J'en reviens. Hébin, j'ai été surpris en bien. Je ne sais pas si c'est le fait d'avoir pillé un comic bien documenté qui a permis au scénario d'aller plus loin que le bas-du-front hollywoodien de base, mais le scénario tient bel et bien la route, l'histoire est bien rythmée, et quelques personnages (dont Hercule) sont même de vrais personnages fouillés et tout. Ce qui m'a le plus plu en tant que fan de mythologie grecque, c'est qu'en dehors du postulat de base (plusieurs héros sont devenus des mercenaires) l'histoire garde un rapport à peu près potable avec les "vrais" mythes, et en joue même beaucoup, de plusieurs façons. D'abord, il y a tout un jeu (peut-être pas "une réflexion" mais presque) sur la naissance des mythes, considérés ici comme des faits déformés et amplifiés. Hercule est présenté dans les premières minutes du film par ses travaux tels qu'on les connaît, et par la suite on se rend compte que les choses ne se sont pas vraiment passées comme ça et qu'Hercule et ses compagnons jouent sur cette réputation pour augmenter la peur de l'ennemi. Et il y a plusieurs autres éléments du film qui reposent sur cette logique. Ensuite, comme dans le comic d'origine, les personnages principaux sont (presque) tous d'authentiques figures de la mythologie grecque, et le film s'appuie sur certains vrais éléments de leur mythe (à défaut d'être complètement respectueux). C'est un plaisir de voir à l'écran des héros jusque là inconnus du cinéma ou presque, comme Atalante, Tydée ou Amphiaraos. Bon, le personnage d'Atalante a visiblement dérouté les scénaristes qui ont encore échoué à mettre vraiment en avant un personnage de guerrière, mais elle arrive à exister à peu près et à faire sa part du boulot dans l'histoire. Tydée est largement aussi flippant que dans son vrai mythe, voire plus, puisqu'il devient un traumatisé de guerre et une sorte de bête féroce adoptée par Hercule. Et le personnage d'Amphiaraos joue beaucoup sur le fait qu'il est supposé connaître le moment de sa propre mort, ce qui peut être dramatique ou drôle selon les scènes.Hercule lui-même devient un personnage intéressant et gagne en profondeur, notamment grâce aux souvenirs de sa vie qui ponctuent le film et qui lui construisent une psychologie de héros tourmenté (le film se base sur l'épisode où Hercule tue sa propre femme et ses propres enfants dans un accès de folie envoyé par Héra).Le film contient finalement peu voire pas de merveilleux et adopte de ce point de vue une approche "historicisante" fréquente dans les péplums actuels (
Troie, typiquement). Mais il y a plein de références à la "vraie" mythologie, qui sont très souvent écartées ensuite pour construire une autre version des faits, mais qui sont là quand même et qui donnent de l'épaisseur au scénario.Ne vous attendez pas non plus à un truc totalement respectueux de la mythologie, hein. Par exemple, les scénaristes ne pouvaient visiblement pas concevoir une héroïne qui ne soit pas une Amazone, donc Atalante devient une Amazone ; et j'ai aussi l'impression qu'Héraclès et Eurysthée, qui normalement sont de Thèbes, ont été relocalisés à Athènes, mais il faudrait que je revoie le film pour être sûr. Quant aux amours homosexuelles d'Héraclès, ha ha ha, non mais sérieusement, vous n'y pensez pas ? Un film sur la mythologie grecque avec de l'homosexualité, en 2014 ? Inconcevable. Iolaos n'est donc plus l'aimé d'Héraclès mais devient juste son neveu et compagnon d'armes, par ailleurs un personnage intéressant puisqu'il joue plus ou moins le rôle d'aède ou d'orateur de la bande, mais attention, rien d'autre que de l'amitié virile, vous n'y pensiez pas... (Je comprends pourquoi l'auteur du comic a fini par prendre ses distances vis à vis du film, parce que, de mémoire, toutes ces bêtises n'étaient pas dans le comic.)Bon, et sinon, donc, le film est bien rythmé, il y a des rebondissements régulièrement, les Méchants sont Réussis (important). Et il y a finalement pas mal d'humour qui donne un côté un peu starwarsien à cette bande de héros improbables. La fin du film tient moins des mythes grecs que de la longue et grande tradition des films sur Hercule (il y a forcément un moment où il fait de gros tours de force), mais ça se goupille pas trop mal.Un truc drôle quand même, mais probablement pas censé être sérieux :
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le linothorax, sérieusement ?

En plus il est très vite oublié et visiblement pas à l'épreuve des lames dans la suite.
La mise en scène, Zeus merci, n'emploie que très peu de ralentis esthétisants à la c**, on n'est pas du tout dans un truc façon
300. Il y a du sang mais la guerre reste présentée comme une réalité dure et pas spécialement attirante, et les gens n'ont pas trop trop envie de mourir.Les décors, costumes et tout sont soignés, rien à redire là-dessus, et idem pour les scènes d'action et les cascades.Les acteurs... ma foi, sans être l'acteur du siècle, Dwayne Johnson fait son boulot en Hercule. John Hurt en Cotys est fort bon, Joseph Fiennes en Eurysthée est antipathique à souhait. Ian McShane est amusant en Amphiaraos. Les autres font le boulot.Bref, c'est nettement au-dessus du
Choc des titans et des
Immortels en termes de subtilité scénaristique et d'appropriation de la mythologie, et ça n'a (par bonheur) pas le côté outrageusement sérieux et bas du front de ces précédents péplums mythologiques. Ça manque quand même d'un minimum d'audace (sérieusement, quand vont-ils enfin arrêter d'hétérosexualiser systématiquement l'Antiquité au cinéma ? Ça devient d'autant plus embarrassant et pitoyable que les séries TV ont des années-lumière d'avance sur Hollywood de ce point de vue, et je ne parle même pas des personnages féminins) et un peu de merveilleux, mais c'est étonnamment bon par rapport à ce qu'on avait vu jusque là dans cette catégorie.