C'est là qu'on voit la force du lien affectif que les lecteurs peuvent entretenir avec le texte français ! C'est normal, mais il ne faudrait pas que ça nuise de façon trop caricaturale à l'objectivité de leur jugement sur un travail de traduction manifestement très ardu, et qu'on ne pourra évaluer qu'après sa publication complète...En ce qui me concerne, je suis extrêmement content de voir paraître enfin une nouvelle traduction. Tout simplement parce que les lecteurs auront plus de choix ! Si certains préfèrent garder les noms anglais, libre à eux ; si d'autres préfèrent en rester à la traduction avec laquelle ils ont découvert Bilbo, libre à eux aussi. Mais rien ne va être "perdu" ! La diffusion du texte de Tolkien va s'en trouver enrichie de toute façon.On a tendance à oublier qu'une traduction ne retire rien. Elle n'empêche pas le texte original d'exister. Elle n'empêche pas d'autres traductions d'exister ou de rester possibles. Dans une perspective à long terme, une traduction supplémentaire, c'est un mieux sur toute la ligne. S'il y en a de mauvaises, elles seront impopulaires et finiront par être éclipsées par d'autres, voilà tout !Et je suis franchement heureux de voir qu'un travail de francisation des noms a été fait. Pourquoi ? Tout simplement parce que l'adaptation des noms propres fait partie intégrante du travail de traduction, surtout dans les univers de fantasy où énormément de noms ont une étymologie qui compte, dont le sens est important pour la bonne compréhension de l'univers et de ses personnages.Je comprends l'attachement qu'on peut avoir aux noms de la VO d'une oeuvre, mais les garder tels quels dans une traduction, c'est tout simplement laid.Et cela empêche le lecteur de saisir pleinement le sens de ces noms.On a trop tendance à l'oublier quand on maîtrise bien l'anglais, mais il y a plein de gens qui ne maîtrisent pas du tout cette langue. Notamment les enfants, mais pas seulement. Or tout le monde doit pouvoir accéder pleinement à l'univers du livre. Il ne faut surtout pas supposer que tel ou tel jeu de mots, telle ou telle allusion sera forcément comprise directement en anglais par des lecteurs francophones : c'est loin d'être le cas.Patrick Couton, traducteur de Terry Pratchett, a été encensé pour son travail consistant notamment à trouver des équivalents aux jeux de mots et aux noms inventés par l'auteur, tout simplement parce que toute une part de l'humour du Disque-monde passe par là et qu'on ne peut pas faire autrement si on veut que le lecteur puisse pleinement en profiter. Idem en BD avec les jeux de mots d'Astérix dont quelqu'un parlait plus haut.Ça ne pose pas non plus problème pour les personnages de livres pour la jeunesse, du genre Fifi Brindacier.Malheureusement, en dehors de cas aussi évidents que celui-là, les lecteurs de fantasy anglophone ont une tendance fâcheuse et terriblement naïve à oublier des vérités pareilles, qui sont pourtant les bases d'un vrai travail de traduction !C'est comme si les lecteurs, captivés par les allitérations et autres jeux de sonorités qu'ils découvrent en anglais, s'imaginaient soudain que seule l'Unique Langue Anglaise est capable d'une telle beauté, que toute altération ne ferait que violer le charme souverain des gars de l'autre bout de la Manche. Désolé, mais non. J'aime beaucoup l'anglais, mais chaque langue a ses beautés, et le français a les siennes. Dans "Baggins", l'accent porte sur le a, on a deux g, on a le "innns" qui finit le mot très musicalement. Et le début veut dire "sac", mais comme on est français on peut plus facilement l'oublier pour ne sentir que la matière sonore du mot.Dans "Sacquet" ou "Bessac", on a des suffixes qui "sonnent français" (-quet, -ac). C'est terriblement familier. Alors oui, forcément, on perd le côté anglais ! Oui, ça a l'air français et du coup moins exotique ! Mais c'est le signe que la traduction est réussie. On a un nom de famille qui fait famille française des campagnes profondes, c'est pile ce qu'il faut pour les habitants de la Comté. Et on a "sac" qui permet de comprendre directement tous les jeux de mots basés dessus.J'aimais assez "Sacquet", "Bessac" n'est pas mal non plus. Ce sont de bonnes traductions. Et je suis aussi pour les modifications orthographiques afin d'expliciter les sonorités pour des lecteurs francophones. Je suis désolé, Mith, mais "Saruman" en français ça se prononce comme "s'enrhumant" sans le n. Si on veut être sûr d'être compris, il faut adapter en "Saroumane". Et franchement "Ouistrenesse" moi ça me fait tripper (mais c'est une question de goûts).Arrêtez de taper dessus au nom d'un attachement aux noms originaux à la fois naïf et d'un snobbisme un peu bêta. Si vous voulez les noms originaux, lisez le texte en anglais, il ne va pas disparaître à cause de l'existence des traductions, ce me semble !C'est comme si les francophones méprisaient leur propre langue et étaient myopes aux charmes des sonorités typiquement françaises (au sens large : Canada, Belgique et Afrique francophone incluses - sauf qu'un Français de métropole redevient magiquement sensible à la beauté du français quand on lui met sous le nez quelques vocables savoureux typiquement québecois, belges, ivoiriens, etc. : allez comprendre !).Etant un ardent défenseur de la francophonie (et même tout disposé à passer à l'attaque, comme vous voyez), je suis à fond pour des traductions complètes des noms propres des univers de fantasy. J'abomine, j'exècre et je vomis le tiède franglais du type "Chroniques des Ravens" que nous servent les pseudo-traducteurs de chez Bragelonne (on pourrait en citer d'autres) sous prétexte de "respecter l'original" : mes pyges, oui ! En revanche, j'applaudis des quatre mains le boulot accompli par exemple par le traducteur des cartes Magic, qui, à côté de quelques bourdes parfois dues aux délais serrés, accomplit régulièrement un superbe travail d'adaptation. L'anglais n'y perd rien, mais on a droit à une vraie version française. De même que chaque langue devrait disposer d'une traduction complète.Moins de domination de l'anglais, plus de traductions ! Moins de paresse intellectuelle, plus de couleurs, plus d'univers linguistiques épanouis, plus de diversité, plus de richesse culturelle à l'arrivée ! Voilà mon credo :)EDIT :
Guillaume Fournier a écrit :Bref, ça ne me choque pas qu'on remplace Bilbo par Bilbon sur le modèle Plato/Platon ou Apollo/Apollon.
Ton choix de modèle est étrange : en français, "Platon" et "Apollon" sont les transcriptions directes des noms grecs. En l'occurrence c'est l'anglais qui anglicise, pas le français qui francise !Mais cet exemple me fait penser aux problèmes du même genre qui se posent aux traducteurs de textes antiques. Même si ce n'est pas le cas pour les deux noms que tu cites, beaucoup de noms de dieux, de héros, de personnages historiques ont été francisés (ou anglicisés en anglais, etc.). "Achille" en grec c'est "Akhilleus", "Ulysse" au départ est "Odusseus" (c'est le nom latin qui a donné ensuite "Ulysse"). Or "Odusseus", en grec, c'est "l'homme colérique". On perd un peu le sens, mais personne n'a encore imaginé de changer le nom français d'Ulysse en "Courrouceus" ou quelque chose du genre. On ne hurle pas à l'hérésie devant ces noms francisés, parce que ça fait bien longtemps qu'on s'y est habitués...