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Les romans de Steven Erikson sont des livres à part dans le monde de la Fantasy. Jusqu’à présent j’en ai lu trois (sur quatre déjà sortis en anglais), je suis assez d’accord avec la critique de Gillossen quant au tome 1, les Jardins de la Lune, et je n’en parlerai donc pas en détail ici.D’abord, mon avis sur l’ensemble. Premièrement, ne vous fiez pas à l’info qui circule et selon laquelle les romans sont indépendants. Ce n’est pas tout à fait vrai, ni vraiment faux d’ailleurs, disons que nous suivons plusieurs histoires qui se recoupent de temps en temps et qui se passent dans le même monde, le fil conducteur étant la famille d’un des héros, Ganoes Paran. Il faut toutefois les lire dans l’ordre, même si ce ne serait pas grave de lire le trois avant le deux. Ensuite, autant vous dire tout de suite que plus l’histoire avance, plus on se retrouve face à « quelque chose de grand ». Les blancs laissés au début de l’histoire par Erickson (volontairement) se comblent peu à peu et on prend rapidement une vision d’ensemble, et le paysage qui s’ouvre à nous, franchement, est grandiose. Le « background » chers à bcp en fantasy est très complet et très profond, tout s’imbrique très bien et constitue une base solide pour les aventures qu’il nous conte.Les personnages sont très bien développés, assez réalistes pour les hommes « ordinaires » et ne tombent pas dans la caricature pour les autres (magiciens, shapeshifters,…). Pas de héros central, ce qui est parfait pour l’avenir incertain des personnages dans un monde en guerre, pas de schéma classique de fantasy ni de clichés (sauf peut-être dans le tome 1 mais ils sont très bien introduits et ne m'ont pas ennuyés). L’action est bien menée, avec parfois des longueurs ou des répétitions mais elles sont la pour mieux sentir les accélérations. Surprises, complots, meurtres et trahisons sont monnaie courante, le scénario très complexe en ce qui concerne les motivations de ceux qui ont le pouvoir et qui avancent leurs pions avec au moins deux plans de rechange…Le tome deux est celui qui m’a le moins plu jusqu’à présent et possède peu de liens avec le un, si ce n’est qu’on suit trois-quatre des persos qui y ont survécu. Mais ils ne jouent pas un grand rôle et on se penche plutôt sur une jeune fille trahie et abandonnée qui pense à se venger et dont le potentiel est immense. La psychologie de ce personnage est superbe, aux abords de la folie, et son évolution est un régal. En parallèle on suit un historien qui témoigne des événements héroiques d’une traversée d’un monde en guerre par des réfugiés, et cette partie est quant à elle plus répétitive et lente, mais un superbe dénouement fait oublier la comparaison par rapport à l’autre histoire. Un troisième fil se tisse par les personnages que l’on connaît déjà, fil très complexe et tortueux, un peu trop même. Une deuxième lecture se fera avec plaisir, surtout que l’on possède alors plus d’éléments en main pour mieux comprendre les actions.Le tome 3 a très peu de connexions avec le 2, mais bcp plus avec le un, de telle sorte que vous pourriez le passer sans ne (quasi) rien apprendre de ce qui s’y passe. Memories of Ice est de nouveau excellent, bien rythmé et bien ficelé, on y apprend de plus en plus d’éléments sur le monde en général et la vision d’ensemble commence à être étourdissante. De nouveau des psychologies intéressantes y sont développées, originales et fascinantes ; et l’action s’enchaîne sans longueurs cette fois, moins de fils sont tissés et cela donne une meilleure appréhension du scénario. Au moins aussi bon que le tome 1, si pas mieux, vu qu’on se familiarise doucement avec les personnages et avec le système de magie très complexe d’Erickson.Voilà, vous l’aurez compris, une série grandiose dont les seuls points faibles sont certaines longueurs de temps en temps (longueurs qui ne risquent pourtant pas de faire de l’ombre à celles de Jordan), et une complexité qui ravi mais qui rend la lecture difficile parfois, et des morts qui n’en sont trop souvent pas. Sinon, une histoire rondement menée, comme Martin, car bcp de fils s’entrecroisent, se rassemblent et se séparent sans qu’il n’y aie de héros principal, un « background » profond et une magie originale, une série sombre, pleine de guerre et de sentiments trahis, de désespoir et de manipulations. Surprenante, avec pleins de nouveaux persos qui apparaissent pour donner de la fraîcheur, et d’autres qui disparaissent, pour donner du réalisme. A vous de voir, mais attention, en anglais, c’est pas toujours facile. Il vaut mieux avoir déjà lu dans la langue de Shakespeare et s'en sortir pas trop mal, car bcp d’argot et de termes techniques sont parsemés et rendent la lecture ardue.