si c'est Aragorn, et non Gimli, qu'on avait entendu à ce moment, si la querelle s'était envenimée, si peu que ce soit.. la bataille de Helm aurait-elle été gagnée ? Theoden serait-il allé à Minas Tirith ?... Le battement de l'aile d'un papillon..