Je fais aussi partie des gens qui ont beaucoup apprécié
Furor. J'ai été captivé par l'ambiance oppressante de bout en bout et je n'ai pas eu de mal à m'intéresser aux personnages, au contraire : j'ai été impressionné par la façon dont l'auteur arrive à imaginer les réflexions intérieures de Romains (et plus généralement de personnages antiques) d'une façon crédible. Les informations historiques et techniques ou les références littéraires sont bien intégrées à l'ensemble. Et le tout nourrit profondément le fantastique, puisque les éléments étranges que rencontrent les Romains sont tous abordés avec un regard de Romains, ce qui est extrêmement intéressant et donne un aspect encore plus effrayant à des ingrédients de SF qui auraient pu paraître banals s'ils avaient été présentés directement comme ce qu'ils sont (je ne sais pas si c'est clair, mais j'essaie d'argumenter sans tout mettre entre balises anti-spoïleur).
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Je pense à toute la seconde partie dans laquelle les Romains s'aventurent dans la pyramide, qui est visiblement un centre de stockage de déchets radioactifs et/ou une centrale nucléaire. Sauf que ces lieux ne sont jamais appelés comme ça et que les Romains, en toute bonne logique, n'y comprennent rien et voient tout à partir de leurs propres références culturelles. Clavel arrive à rendre crédible les pensées d'un Romain qui entre dans une centrale nucléaire. Il fallait le faire. Personnellement, je trouve ça tout simplement génial.
De ce point de vue, je trouve ça au moins aussi réussi que ce qu'a fait plus tard Jaworski sur le monde celte dans le début de
Rois du monde.Les choix stylistiques (les pensées sans ponctuation) m'ont un peu surpris au début, mais je trouve qu'ils se justifient pleinement et qu'ils contribuent encore à mettre en place l'atmosphère cauchemardesque du livre. C'est comme si, dès le début, les pensées des personnages leur échappaient, comme s'ils ne contrôlaient pas tout à fait ce qui se passe. D'un point de vue philosophique, je trouve ce choix intéressant, car cela suppose une conception du sujet comme pas vraiment maître de ses pensées, et ça se prête très bien à un roman d'horreur. Et en termes de narration, cela met en place une sorte de litanie, de ressassement anxieux et impuissant, qui me semble très adapté à un livre où les personnages en bavent de bout en bout.La seule chose que je n'ai pas appréciée, mais ce n'est pas un défaut du livre en soi, c'est son univers extrêmement sombre et oppressant. C'est vraiment l'un des livres les plus cauchemardesques que j'aie jamais lus ! Or je ne suis pas un amateur de ce genre de livres habituellement et je doute d'en lire beaucoup d'autres à l'avenir. Mais Clavel a réussi à me persuader d'en lire un en entier, et je suis même très content de l'avoir lu.