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Posté : sam. 15 sept. 2012 02:21
par Milieuterrien
Je n'ai pas encore décidé quelle version j'allais acheter. Chacun ses motivations. La mienne est simplement de parcourir la version du Bilbo de Tolkien qui fournit l'ossature de la trilogie filmée, celle sur laquelle l'équipe de réalisation a planché, donc celle par rapport à laquelle le travail du film pourra être apprécié. Dans l'absolu, cette version canonique est bien évidemment la version anglaise, avant toute version traduite. Comme il est toujours utile de fréquenter la langue anglaise par les temps qui courent, c'est peut-être le choix que je ferai, même s'il est un peu plus difficile.Il faut évidemment s'attendre à des divergences entre le Bilbo de PJ et le 'canonique' de Tolkien, pour des raisons adaptatives analogues à celles qui ont fait diverger par endroits le SdA de PJ et celui de Tolkien. Pour ce qui concerne les traductions du livre, il faudra s'attendre à une surimpression des divergences induites par l'exercice de traduction, en sus des divergences liées à l'adaptation filmée.Rien ne permet d'établir au jour d'aujourd'hui quelle version française apportera les éclairages les plus consistants à la trilogie filmée.A vue de nez :- La version originale anglaise tient la pole-position, mais seulement pour les anglophones- La traduction française la plus ancienne, appelons-là 'naïve', part avec le plus grand handicap.- La version annotée la plus récente, appelons-là 'érudite', peut avoir pour elle des atouts originauxMais cette version-là souffre d'un possible handicap : elle cherchera à puiser dans les annexes de Tolkien sans visibilité sur les choix adaptatifs de la trilogie filmée. Donc de deux choses l'une : - Soit PJ entend être très fidèle à Tolkien, en puisant rigoureusement dans les annexes au-delà de Bilbo. Auquel cas, il peut y avoir des recoupements éclairants entre la version 'érudite' et la trilogie filmée.- Soit PJ exploite sa latitude adaptative pour développer dans le rythme de la narration des personnages et des situations que Tolkien n'avait explicitement développé nulle part. Auquel cas, il ne faut pas s'attendre à ce que les annexes explorées par la version 'érudite' apportent un 'plus' : L'exemple-type de cette seconde situation est le rôle de playboy épris de Galadriel attribué à Kili. Comme cet insert ne figure évidemment dans aucune des versions originales ou traduites, il est probable que les bataillons de puristes, les érudits aussi bien que les naïfs, y trouveront matière à tempêter. Mais cela n'empêche pas des spectateurs non ligotés au Dogme de se questionner sur l'intérêt cinématographique intrinsèque de l'insert.Dans le cas de King Kong, la scène la plus belle - pour moi - est survenue quand une voix lisait un passage d'Au Coeur des Ténèbres - qui n'avait rigoureusement rien à voir avec la trame de Cooper et Schoedsack - tandis que tous les personnages franchissaient une passerelle étroite menant au village de l'Ile du Crane. La musique était sublime, alors qu'elle avait été composée en catastrophe quelques semaines avant le bouclage du film. Bref, la création cinématographique, ce n'est pas rien et je ne vois pas pourquoi elle devrait être indéfectiblement subordonnée à la création littéraire, et encore moins pourquoi je devrais subordonner mes propres émotions de cinéphile à un ricanement d'érudits, ou pire, de rémoras accrochés comme des pastilles de pub au prestige jacksonien.Je veux bien partir sans a-priori, mais pour moi les choses sont on ne peut plus simples : si l'auteur d'une traduction est d'humeur à traiter par un sarcasme lapidaire l'intérêt, mais aussi les traces d'inquiétude, manifestées par tel ou tel lecteur possiblement intéressé par son Beaujolais Nouveau, je n'aurai pas beaucoup à me tâter, car comment ne pas m'attendre à retrouver d'autres échantillons de son respect des lecteurs dans toute sa traduction ?PJ, lui, fait preuve d'une ouverture bien plus prononcée vers l'univers de ses publics, et je ne l'ai pour l'instant jamais vu céder au désir d'en expédier un pour le compte. Au contraire, il n'hésite pas à les sonder des siècles en amont pour flairer les erreurs à ne pas commettre, les reproches à ne pas endurer. Il ne débarque pas, lui, deux jours avant le bouclage, en criant "Evénement !" et en tapant à bras raccourcis sur les points de suspension.

Posté : sam. 15 sept. 2012 04:13
par Daniel Lauzon
Il est évident que la nouvelle traduction ne tient aucun compte des adaptations cinématographiques de Peter Jackson. Comme la précédente, elle s'attache mot pour mot (mais pas mot à mot) à l'œuvre écrite par J.R.R. Tolkien. Toute l'objectivité qu'elle peut avoir se fonde entièrement sur ce que J.R.R. Tolkien a écrit et pas autre chose. S'il en était autrement, je ne donnerais pas cher du livre qui vient d'être publié. Livre et film sont deux univers entièrement distincts; si l'un est l'adaptation de l'autre, c'est une relation qui est purement à sens unique, en ce qui me concerne. Après, qu'on lise Tolkien chez Ledoux, Lauzon, ou Tolkien, la distance avec l'adaptation reste la même, les manquements d'une traduction par rapport à l'œuvre originale ou les subtiles différences qui peuvent exister entre les versions étant relativement insignifiants par rapport au gouffre qui s'annonce entre l'œuvre écrite et la version filmée.Pour ce qui est des accusations dont je fais l'objet, qui sont graves, et que tous n'ont peut-être pas relevées, je vais dire ceci.Cela fait depuis l'an 2000 que je travaille aux traductions françaises de Tolkien, et depuis 1996 au moins que je m'intéresse à elles; c'était bien avant l'oscarisation et même le tournage de la trilogie de Peter Jackson, et c'est un engouement qui n'a strictement rien à voir avec elle.J'ai traduit plusieurs volumes de Tolkien depuis que j'exerce ce métier, volumes assez confidentiels qui s'adressent surtout aux passionnés et aux spécialistes; et prétendre que mon intérêt envers les écrits de Tolkien serait miraculeusement apparu dans le sillage du succès commercial de Jackson (aux relents que je qualifierais de nauséabonds) est non seulement ridicule mais drôlement culotté.Ce n'est pas de ramper que de faire des insinuations pareilles; c'est de la provocation pure et simple qui n'a rien à voir avec ce que vous ou moi pensons de Bessac, Pessac, Bout-de-Sac ou que sais-je encore.Ce n'est pas faire preuve de mépris que de rappeler qu'une traduction littéraire est avant tout redevable à l'auteur de l'œuvre, et de justifier son travail et ses décisions en expliquant le travail de recherche qui se trouve derrière.Si le public a voix au chapitre, je dois dire qu'heureusement, la grande majorité du public, sans prendre parti pour quiconque, est consciente du labeur que représente un travail de traduction, et sait pertinemment que ce n'est pas le traducteur qui doit quelque chose au public, mais bien l'inverse. Et ça, ça m'est très difficile à écrire, parce que je ne suis vraiment pas du genre à exagérer mon importance.S'adresser à un créateur en ramenant tout aux intérêts commerciaux ou à l'orgueil intellectuel, c'est aussi, heureusement, un pas que tout le monde n'est pas prêt à franchir. Alors pour les leçons de savoir-vivre et d'ouverture, on repassera.Maintenant, j'ai bien hâte de voir ce que Saint Peter répondra personnellement à ses fans en délire quand il viendra faire un petit tour sur Elbakin... Non mais franchement! C'est pas sérieux! ;)

Posté : sam. 15 sept. 2012 04:18
par Gilthanas
Loin de ces querelles de clocher, j'ai une question qui fâche : Une sortie au format numérique est prévu ? Parce que dans mon cas personnel, vu que je n'habite pas en France, et que Amazon.fr ne livre pas en Chine, je n'ai pas d'autres moyens de profiter de cette nouvelle traduction qui titille mon intérêt de fan de Tolkien :)Je me doute bien que ça sera non, mais sait-on jamais...

Posté : sam. 15 sept. 2012 04:37
par Daniel Lauzon
Gilthanas: Malheureusement, je n'ai pas réponse à cette question.Souhaitons que ce soit le cas; et dans le cas inverse, j'imagine que tu pourras trouver un libraire importateur ou un magasin en ligne pour livrer la marchandise où tu habites, quand le livre aura connu une plus grande distribution (usagés, vendeurs indépendants, etc.).Daniel

Posté : sam. 15 sept. 2012 04:40
par Elendil Voronda
Milieuterrien a écrit :Pour le reste, nous apercevons ici l'idée, préférée à la réédition, de retoquer du début à la fin une traduction qui existait déjà, avec ses défauts certes (mais lesquelles en sont dépourvues ?). Par nature, un tel exercice contraint à déprécier l'ancienne version ("le traducteur ne connaissait pas le Silmarilion"). Pourquoi pas, mais en même temps on apprend que le Bilbo de l'ancienne version était déjà l'ultime réécriture de Tolkien, donc qu'elle comportait déjà tout ce que l'auteur avait voulu y glisser du reste de son oeuvre. S'il y a des ajouts, ça ne peut donc être que des inférences tardives, dépourvues de toute capacité d'être soumises à l'auteur. C'est secondaire dira-t-on, mais tout de même, pour s'en tenir à Bessac, Tolkien aurait-il approuvé ?
Sauf que Ledoux n'avait pas lu le SdA quand il traduisit The Hobbit (pas plus que le « Guide to the Names of The Lord of the Rings », où Tolkien explique comment il conçoit le travail des traducteurs de son œuvre), et ne pouvait avoir lu The Silmarillion, puisque ce livre ne parut qu'en 1977. Il faut se remettre dans le contexte... Daniel Lauzon a lui l'avantage d'avoir lu ces trois livres et tous les manuscrits publiés par Christopher Tolkien depuis la mort de son père. C'est significatif quand il s'agit de respecter la cohérence globale de l'œuvre.Après, c'est entièrement ton choix de considérer qu'on se trouvait mieux avec une traduction du Hobbit où deux des principaux personnages s'appelaient Bilbo Baggins et Thorin Oakenshield et une du SdA où il se nomment Bilbon Sacquet et Thorïn Écu-de-Chêne, qu'avec la perspective d'une traduction unifiée où ils se nommeraient Bilbo Bessac et Thorin Lécudechesne dans les deux livres. Je conçois parfaitement que chacun peut avoir ses préférences en matière de nomenclature. Pour ma part, j'avoue préférer une traduction unifiée. Et même si quelques-uns des choix de Ledoux me paraissent meilleurs que ceux sur lesquels s'est arrêté Daniel, je trouve que l'amélioration est significative. Tant du point de vue des noms propres que du texte en général, et des poésies en particulier. Il m'a fallu attendre d'être capable de lire Tolkien en anglais avant de me rendre compte qu'il était un poète remarquable, tant les traductions des poèmes par Ledoux étaient — osons le mot — désastreuses. Si j'avais eu la traduction de Daniel entre les mains à l'époque, j'aurais été en mesure d'apprécier ces mêmes poèmes dix ans plus tôt.

Posté : sam. 15 sept. 2012 05:10
par Daniel Lauzon
Merci Elendil pour ces commentaires élogieux et intéressants qui, oui, font plaisir à lire (et pour lesquels tu ne seras pas rémunéré par l'éditeur Bourgois).Je te rejoins quand tu parles de la "cohérence d'ensemble" de l'œuvre.Pour citer un exemple concret, prenons le cas des Elfes. S'ils ont, dans "Le Hobbit", encore quelque parenté avec les contes de fées des siècles précédents, où ils étaient habituellement conçus comme de "joyeux lutins", on peut dire que ce sont néanmoins les mêmes Elfes qui peuplent l'univers du Silmarillion. Ces Elfes, la tradition littéraire récente ne les connaissait pas avant. Maintenant, c'est une évidence, mais il est clair que ça peut exercer une influence sur certains choix de traduction.Il y a aussi le style de Tolkien, son rapport à la langue: celui-ci est beaucoup mieux connu qu'il ne l'était. Dès qu'on est mieux outillé pour le comprendre, le processus de traduction (qui est loin d'être automatique) s'en trouve transformé. Déceler l'intention de l'auteur derrière le choix des mots n'est pas toujours chose facile, même quand on lit en version originale. Une traduction se doit d'être une "lecture parfaite", ou du moins, elle doit viser cet idéal. C'est évidemment assez subjectif, mais c'est justement pour cette raison qu'il faut éviter de "deviner", et se fonder plutôt sur une connaissance plus objective.L'intertextualité, chez Tolkien, est aussi très présente -- par définition, puisque plusieurs de ses œuvres partagent un même univers et une même tradition -- et une bonne connaissance de son œuvre permet de mieux gérer ces rapports, notamment par rapport à la nomenclature, qui est très complexe. Le Seigneur des Anneaux représente en ce sens un plus grand défi.Daniel

Posté : sam. 15 sept. 2012 07:01
par Gilthanas
Daniel Lauzon a écrit :Gilthanas: Malheureusement, je n'ai pas réponse à cette question.Souhaitons que ce soit le cas; et dans le cas inverse, j'imagine que tu pourras trouver un libraire importateur ou un magasin en ligne pour livrer la marchandise où tu habites, quand le livre aura connu une plus grande distribution (usagés, vendeurs indépendants, etc.).Daniel
Je croise les doigts pour, même si j'ai peu d'espoir... Merci de la réponse en tout cas ;)

Posté : sam. 15 sept. 2012 12:59
par Milieuterrien
Tu vois Elendil, si tu espérais être rémunéré par Bourgois, être élogieux, intéressant et faire plaisir à lire ça ne te servira guère.Pour te chercher réconfort, je me propose donc de tester si les choses s'arrangent en cochant "critique" au lieu "d'élogieux" :DC'est vrai que la question de la cohérence de l'oeuvre est un défi quand on s'attaque au Hobbit. Le premier à se débattre avec ça, c'était JRR, écartelé entre les développement ultérieurs de son univers, et l'ouvrage de commande, destiné à un public juvénile, qu'il avait été invité à produire bien avant de devenir un maître chenu et reconnu.Par exemple, à l'époque du premier jet, si Tolkien était sans doute déjà atteint par des prémisses de transtextualité, il n'avait pas encore été contraint de subir pour ça la greffe lourde que lui a imposé le succès cosmique du SdA. La première fois que Tolkien a dû s'adresser à un lectorat juvénile, il ne s'était pas engagé dans la voie des appendices à tiroir indéchiffrables, qui auraient pu égarer les têtes blondes, car son 'Hobbit' fut un succès immédiat.Si j'ai bien suivi, Ledoux a traduit la version ultime de Tolkien, mais dans un esprit candide, sans les arrière-plans du reste de l'oeuvre. Cette façon de faire n'était pas incompatible avec un lectorat juvénile, non érudit, bref à peu près le même que celui auquel s'était adressé Tolkien trente ans avant. Pour autant, "l'ultime" Hobbit de Tolkien, que Ledoux a traduit, n'était pas le même livre que le premier des Hobbits, et en particulier ne s'adressait déjà plus au même public, puisque cette fois il s'agissait de répondre aux désirs des connaisseurs de la Terre du Milieu. D'où des discordances entre l'esprit 'candide' de la traduction et l'esprit 'mûri' du livre. Mais ce n'était pas si gênant, car le lectorat francophone n'était pas lui-même instruit de la TdM, et n'imposait à l'époque aucune demande en ce sens.Bref, la traduction de Ledoux avait pour cohérence de s'adresser à un public juvénile francophone accompagné dans une aventure dans le monde de Tolkien sans avoir à l'être dans des méandres transtextuels, si ce n'est une "compatibilité-SdA" d'ailleurs gérée par Tolkien lui-même. D'un point de vue de lecteur, cela faisait un livre à parcourir d'une traite sans s'arrêter sur chaque recoin, plutôt qu'une bible à arpenter loupe en main.Il est donc certain qu'après trente ans, et une familiarité plus avancée du grand public avec l'ensemble de l'oeuvre, il émerge un besoin pour cet arpentage-là. Mais justement, c'est là que le bât peut blesser :Car s'il y a actuellement relance de l'intérêt en faveur de Tolkien, son carburant principal n'est pas la découverte littéraire de l'oeuvre (celle-ci avait eu lieu, mais avant tout aux alentours des années 60/70 avec décalage d'au moins une décennie entre anglophones et francophones), mais bien le méga-succès planétaire de la Trilogie jacksonnifiée, porteuse de sa propre filière créative.L'écueil réside dans les interférences entre les deux sources, pijiste et puro-tolkienniste. Or la lutte entre les deux s'annonce assez inégale, surtout en France, où le puro-tolkiennisme littéraire n'a pas l'assise qui est la sienne dans le monde anglo-saxon :Chez les Britons, l'oeuvre écrite est en prise directe non seulement avec la langue, mais avec l'inspiration proprement britannique de Tolkien. Les Anglais baignent au quotidien dans leur Cheshire et autres Lancashire, tandis qu'en France, depuis deux bons siècles il n'est plus question de Comtés, sauf dans le Jura et encore. Et ce n'est là qu'un des innombrables décalages culturels entre les deux rives de la Manche :Par exemple, il est connu que Tolkien était mû par la frustration d'une absence d'histoire légendaire en Angleterre, consécutive à l'écrasement des Saxons par l'invasion des normands féodalisés, au début du Second Millénaire. C'est pourquoi il a situé son univers imaginaire dans une sorte de prolongement d'un monde celto-saxon mythifié et enchanté, hanté par l'identité d'un royaume perdu. Les français ont une toute autre histoire : enracinés sur une terre vaste et fertile, leur monde médiéval a été celui d'une royauté à peu près constamment triomphante depuis au moins Clovis et Charlemagne, ponctuée d'affaiblissements, d'invasions momentanées et de secousses féodales qui restèrent toujours transitoires. Chez les Français, la chevalerie était autochtone, fière, querelleuse, soudée à son pays et à ses gens, et elle a longtemps dominé avant d'être reléguée par l'absolutisme princier puis par la geste révolutionnaire. Chez les Anglais, l'aristocratie des envahisseurs normands est toujours restée aux commandes, car solidaire face à la piétaille indigène, autrement dit les nains ou les hobbits, qu'elle regardait de haut. C'est pourquoi l'esprit de caste mâtinée de peuples, sans parler des Ecossais ou des Gallois, résonne chez les britanniques bien davantage que de notre côté de la Manche, où règnent d'autres mythologies.Autant dire que dans ces conditons, ancrer des références entre Tolkien et le grand public francophone relève de la gageure serrurière, et a tout pour coincer, qu'on le veuille ou non, dès les premiers tours de clé.Le cas de Thorin Oakenshield est édifiant à cet égard, ne serait-ce que parce que les anglais se contentent d'un seul mot, "shield", là où les français en utilisent deux, écu et bouclier. - Chez nous les boucliers, c'était une affaire de gaulois et de romains. Bien avant nos premiers exemplaires connus de nains, qui sont d'ailleurs à chercher dans les montagnes d'allemagne et avaient juste des pelles et des pioches. - Chez nous les écus, c'est la chevalerie, les siècles d'héraldique, de joutes et de croisades, bref vraiment pas une affaire de nains.D'emblée, refiler un "écu" à un nain, c'est du bug à l'état pur. Les écus, on connaît, on avait même des 'écuyers', genre jeunot dévoué, pour les porter, les suspendre à la parade, les astiquer, etc. Mais un nain écuyer, ça ferait gag ! Peut-on réussir sans pouffer à imaginer un nain en poney galopant dans la mêlée pour aller remettre un écu à son seigneur et maître... un autre nain en poney ? Tout indique que les nains de Tolkien n'ont pas besoin d'écus, et encore moins d'armoiries : ils ont leurs... barbes. Par contre ils ont sans doute besoin de boucliers. Mais en bon fer martelé, sans fioritures peintes. Du coup, à choisir il conviendrait plutôt d'appeler Thorin "Bouclier-de-Chêne". A priori ça passe un peu mieux le look-test, même si ça reste moins compact qu'Oakenshield."Lécudechesne" aura à mon avis davantage de mal à convaincre. Les gamins d'abord, à qui il faudra expliquer qu'il fut un temps du vieux françois où l'accent circonflexe n'avait pas encore bouté le s hors des mots. Les templiers du monde nain ensuite, qui frémiront de la moustache en voyant un surnom mimer un patronyme qui n'a rien de Nain.Vous en doutez ? Alors prononcez après moi : Ori, Nori, Dori, Oïn, Gloïn, Bombur, Lécudechesne, Bifur, Bofur, Kili, Fili, Balin, Dwalin. Maintenant, vous avez cinq minutes pour trouver l'intrus. C'est trop ?"Ah mais non, c'est un surnom !" protesterez-vous. Sauf qu'un surnom, ça fonctionne en aggloméré chez les anglais, mais chez nous, pas tout à fait : Perceval Le Gallois et Perceval Legallois ne s'équivalent pas, en gaulois.____________Bref, en trois mots comme en trente, dubitatif je suis.

Posté : sam. 15 sept. 2012 13:53
par Lorhkan
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Posté : sam. 15 sept. 2012 18:37
par Daniel Lauzon
Revenons sur terre un instant pour nous arrêter à la question du lectorat.La seule différence entre l'ancienne traduction et la nouvelle à ce niveau, c'est que l'ancienne utilise parfois un registre soutenu et des tournures inutilement vieillies pour traduire des passages rédigés dans un anglais tout à fait courant. Dans la mienne, j'ai tenté d'éviter ce travers, justement parce que le livre s'adresse avant tout à des enfants.La notion de "version naïve" vs. "version érudite" fait partie d'une théorie que Milieuterrien vient d'inventer. Il ne comprend pas, ou ne veut pas comprendre, ce qu'on tente de lui expliquer.Le choix "érudit" consisterait plutôt à opter pour l'édition annotée, au lieu de l'édition classique (dans n'importe quelle traduction) qui propose seulement le texte, mais ce sont des étiquettes qui, comprenons-nous bien, ne veulent absolument rien dire.Par ailleurs, l'historique des textes (Hobbit et SdA) que propose Milieuterrien ci-dessus est, au mieux, truffé d'approximations. Ça commence dès la première phrase, où l'on apprend que Le Hobbit était un ouvrage de commande. Rien n'est plus faux.Daniel

Posté : sam. 15 sept. 2012 18:57
par Elendil Voronda
Milieuterrien a écrit :Car s'il y a actuellement relance de l'intérêt en faveur de Tolkien, son carburant principal n'est pas la découverte littéraire de l'oeuvre (celle-ci avait eu lieu, mais avant tout aux alentours des années 60/70 avec décalage d'au moins une décennie entre anglophones et francophones), mais bien le méga-succès planétaire de la Trilogie jacksonnifiée, porteuse de sa propre filière créative.
Sauf que les traduction, Daniel a bien raison de le souligner, se réfèrent uniquement à l'œuvre de Tolkien, et pas du premier continuateur venu, ou même du dixième, fut-il Néo-Zélandais.
Milieuterrien a écrit :Chez les Anglais, l'aristocratie des envahisseurs normands est toujours restée aux commandes, car solidaire face à la piétaille indigène, autrement dit les nains ou les hobbits, qu'elle regardait de haut.
C'est là où connaître le texte permet d'éviter de sortir des énormités. Certes, chez Tolkien, les Nains sont de vrais autochtones, au sens premier du terme. Mais c'est eux qui regardent les Humains de haut, si l'on peut dire (cf. « Of Dwarves and Men », par exemple). En revanche, les Hobbits sont de nouveaux-venus sur les terres d'Arnor, ce sont donc des colonisateurs, d'un certain point de vue. Au passage, je ne suis pas sûr que l'Anglais moyen détecte le parallélisme entre Hengest et Horsa côté colonisation anglo-saxonne et Marcho et Blanco côté Hobbits. Pourtant le parallèle est voulu par Tolkien.
Milieuterrien a écrit :Le cas de Thorin Oakenshield est édifiant à cet égard, ne serait-ce que parce que les anglais se contentent d'un seul mot, "shield", là où les français en utilisent deux, écu et bouclier.
Comme c'est dommage, il leur faudra donc enterrer les escutcheons, bucklers et autres targets...
Milieuterrien a écrit :D'emblée, refiler un "écu" à un nain, c'est du bug à l'état pur. Les écus, on connaît, on avait même des 'écuyers', genre jeunot dévoué, pour les porter, les suspendre à la parade, les astiquer, etc.
C'est effectivement terrible, on croirait voir le comportement de Fili et Kili vis-à-vis de Thorin, comme c'est peu Nain !
Milieuterrien a écrit :"Lécudechesne" aura à mon avis davantage de mal à convaincre. Les gamins d'abord, à qui il faudra expliquer qu'il fut un temps du vieux françois où l'accent circonflexe n'avait pas encore bouté le s hors des mots.
Dans « Du Conte de fée » Tolkien disait qu'il ne fallait pas que le conteur s'abaisse au niveau de connaissance qu'a l'enfant mais au contraire qu'il l'encourage à enrichir ses connaissances. J'avoue être assez d'accord avec cette idée. Pas toi. Tant pis pour tes gosses. :mrgreen:
Milieuterrien a écrit :Alors prononcez après moi : Ori, Nori, Dori, Oïn, Gloïn, Bombur, Lécudechesne, Bifur, Bofur, Kili, Fili, Balin, Dwalin. Maintenant, vous avez cinq minutes pour trouver l'intrus. C'est trop ?
Suffit de remplacer par Oakenshield pour constater que c'est la même chose en anglais. Au moins quand on a l'habitude de l'anglais. Si Tolkien avait voulu que tout cela s'harmonise parfaitement, il aurait gardé Eikinskjaldi, comme dans la Volüspá...
Milieuterrien a écrit :Sauf qu'un surnom, ça fonctionne en aggloméré chez les anglais, mais chez nous, pas tout à fait : Perceval Le Gallois et Perceval Legallois ne s'équivalent pas, en gaulois.
Pour le coup, j'aurais tendance à être assez d'accord sur ce point précis, et j'aurais vraisemblablement donné « Thorin l'Écudechesne / l'Écudechêne » comme traduction la plus naturelle. Mais c'est sans doute parce que je suis un péquenot hexagonal, vu qu'au Québec, il est usuel d'attacher un déterminant au début d'un nom de famille.

Posté : sam. 15 sept. 2012 19:33
par Daniel Lauzon
Elendil Voronda a écrit :Pour le coup, j'aurais tendance à être assez d'accord sur ce point précis, et j'aurais vraisemblablement donné « Thorin l'Écudechesne / l'Écudechêne » comme traduction la plus naturelle. Mais c'est sans doute parce que je suis un péquenot hexagonal, vu qu'au Québec, il est usuel d'attacher un déterminant au début d'un nom de famille.
Si j'ai parlé du Québec, c'est parce que c'est ce que je connais le mieux, mais je me doutais bien que c'était la même chose en France; tous les patronymes canadiens français, ou presque, ont d'ailleurs été importés d'outre-Atlantique. D'autres "noms dits" sont apparus par la suite, issus de l'origine géographique (ex.: Champagne) ou du prénom de l'ancêtre (ex.: Matthieu).À titre d'exemple, voici, parmi les 200 noms les plus portés aujourd'hui en France (donc, très répandus), ceux qui sont construits sur un modèle similaire:Lefebvre (13e) ou Lefevre (28e), Leroy (14e), Legrand (38e), Duval (52e), Dumont (54e), Lemaire (56e), Leroux (77e), Lemoine (85e), Dumas (87e), Lacroix (88e), Leclerc (95e) ou Leclercq (98e), Lecomte (100e), Deschamps (112e), Langlois (153e), Lévêque (157e), Leblanc (159e), Lebrun (161e), Lemaître (183e), Lejeune (194e), Lamy (196e), Delaunay (197e), Laporte (200e).Le plus complexe est sans doute Delaunay, qui se décompose en "de l'au(l)naie". Il en existe plusieurs autres.On trouve aussi dans cette liste "Le Gall" et "Le Goff", où le déterminant reste détaché. Dans les deux cas, on remarque que le mot est d'origine bretonne.Duchesne vient au 757e rang.Daniel

Posté : sam. 15 sept. 2012 19:44
par Daniel Lauzon
Toujours à propos de Oakenshield: si on décompose le nom, on obtient 'shield' bien sûr, mais aussi l'adjectif 'oaken', qui est assez rarement utilisé de nos jours et donne une saveur archaïque. C'est pour cette raison que j'ai utilisé l'orthographe ancienne du mot "chêne". Le fait qu'elle soit présente dans certains de nos patronymes est un bonus! :D

Posté : sam. 15 sept. 2012 20:56
par Milieuterrien
Sûrement certains de mes raccourcis peuvent être approximatifs. Si j'ai utilisé l'expression 'commande', ce n'était pas pour y insister, mais parce que j'avais gardé le souvenir d'un documentaire (inclus dans les DVD du SDA me semble-t-il) dans lequel un des amis de Tolkien raconte avoir encouragé le professeur à tenter l'aventure de l'édition (i.e. mettre en forme, illustrer, etc.) à partir d'une des histoires qu'ils échangeaient. En y regardant de près, on apprend d'ailleurs sur Wikipedia que l'employée d'une maison d'édition, a priori en quête d'auteurs, a été active dans le processus (ce qui n'a rien d'infâmant en soi).Donc contrairement à ce que je vois prétendre, il est tout de même beaucoup moins faux d'évoquer en l'espèce une 'commande' que si Tolkien avait passé des années à bombarder les maisons d'édition avec son manuscrit. L'expression "rien n'est plus faux" appliquée à mon propos n'est pas exacte et on ne peut même pas dire qu'elle est approximative. J'y vois juste un effet de manche rhétorique, commode pour affirmer son autorité, en tout cas pour ceux qui ont ce genre de volonté-là un peu dans tous les milieux.J'ai expérimenté qu'à l'oral, ces effets-là faisaient facilement impression, mais sur un forum, c'est un peu moins sûr. Par exemple, ça n'a pas suffi à dissuader Elendil Voronda d'explorer mes approximations jusqu'en bout de 'chêne'. Mais vous savez, moi, je n'en demande pas tant...D'ailleurs je l'en remercie, Elendil, parce qu'il a mis à mon avis le doigt judicieusement sur le fait que Kili et Fili ont un rôle qu'on peut apparenter à celui d'écuyers. Ce qui permettra aisément de vérifier si des poneys ont l'impact de chevaux au coeur d'une bataille face à des gobelins de taille humaine, ou aussi bien, s'ils sont en charge du blason armorié de Thorin sur les longs chemins où le seigneur transpire sous son armure en attendant la bataille. ...Donc d'explorer la pertinence du concept "d'écu" chez les Nains, en tout cas au vu des mises en scène que P Jackson aura à mobiliser sur le terrain.Je suis d'avis, sur le sujet, de retenir sa salive en attendant décembre prochain :)

Posté : sam. 15 sept. 2012 21:16
par Daniel Lauzon
Laissons donc aux gens le soin de juger si vos arguments se tiennent ou non. Il n'est pas question ici de faire l'autorité, mais de faire autorité. C'est là qu'on voit l'importance d'un déterminant! :pD.

Posté : sam. 15 sept. 2012 22:25
par Milieuterrien
Nous serons d'accord là-dessus !De toute façon vous vous doutez bien qu'il n'entre nullement dans mes intentions de suivre à la trace chaque ligne de toutes les traductions de Bilbo en prétendant y faire autorité, surtout si le prix à payer est de voir mes petites incises aussitôt détournées de leur sens pour mieux être taxées d'énormités ! Passer ma vie une aiguille à la main pour dégonfler ce genre de baudruches ne fait pas partie de mes déterminants... Et puis j'approuve de toute façon dans son principe la brèche ouverte dans le dogme de certaines traductions originelles, qui n'ont pas plus que d'autres vocation à rester à jamais gravées dans le marbre, et je ne suis pas partie prenante des arbitrages qu'en rendront le public.Il me suffit largement, pour siffler d'aise, d'avoir trouvé dans l'aventure et pour mon propre usage, le pansement 'Bout-de-Besace' qui soigne mon furoncle 'Cul-de-Sac'.;)

Posté : dim. 16 sept. 2012 11:12
par Eorlingas
@Milieuterrien : j'ai du mal à comprendre le fond de ton propos (là où tu veux en venir) par rapport au livre et sa nouvelle traduction par Daniel Lauzon, du fait que tu les mets parfois en perspective avec le travail d'adaptation cinématographique de Peter Jackson du Seigneur des Anneaux et du Hobbit à venir.J'ai compris qu'il y avait deux trois mots qui t'insupportaient en Français, mais ceci semble plus affaire de goûts et de dégoûts, que d'arguments à la lecture de tes échanges avec les spécialistes sur ce fil de discussion.Une traduction est une oeuvre à prendre dans son ensemble (comme tout oeuvre littéraire), et pas juste quelques mots pris individuellement. Mais cela peut être prétexte à des discussions de détail sans fin, pour le plaisir d'écrire et de l'échange de références linguistiques et culturelles. ;)Peut-être t'interroges-tu au fond sur la version française de l'adaptation cinématographique du Hobbit par Peter Jackson (puisque l'oeuvre de Peter Jackson semble être ton prisme de lecture de celle de JRR Tolkien), mais là c'est plus dans la section "Adaptation" qu'il faudrait nourrir le débat, et cela aura sans doute peu à voir avec le travail littéraire de Daniel Lauzon.

Posté : dim. 16 sept. 2012 20:33
par Foradan
Me voici de retour !Je viens de passer 3 jours à répondre à des gens ne sachant pas qu'il y avait une nouvelle traduction, ne sachant pas l'intérêt d'une nouvelle traduction, ne voyant pas l'utilité des annotations (ceci étant particulier à l'une seule des trois versions "traduction 2012") et à mesure que je devais trouver des réponses, il m'est apparu de plus en plus évident, ainsi qu'au public nombreux au festival Cidre et dragon, que les annotations sont un point d'intérêt, pas forcément pour tous, certains viseront plus la version illustrée, ou le côté pratique du petit format.Mais la qualité de la nouvelle traduction, je l'ai démontré en collant les trois livres côte à côte et en laissant les sceptiques lire eux même. j'en reparlerai bientôt, mais ma tâche fut d'autant plus facile que le texte parle de lui-même.

Posté : dim. 16 sept. 2012 21:56
par Milieuterrien
Edit de modération : trop c'est trop, il est hors de question de parler encore d'adaptation hors de la section adaptée, je me tâte même de déplacer ou supprimer les messages inopportuns.S'il n'est pas tenu compte des rappels à l'ordre, j'estime qu'on dénie mon autorité -voire mon pouvoir- et que l'on cherche à semer le chaos.je suis un paladin, le chaos, c'est mal.Ce message a donc été intégralement supprimé et son émetteur mis en quarantaine pour l'exemple.Pour rappel, JRR Tolkien n'a pas novelisé un film, même si tout le monde devrait être au courant, comme ça c'est dit.Pour la questions sur les différentes versions, au coup d'oeil, celle illustrée par Alan Lee réussissait à attrapper le chaland à plus de 20 mètres, j'ai même vu des gens s'agenouiller devant :)

Posté : lun. 17 sept. 2012 05:38
par Daniel Lauzon
Merci Foradan pour ce louable travail auprès des amateurs du festival ! De la part de quelqu'un comme toi qui consacres tant d'énergies aux traductions de Tolkien, ce dévouement pour faire mieux connaître le travail d'un collègue est plus qu'honorable. Merci.Daniel