Ici, on vient de se mettre un peu à jour dans
Doctor Who avec l'arc de la saison 13,
Flux, en six épisodes tous scénarisés par Chris Chibnall.
On a dit beaucoup de mal de Chibnall. Je n'aime pas critiquer sans savoir, donc on a tout regardé. Maintenant, je peux en parler en connaissance de cause.
Eh bien, c'est vraiment pas terrible. Du tout
C'est un arc très orienté
space opera (même s'il y a un petit coucou au XIXe siècle à un moment) avec pour principe un gros cataclysme qui est en train d'annihiler l'univers connu et se rapproche lentement de la Terre. Pendant ce temps, le Docteur (Jodie Whittaker) est aux prises avec deux créatures tout droit sorties d'un croisement entre une soirée Halloween et une vitrine de boutique de géologie, et qui sont très très puissants au point de désintégrer les gens d'un claquement de doigts, et qui savent tout du Docteur alors qu'elle n'a aucun souvenir d'eux, et qui passent leur temps à sortir des répliques souveraines et méprisantes en saupoudrant le tout d'un technoblable extrêmement binaire sur le combat entre l'Espace et le Temps. Et puis le temps se désorganise et on découvre qu'il y a aussi les Sontariens, les Anges pleureurs, les Daleks, les Cybermen, une vaste organisation qui a des projets pour plusieurs univers (TM), un ancien dictateur E.T., avec beaucoup d'action, de courses-poursuites et de combats et de grosses flottes d'aliens qui apparaissent et se mettent sur la figure, et puis il y a aussi des arcs narratifs autour des compagnons du Docteur, ainsi qu'un E.T. à tête de chien, et aussi un couple d'amoureux qui essaie de se retrouver d'un bout à l'autre de l'univers (et la femme a un petit tamagotchi qui affiche des cœurs), et aussi un type du XIXe siècle qui creuse des tunnels partout sous Liverpool.
Voyons, qu'est-ce qui est réussi là-dedans ? Les décors et les costumes, incontestablement. Il y a de bonnes performances d'actrices et d'acteurs. Et, en grattant un peu, on peut retenir quelques bonnes idées et quelques belles scènes. Et, soyons honnête, les Sontariens sont des "méchants" adorables, doctorwhoesques en diable.
Le problème, c'est tout le reste du scénario. Déjà parce que c'est très, très chargé, ce qui suppose une maîtrise du rythme que Chibnall n'a pas du tout. Le résultat est un tel nombre d'arcs différents que, même en
binge watchant le truc (ce qu'on n'a pas fait, mais on a regardé l'ensemble à peu de temps d'intervalle tout de même), on finirait par s'y perdre. On dirait une fan fiction qui essaie de faire du Steven Moffat sans lui arriver au genou.
Ensuite parce que c'est beaucoup trop orienté "action et cliffhangers", au détriment de tout ce qui faisait l'intérêt profond de
Doctor Who, à savoir l'humanisme, le pacifisme, et des personnages plus épais qu'un carton. La plupart des personnages réussissent l'exploit de rester extrêmement plats alors qu'ils apparaissent dans les six épisodes. Le Docteur est un peu mieux traité, mais apparaît souvent artificiellement impuissante par rapport à ce dont étaient capables ses apparitions précédentes. La faute en revient à des personnages de méchants mystérieux et surpuissants, surpuissants parce que mystérieux, mystérieux parce que surpuissants, et qui ressemblent à des méchants de scénario de jeu de rôle quand le MJ a 13 ans (ou dans un mauvais Marvel, peut-être). J'ai attendu six épisodes pour en savoir plus sur eux et leurs motivations, et le peu qui est expliqué m'a paru bien plat et pas très intéressant... au point que les méchants "secondaires" sont plus consistants que ces "grands méchants". Quant au message de l'ensemble... Il n'y en a pas, c'est une série de personnages qui vont d'un point A à un point B. Le seul message qui ressort un peu plus (d'une manière très moyennement subtile, même si ça reste sympathique, je trouve), c'est une mise en avant de la ville de Liverpool.
J'ai parlé des dialogues ? Il ne vaut mieux pas.
Le niveau moyen ne vole pas haut. L'épisode 4 est effrayant à souhait avec ses Anges pleureurs, mais son dénouement m'a paru très insatisfaisant (ce n'est qu'une pure pirouette : mystérieux et puissants, on vous dit). L'épisode 5 doit être le pire : c'est une enfilade de clichés abominablement banals de bout en bout. Et le 6, hélas, ne relève guère le niveau tellement il se perd dans un rythme frénétique.
C'est dommage, parce que le principe (une seule histoire sur 6 épisodes) revient aux sources de
Doctor Who avec son côté feuilletonnesque et pouvait donner quelque chose de bien. Mais le scénario manquait d'un niveau de retravail suffisant pour être autre chose qu'un pastiche stressé. Et, franchement, par moments, c'est très bas du front, et ça me fait mal de me retrouver en regardant cette série à me dire "On dirait du Roland Emmerich".
Il reste encore trois épisodes spéciaux avant la régénération de Whittaker et je ne sais pas si on aura le courage de tout regarder sans sauter directement à la fin de saison.