Je profite d'une relecture en format poche pour vous faire part de mon avis sur ce livre. Plus petit de taille, il n'a rien perdu de sa grandeur.D'entrée, on prend une sévère claque. Durant les premières pages, on se demande ce qui nous arrive, le vent est tellement furieux qu'il nous coupe littéralement le souffle ! Alors on comprend que l'aventure sera hors du commun, une expérience plus qu'une lecture. On s'engage de plein fouet dans un monde véritablement "autre", où tout se structure autour du seul vent. On se dit qu'il va être fastidieux d'en cerner les concepts et de comprendre comment la horde s'y adapte. C'est tout l'inverse, l'apprentissage est subtilement noué au sein du récit : on apprend l'écriture du vent avec l'enseignement de Sov à Coriolis, ses différentes formes au travers des contres et des cours d'Orochi (parfois un peu trop condensés, mais lisez le livre deux fois et tout devient plus fluide), la fonction des différents membres avec la présentation sur l'Escadre Frêle ... jusqu'aux caractères propres des hordiers avec le changement de narateur. Ce dernier est une des principales forces (même s'il aurait dû être un peu plus équilibré, mais on comprend pourquoi il ne l'est pas à la fin), on vit l'aventure sous différents angles, au travers de chacuns des personnages. Autant dire de suite que l'écriture éblouissante d'Alain Damasio s'y prête bien, que se soit avec les onomatopées d'Erg ou le génie lexical de Caracole (chapeau pour le duel...).Au-delà de cette qualité d'ecriture à la fois poétique et claquante, on peut s'identifier aux personnages. A tous. Aussi bien Golgoth que Caracole sont des facettes de tout caractère humain. C'est pour cela qu'ils sont à la fois repoussants et excitants. Personne n'est parfait. Cet aspect des choses est renforcée par le fait qu'ils forme un tout, la Horde, pas un ensemble homogène, non, mais des personalités contraires par conséquents complémentaires. En gros l'équilibre nécessaire à toute quête humaine. Car à l'instar des hordiers, nous rechercons tous notre Extrême Amont, qui se révèle uniquement dans la reconnaissance des autres.La Horde du Contrevent est un livre intelligent, philosophique. Est-il de la fantasy ? N'en déplaise à ceux qui sortent du genre tous ses chef d'oeuvres... pour moi cela ne fait aucun doute. Je pense que ce qui caractérise le plus le genre c'est cette recherche au sein d'un monde plus "basique" des valeurs premières de l'homme : l'amour/ la haine, le courage/la lâcheté, le partage/l'égoïsme. La Horde résume ceci.C'est aussi la magie qui est caractéristique de la fantasy, et on peut dire que le vent du point de vue des aerudits est magique. Rarement on aura vu des notions aussi poussées sur la magie d'un monde imaginaire. Damasio ne s'appuie pas sur du "vent", justement, pour faire fonctionner son "cosmos". L'idée (qui dépasse l'univers de ce livre) d'un vent comme base de toute existence n'est pas avancée à la légère, les théories sont relativement complexes, judicieuses, et de surplus, c'est bien là l'essentiel, intéressantes. Du monde en tant que tel on ne connaît pas grand chose, les Hordiers, fondamentalement, pas plus en réalité, et c'est indispensable pour que l'histoire elle même puisse exister(vous devez voir pourquoi).Les personnages n'ont pas tous la même importance, disons que la Horde est un corps, et dans un corps le cerveau (Sov ou Oroschi), le coeur (Pietro) et les poumons (Golgoth) sont plus importants que les jambes (le Pack) ou les bras (les crocs), mais cela fonctionne en système, chacun ayant une place essentielle. Golgoth est méprisable pourtant compréhensible et au fond touchant, Caracole est flamboyant, il ferai pâlir un certain Simkin. Je trouve les autres personnages plus secondaires, Sov et Pietro sont des maillons fondamentaux de la chaîne. Classiques sont ces personnages, c'est vrai, mais leur histoire est des plus émouvante.
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La fin est subblime. J'attendais la chute du mythe de la Terre plate, et elle s'est réalisée. C'était comme le destin des personnages l'avenir majoritaire. C'est vrai que le suspens aurait pu être mieux fait, il aurait dû enlever l'inutile : "de là haut la terre est bleue comme une orange". Mais paradoxellement, ce dénouement attendu l'est moins dans les toutes dernières pages, on l'oubli presque quand Sov descend le poteau (quelle scène !).
Je pourrais m'étendre des heures sur cette oeuvre magistrale, mais, en fait, jamais je ne trouverai les bons mots pour vous faire part de sa qualité.