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Posté : sam. 5 oct. 2013 22:23
par Shyng
NB MODOS ON : J’aimerais partager ceci. Je mets le post dans « Adaptation fantasy ». Si les modos estiment qu’il n’y a pas sa place ; libre à eux de le déplacer.Ce n’est pas une BD fantasy: c’est un one-shot fantastique !C’est un forum de fantasy, de fantastique, de SF…mais à mon humble avis, cette perle y a sa place.NB MODOS OFF.@ Speedi Crafty: C'est ta tournée! :mrgreen:Je n’ai pas la prétention de m’affirmer BDphile. Mais cette perle mérite d’être partagée.Ça été La découverte de l’été : Lorenzaccio de Régis Penet aux éditions 12Bis.
lien Amazone : Amazone Lorenzaccio PenetLes couvertures spectaculaires sont foison, les contenus parfois…déçoivent. Ici, Penet offre 90 pages magnifiques. Un drame en peinture.L’histoire ? L’adaptation de Lorenzaccio, la pièce écrite par Alfred de Musset. En bonus ? Des extraits du poème La Nuit de Décembre du même auteur. Et pour couronner le tout Penet partage ses recherches graphiques sur le perso dans les planches finales.C’est un régal : Sombre, poétique, fin, dramatique. Adapter un chef d’œuvre est un exercice périlleux. Mais Penet a capté l’essence de l’histoire et livre son interprétation. Il change le cadre, des personnages et nous restitue leur intensité avec grande finesse. Vous aimez les beaux dessins, ceux qui ont su échapper au formatage de masse?Vous aimez les scénarios denses, les personnages intenses ? Vous aimez les allers –retours entre le texte et l’image ?Foncez !:DC’est le genre de bouquin qu’on achète pour garder. Pour relire tantôt.Le boulot du scénariste – dessinateur est d’une virtuosité jubilatoire: Lorenzaccio est un personnage complexe, peu aisé à rendre, encore moins à raconter. Un anti-héro en demi-teinte assoiffé de la pureté qu’il a lui-même sacrifié à ses idéaux naïfs. Lorenzaccio jongle avec les masques de la nature humaine : les siens et ceux des autres. Lorenzaccio veut faire chuter le tyran, et qu’importe qui ou quoi sombrera aussi dans l’abîme. C’est devenu le refuge de ce héros de l’ombre.Pour ceux qui ne connaissent, inutile de lire la pièce pour savourer pleinement.Pour les aficionados de Musset, c’est bluffant.Penet fait mieux que maîtriser les ressorts de la pièce, il l’épure.Oui, ce n’est pas du mot à mot. Oui, il y des variations par rapport à l’original. Oui, Penet propose sa version. Il déploie l’intrigue en plein Carnaval, dans une Florence baroque de costumes et de masques. Les rapports de force entre les Médicis, l’Empire et la nouvelle Florence restent un cadre, une sourdine. Ici, place aux humains…Une pièce de théâtre en BD, c’est osé…Et fichtrement réussi.Graphisme et texte sont beaux : cadrage, trait, colorisation, dialogues. On se croirait au ciné. Les passages de La Nuit de Décembre viennent comme en contrepoint. Note haute et isolée. Comme le chant d’un cœur fêlé.Quelques minutes de recherches Google pour vous donner une idée :De la qualité des planches (les 12 première à lire, ça vaut mieux que 1000 mots ;) ): Lorenzaccio_12 planches du début à découvrirD'autres critiques : Critique de bdgest.com et Critique Planète BD et d'un blog d'un lecteur qui en parle mieux que moi Blog versatileDeux choses à bien noter :-le visuel du personnage de Lorenzaccio peut surprendre : Penet fait le choix d’un androgyne pâle (au visage de rock star diront certains).-Cette BD se lit. Même dans les ellipses, c’est dense. Il y a de subtils échos entre texte et dessin. Prévoir la lecture comme un moment où s’y consacrera à fond. Prendre le temps pour y plonger et savourer. Une attention superficielle ne lui rendra pas justice. Ce n’est pas une BD ‘tourne page’. Ça vous parait dithyrambique ? Lisez-la et j’ose espérer que vous partagerez mon enthousiasme. C’est brillant. @ Régis Penet ( si tu rôdes ici bas :rolleyes:), That work is a masterpiece. Thank you!

Posté : sam. 5 oct. 2013 22:49
par Foradan
Dans le choix du sujet, ici nous considérerons que c'est sans doute une adaptation, mais pour la fantasy...

Posté : sam. 5 oct. 2013 22:58
par Shyng
@ Foradan: "pour la fantasy" : Je sais bien, c'est juste que ce bidule est formidable!Sinon, je me doutais que le post serais déplacé. Et vu que j'avais pas la moindre idée . Faire un nouveau post semblait + simple pour qu'un modo puisse le mettre direct au bon endroit... d'où l'en-tête.Donc merci! :)

Posté : dim. 6 oct. 2013 00:25
par John Doe
J'avais lu les Nuits écorchées de cet auteur, dont le 1er diptyque était très bon, le tome 3 un peu moins, mais pas mal quand même.Merci pour cet éclairage.;)

Posté : dim. 6 oct. 2013 12:41
par Speedi Crafty
Whaou, c'est vraiment beau!En cours on regarde la pièce jouée, et le personnage de Lorenzaccio est interprété par un type qui le joue très efféminé, ça ne m'étonne pas tellement de le voir aussi androgyne dans la BD, en plus il a été joué par Sarah Bernardt ^^

Posté : dim. 6 oct. 2013 23:27
par Shyng
@ Speedi Crafty:
Le personnage de Lorenzaccio est interprété par un type qui le joue très efféminé, ça ne m'étonne pas tellement de le voir aussi androgyne dans la BD
Dans la pièce elle-même, Lorenzo n'est pas un perso 'matcho man'. Maintenant, si tu réfléchis à son but réel (assassiner le Duc Alexandre) cela devient logique. Alexandre a tout d'une brute mais n'est pas tyran qui veut. Le Duc est d'un soudard, mais pas un imbécile. Et il se ballade en permanence armuré. Politiquement et pragmatiquement, il est intouchable. Comment l'approcher? Comment endormir sa méfiance? Jouer au mignon efféminé permet à Lorenzo de pas être identifié comme dangereux...De plus, ils sont cousins. Lorenzo est le véritable prétendant au trône. Sans sa couverture de mauviette débauchée, il ne ferait pas long feu. Alexandre l'aurait immédiatement éliminé. Mais justement, voir Lorenzo se comporter en Lorenzino/ Lorenzetta (surnom très injurieux) flatte les instincts d'Alexandre. Assister à la déchéance du vrai Médicis doit particulièrement lui plaire. Une victoire de plus...
"en plus il a été joué par Sarah Bernardt"
:blink:! Sérieusement? Pourquoi pas, après tout. Le talent ne s’arrête pas aux genres. Reste à voir son interprétation....J'ai en mémoire une image de Lorenzo en costume de scène, façon Mucha/ Art Nouveau : grand vêtement/toge brun à plissé tombant. L'image est reprise dans la BD (scène chez les Strozzi, reflet dans la fontaine). Du coup je me demande maintenant si c'était Sarah Bernhardt qui le portait....@ John Doe : Je ne connais pas le reste du travail de Penet, mais c'est certain que j'irais jeter un coup d’œil. J'avais repéré Les Nuits Écorchées. Tu confortes cette idée. Thanks.

Posté : dim. 20 oct. 2013 23:58
par Littlefinger
Un mot sur un livre, à mon sens, essentiel : La Supplication de Svetlana Alixievitch:26 avril 1986 à 1 h 23.Centrale nucléaire soviétique de Tchernobyl. Un terrible accident se produit provoquant la fusion du réacteur N°4. Les retombées sont équivalentes à 400 fois celles de la bombe atomique d'Hiroshima. A 3km de là, la ville de Pripyat, de 21 000 habitants, entourée de nombreux villages. A une centaine de kilomètres, la capitale de l'Ukraine : Kiev. Une catastrophe sans précédent vient d'avoir lieu et ce qui suivra, sa gestion par les Russes, le traitement des survivants, les mensonges éhontés qui seront proférés conduiront à un des plus grand crimes de l’histoire de l'humanité. Trente ans plus tard, les choses n'ont guère bougé et c'est seulement l'année dernière qu'est sorti timidement un film sur l'après-Tchernobyl, l'excellent "La Terre Outragée".Pour honorer la mémoire des survivants et témoigner devant l'histoire, Svetlana Alexievitch a interviewer des rescapés de la catastrophe. Liquidateurs, femmes de liquidateurs, enfants, cadre du parti, militaires, chasseurs, simples habitants... La supplication regroupe leurs voix, à jamais figées dans l'ambre. Pour mieux comprendre la chose, l'auteur s'efface derrière les témoignages et ne fait que les organiser, comme un fleuve de monologues terribles et terrifiants mais surtout incroyablement touchants. Sans vouloir juger, Alexievitch tente un travail de mémoire comparable à ce qui se fait sur la Shoah. En 250 pages et des dizaines de témoignages, La supplication forme un choeur maudits d'enfants terribles.Dans ce document, vous croiserez ceux qui ont vu et qui ont combattu Tchernobyl. Ces fantastiques témoignages, fruit d'un long travail, rassemblent tellement de choses que la densité finale de l'ouvrage effraie. On y retrouve d'abord la peur, indicible et terrible, une peur incroyable d'un ennemi invisible qui ronge les chairs et l'esprit. Mais aussi la peur du mammouth soviétique, de cette chape de plomb politique qui se déploie sur la tête des victimes. Dans ce monde où la fin de l'atome pacifique coïncide avec la fin de l'ère communiste, on retrouve la perte des illusions, des innocences, la perte même de l'espoir. On découvre non seulement avec horreur l'immense injustice et solitude des victimes mais aussi l'oubli pur et simple du sacrifice humain.La Supplication parle de ça, de l'humain. Il parle de la lente désagrégation de l'humanité devant l'horreur qu'il a créé. Rapidement, le lecteur se sent révolté, dégoûté devant ces gens, ces "terroristes" qui nous vendent de l'atome et du nucléaire comme l'énergie suprême. Puis c'est simplement l'horreur qui s'impose, l'affliction. Devant nos yeux, les mots des femmes des liquidateurs, ces sacrifiés abandonnés qui meurent lentement rongés par la radiation. Une prime de 500 roubles, un diplôme et un cercueil de béton. Voilà toute la grandeur communiste. Difficile de toute retranscrire, de faire passer l'émotion immense de ces récits quasi post-apocalyptiques. Difficile aussi parfois de continuer à lire comme lorsque cette épouse parle de son jeune mari, un pompier de garde qui est appelé en pleine nuit pour éteindre le feu qui s'est déclaré à la centrale nucléaire et qui y part, avec ses amis, ses collègues, dans une tenue de tissu et avec son courage et qui verse de l'eau sur des dizaines de tonnes de matériaux radioactifs incandescents...pour agoniser 14 jours durant sous les yeux de sa jeune épouse, littéralement transformé en monstre. Difficile aussi de lire le combat vain et dérisoire de ce directeur d'institut nucléaire pour sauver son peuple... Vraiment difficile. Mais nécessaire.Chacun trouve dans ces pages un bout d'éternité, du secrétaire incapable de justifier de ses mensonges jusqu'aux enfants en bas âge qui voient leurs copains mourir alors même qu'ils agonisent. Étonnamment, c'est aussi l'incompréhension qui règne dans La Supplication, face à une menace invisible et inodore. Les comparaisons avec la Guerre reviennent sans cesse mais celle-là de Guerre... le peuple soviétique l'a perdu. En fait, il semble même ne jamais l'avoir comprise. Comme nous autres Occidentaux, encore en train de nous demander si le Nucléaire est une mauvaise ou une bonne chose, cela même alors que les Japonais payent également le prix fort. L'humain semble définitivement fou et dans la Supplication, ce sont les cris désespérés des mères et des épouses qui résonnent, ces récits bouleversants de malheurs et de douleurs qui appellent désespérément au souvenir, à la raison. Svetlana Alexievitch fait preuve d'une humilité sublime, et s’efface derrière les témoins, elle agit en architecte consciencieuse et honore, enfin, la vie et la mort des "Tchernobyliens".La Supplication renvoie, en un sens, à Si C'était un homme de Primo Levi. Tous les deux parlent d'un crime indicible mais aussi de l'humain broyé par l'homme. Mais si Primo nous raconte son histoire, Svetlana nous rapporte celle de son pays, de son peuple. Pour l'un comme pour l'autre, une conclusion s'impose : il faut les lire, il faut se souvenir. Et par-dessous tout, agir.A lire d'urgence.Si le sujet vous intéresse, je vous enjoins à vous procurer/voir les choses suivantes :- La Terre Outragée de Michale Boganim qui parle de la Zone à l'heure actuelle- L'excellent documentaire La Bataille de Tchernobyl sur la catastrophe ( http://www.youtube.com/watch?v=93pvk9LiMxM )- L'album-photo du reporter Igor Kostine.- Le documentaire Into Eternity sur le stockage des déchets nucléaires, un des plus grands films de "SF" (hum) et un documentaire tétanisant.

Posté : ven. 25 oct. 2013 16:17
par 20000jours
Dernière lecture : "La bouffe est bonne à Fatchaculla", de Ned Crabb - Folio Policier.
Pas de quartier à Fatchakulla ! Ça dépiaute sec, on étripe à tout va au détour des chemins sous la lune. Des marécages montent d'étranges ronronnements généralement suivis de découvertes macabres. Du plus fieffé salaud du canton à d'autres proies plus délicates (quoique !), les victimes s'accumulent au fur et à mesure qu'un être mystérieux les lacère, les mange puis les éparpille aux quatre vents. Une tête par-ci, un bout de bras par-là... Fatchakulla, jusque-là connu pour ses dégénérés consanguins et ses alligators, s'est trouvé une autre spécialité. Les habitants crèvent de trouille. On parle de fantômes et d'esprits et tout le monde semble pouvoir y passer.
Un polar vraiment frais et délirant, que je recommande.Sinon j'approuve Littlefinger pour le Alixievitch.C'est une problématique qui nous travaille, logiquement, en ce moment. Je veux dire au-delà de la région de Technorbyl (qui certes appartient davantage à l'éternel présent qu'au passé), par exemple sur le mode de la crise : "que se passe-t-il ici et ailleurs (surtout ici, la France championne en nombre de réacteurs par habitants) avec les réacteurs si à un moment les institutions se délitent, si l'entretien est de moins en moins sérieux (cf plusieurs reportages récents et affligeants sur les travailleurs nomades du nucléaire) ? J'ai lu un roman SF récent qui aborde cette hypothèse, même si ça n'est pas son sujet principal, l'Ile de de France dans 100 ou 150 ans avec en toile de fond ces espèces d'entités mort-vivantes (les réacteurs), et j'ai eu la désagréable sensation que ça pourrait ne pas être un futur si lointain. Mais bon, ça se jouera à pile ou face je suppose (ceci dit pour laisser en paix le survivaliste qui sommeille en moi).

Posté : mer. 8 janv. 2014 07:22
par zygo
Je viens de finir Chroniques de Jérusalem et Pyongyang, deux BD du canadien Deslile.Très bonne lecture ou comment dénoncer, derrière un faux air candide et humour " naïf, des situations politiques compliquées et absurdes. Je suis en train de lire Chroniques Birmane du même auteur et ça semble tout aussi bon!A noter que Chronique de Jérusalem à gagner le fauve d'or à Angoulême en 2012 tout de même!!!!

Posté : mer. 8 janv. 2014 13:26
par Karine des chats
je n'ai aps lu chroniques de Jérusalem..merci de m'y faire repenser ! :) Pyongyang: j'adore ! le pire c'est que la BD date un peu et mis à part le nom du dirigeant les choses ne semblent ne pas avoir changé... Birmanie est bien aussi, ainsi que Shenzen mais si je les trouve moins bon que Pyongyang.

Posté : jeu. 30 janv. 2014 18:58
par Zaebas
Je viens rarement parler des livres que j'ai adoré mais il me semble qu'il faudrait que vous jetiez tous et toutes un œil au livre de J.J. Abrams qu'il a écrit avec Doug Dorst.On parle d'un livre dans le livre avec plein de fac-similés qui est particulièrement bien foutue. Je ne vous invite pas à l'acheter encore car je viens tout juste de me plonger dans sa lecture, mais allez le feuilleter chez votre libraire car c'est vraiment un livre-ovni.Cela se nomme S. et c'est paru chez Michel Lafon aujourd'hui !

Posté : dim. 2 mars 2014 00:21
par Littlefinger
Hop, le livre qui m'a retardé pour la lecture de Manesh (désolé Gillo !), Le Diable Tout le temps de Donald Ray Pollock :Grâce à la Salle 101 (excellente mais méchante émission radiophonique sur les littératures de mauvais genre), nous voici donc devant le roman d’un certain Donald Ray Pollock, intitulé Le Diable tout le temps. Encensé par la critique (Grand Prix de la littérature policière et vainqueur du prix Guggenheim), il ressort à présent en format poche pour notre plus grand plaisir. Pollock avait déjà publié un autre roman, Knockemstiff, remarqué par la critique américaine et qui lui avait permis d’obtenir la bourse PEN. Pourtant, l’homme n’est pas tout jeune, c’est seulement à 50 ans, après quelques paires d’années de travail dans une usine de pâte à papier, qu’il publie son premier roman. Lui-même originaire de la petite ville de Knockemstiff dans l’Ohio, on comprend mieux non seulement le titre de son premier ouvrage mais aussi la présence (et point de départ) dans cette bourgade pour Le Diable tout le temps. Mais autant dire qu’il n’est pas tendre envers la population locale. C’est ce franc-parler et ce naturalisme sauvage qui fait pourtant tout le charme du roman.C’est en 1945 que l’on rencontre Willard Russel de retour de la campagne du Pacifique, anéantit par l’horreur et qui ne rêve que de bâtir une petite vie bien à lui à Knockemstiff. Il tombe éperdument amoureux d’une serveuse, Charlotte, au grand dam de sa mère, Emma, chrétienne traditionnelle vivant à Coal Creek, qui lui aurait préféré sa pieuse voisine Helen. Alors que les choses prennent forme avec la naissance du petit Arvin Russel, Charlotte tombe gravement malade et se retrouve dans les mains de Dieu. Willard décide alors de prier et de bâtir son « église » à lui pour guérir sa femme. Alors qu’il s’enfonce peu à peu dans le fondamentalisme, Emma apprend le mariage d’Helen avec Roy Laferty, prédicateur excentrique toujours accompagné de son ami invalide, Theodore, avant de disparaitre et de laisser son enfant, Lenora, à la charge de la vieille femme. Dans ces petites histoires tragiques, le diable s’insinue, invisible et les destins vont se croiser avant d’éclater dans le sang et les sanglots.Inutile de chercher des individus exceptionnels dans Le Diable Tout le temps puisque Pollock opte pour une vision crue et réaliste de ses concitoyens, ceux qui forment la base de la société américaine. On y suit plusieurs histoires, successivement ou simultanément. Il y a bien entendu la famille Russel et notamment le père, Willard, et le fils, Arvin. Mais aussi Emma, Helen, Roy, Theodore et deux psychopathes de l’autoroute, Carl et Sandy. Tous (ou presque) baigne dans la médiocrité. Même les pires monstres que l’on croise deviennent pathétiques au final sous la plume de Pollock. On pense notamment au pasteur prédateur sexuel de la semaine moitié du récit ou au shérif incompétent et corrompu Bodecker. Monstrueux de prime abord, ces pauvres hères, malgré leurs crimes et leurs déviances, ne sont que de pitoyables parodies humaines, caricature des pires maux américains. Tous ont par contre en commun l’horreur, qu’ils naissent dedans (Arvin et Lenora) ou qu’ils y renaissent (Carl et Sandy, Willard…), cette horreur reste omniprésente. Homme écorché vif et crucifié sur une île du Pacifique, auto-stoppeurs torturés et violés, exécutions sommaires, viols et abus sexuels, la liste est longue, et Pollock nous dissémine cette horreur au fil de son récit.La très grande force du récit, c’est à la fois la subtile écriture de l’américain, fluide, simple mais magnifique et intelligente dans le même temps, et le refus constant de l’auteur d’en faire des tonnes ou de décortiquer l’horreur. L’exemple le plus parlant en reste le couple de Sandy et Carl, dont jamais on ne saura ce qu’ils font très précisément aux auto-stoppeurs qu’ils tuent, mais dont Pollock prendra un malin plaisir à nous le faire entrevoir par le judas de sa narration. Au détour de petites phrases crues et terribles, de qualificatifs inattendus et de scènes terrifiantes, il ajoute des petites touches d’indicible au milieu de ce qui semble banal. Ce « banal » glisse invariablement vers la sauvagerie et la violence dans l’univers de l’américain, avec d’abord Willard qui s’achemine vers une surenchère de prières et de preuves envers Dieu pour sauver sa femme. Par le suicide ou le meurtre, les vies s’achèvent abruptement dans le roman, jamais sans raison d’ailleurs, qu’elles soient le fruit de dérangés sanguinaires ou de l’écheveau du destin et du système vengeance/revanche. Pollack construit plusieurs arcs et fait s’entrecroiser le tout très finement avec une maestria rare, jamais lourde. Le tableau global dressé par l’auteur n’a rien de reluisant pour l’Amérique et, à plus d’un titre, il ne s’agit pas d’un roman policier mais d’une œuvre sur l’Amérique et les américains. En passant sur la guerre, il pose les fondements qui dicteront ses répercussions à toute une génération de jeunes hommes traumatisés. De là, Pollock dresse des obsessions américaines récurrentes, comme une tendance culturelle à la violence et l’importance de la religion. Cette dernière joue un rôle fondateur, et pour le roman, et pour les personnages, et pour l’histoire américaine. Outil commode ou dernier refuge des désespérés, la religion n’arrive jamais à cacher l’horreur de l’homme qui l’utilise. Pire, elle dissimule parfois les folies et les horreurs les plus pures. Mais soyons clair, jamais Pollock ne se pose en juge dans le roman, il laisse ses personnages suivre leurs vies, tisser leur chemin de malheur jusqu’à l’inévitable conclusion sanglante. Ce qui étonne dans le fond, c’est le ton tout à fait authentique du Diable tout le temps, avec ses dialogues incisifs et crus, au plus près des individus et qui restitue l’esprit de l’Amérique profonde, de ces populations ignares et pathétiquement méchantes. Le diable se cache aussi (surtout ?) dans l’ignorance.Seul Arvin fait exception dans la médiocrité. Bien que victime corollaire de celle-ci, de par l’éducation parentale, il sera le seul, même involontairement, à rétablir ce qui est juste tout en y perdant son innocence et en s’enfonçant graduellement dans la violence. Son personnage restera un des plus intéressants d’un récit touffu et véritablement passionnant. Difficile de lâcher le roman avant la fin, la faute à cette galerie de monstres et de médiocres qui réussissent autant à nous révulser qu’à nous captiver. Car Pollock finit par nous les rendre attachants, ces gens simplets et volontiers sauvages, mais si humains dans le fond. Tel que la pauvre Lenora ou le pitoyable Theodore. Jamais réellement on arrivera à les détester…enfin presque (il faudrait du courage pour ne pas détester le pasteur, avouons-le). C’est certainement là que Pollock gagne son pari, celui de nous ferrer avec des personnages tragiquement médiocres. La conclusion en forme de retour aux origines achève de convaincre de l’immense talent de l’américain puisque tout se conclut là où le plus de sang a été versé.Quelle vision au vitriol que nous offre Donald Ray Pollock avec le Diable tout le temps ! En faisant de Knockemstiff l’origine du mal, l’auteur n’y va pas avec le dos de la cuillère et nous capture dans une spirale de violences absurdes toujours amplifiées par des médiocrités humaines tellement communes. Alors prenez le Diable par la main, et faites une halte avec la famille Russel dans l’Ohio, l’Amérique vous attend.

Posté : dim. 2 mars 2014 10:01
par Zaebas
Je ne sais pas si tu en as déjà lu, mais si ce n'est pas le cas tu devrais te pencher sur les écrits de Ron Rash, ça devrait te plaire.

Posté : dim. 2 mars 2014 13:40
par Littlefinger
Ouiaip j'y ai pensé, j'avais vu son dernier en librairie, Une terre d'ombre.

Posté : dim. 2 mars 2014 13:53
par Zaebas
Je te conseille plutôt de débuter avec Serena qui est disponible en poche. Ça te donnera une idée des écrits du bonhomme.

Posté : dim. 2 mars 2014 16:57
par Duarcan
Le diable tout le temps est sur ma PAL depuis la fin de l'année passée, je vais essayer de m'y atteler rapidement. Sinon dernièrement, j'ai lu Ceux qui vous veulent du bien un collectif de nouvelles d'anticipation dans des régimes arbitraires. Inégal comme de nombreux collectifs mais quelques perles ;)J'ai lu Sexus de Henry Miller: Je serais bien en peine de le chroniquer. Mais classique assez génial, parfois un peu longs dans les multiples descriptions trash, teintées de fanfaronnade des rapports sexuels de l'auteur.

Posté : mar. 18 mars 2014 23:59
par Littlefinger
En 2009, les éditions Sonatine publient un auteur anglais, Tim Willocks, jusqu’ici cantonné au polar. Après s’être forgé une solide réputation avec des romans comme Bad City Blues ou Les rois écarlates, l’auteur s’attaque au genre historique avec un petit pavé de près de 900 pages (850 en grand format, 950 en poche) sobrement intitulé La Religion. Immédiatement ou presque, le livre reçoit une pluie de louanges, le New York Times n’hésitant pas à le qualifier de triomphe littéraire et Le Monde le consacrant comme un renouveau du genre. Sa ressortie en poche chez Pocket juste avant la parution de sa suite, Les Douze Enfants de Paris, donne l’occasion idéale pour découvrir ou redécouvrir l’épopée de Mattias Tannhauser. Mais d’où vient ce titre en fait ? La Religion, c’est l’autre nom de l’ordre des Hospitaliers, les chevaliers chargés de protéger le pèlerin en route vers la Terre Sainte. En 1565, le vénérable ordre dirigé par l’inflexible La Valette, a établi son siège sur l’île de Malte après sa cuisante défaite à Rhodes contre les turcs de puissant sultan Soliman. Mais la rumeur enfle, une armée ottomane forte de plus de 30 000 hommes fait voile vers l’îlot méditerranéen, commandé par le pacha Mustapha et le grand amiral Piyale. La Valette ne dispose quant à lui que de 8 000 hommes dont seulement 600 chevaliers. Alors qu’il organise fébrilement ses défenses, il charge Starkey de la langue anglaise d’entraîner coûte que coûte l’homme qui les a prévenus de l’arrivée des turcs : le mercenaire Mattias Tannhauser. Ancien janissaire, il connaît mieux que quiconque l’adversaire qui se profile et c’est la comtesse Carla de la Penautier qui va le convaincre de quitter la Sicile pour Malte, à la recherche d’un fils perdu depuis des années. Par amour et honneur, Tannhauser va alors plonger dans l’enfer maltais et vivre un des sièges les plus fameux de l’histoire.Tout commence par un prologue de 22 pages permettant de découvrir pour la première fois Mattias Tannhauser. Immédiatement, Tim Willocks surprend. Son écriture éclate dès les premières pages : ample, ciselée, envoûtante et puissante. La force de l’anglais se joue dans ses descriptions tant des environnements que des pensées des personnages. Le lecteur pénètre ainsi de plein-pied dans un univers brutal et réaliste, où la folie des hommes mais aussi les minces rayons d’espoir, éclaboussent les pages. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, l’auteur capture le lecteur et le marque immédiatement avant d’entamer les choses sérieuses et la découverte des enjeux pour la bataille de Malte qui s’annonce. Ce qui épate alors, c’est la précision acérée de l’anglais pour restituer non seulement les enjeux et l’ambiance désespérée mais surtout tout simplement le cadre historique. On fait la connaissance de grands personnages historiques tels que La Valette ou Michel Ghisleri, que Willocks incarne avec joie et facilité, réinventant les pensées et les hommes avec une aisance saisissante. On apprend des tonnes de choses en un rien de temps avant d’entrer dans le cœur du roman : Mattias Tannhauser.L’autre très grande force de La Religion, c’est la galerie de personnages fictifs qui l’habite. A son sommet figure Mattias Tannhauser, un ancien membre de l’élite turque, les janissaires, d’origine chrétienne et désormais mercenaire lors du siège de Malte. On débusque alors un défaut dans le roman, sa propension à l’emploi de clichés. Et pourtant, Willocks n’est pas homme à faire dans la facilité. La Religion représente la quintessence de l’emploi à bon escient du cliché et comment, avec du talent et encore du talent, un auteur peut tout transcender. Car ce personnage un peu bateau de mercenaire orphelin au grand cœur se retrouve transfigurer sous la plume de l’anglais. Cynique mais juste, Mattias captive totalement par ses ambiguïtés et son mode de pensée résultant de ses épreuves passées. Il forme avec Bors de Carlisle et le duo féminin Carla/Amparo, une délicieuse compagnie. Et le roman est remplit de ces figures extrêmement fortes et attachantes qui arrachent autant de sentiments contradictoires que d’émotions fortes. Ludovici Ludovico, l’impitoyable inquisiteur compte également dans ce parterre de personnalités fortes et la turbulence des émotions que l’on ressent envers lui ne cessera jamais de changer. Car le choix de tout ce beau monde n’est jamais fait au hasard et tout fait sens en fin de compte. La « double origine » de Tannhauser permet à Willocks d’introduire le point de vue turc avec une rare malice. Grâce à lui, on côtoiera quelques ennemis musulmans de l’époque, loin de clichés et des à priori chrétiens des chevaliers. Pour autant, jamais Willocks ne sera complaisant avec l’un ou l’autre parti et c’est certainement ici une des plus grandes victoires du roman. Comme son nom l’indique, La Religion parle de la foi, du dogme, des croyances et de toutes les horreurs qui en découlent. Willocks, au travers de Tannhauser, se livre à un réquisitoire encore très actuel contre le fanatisme qui pousse les soldats d’Allah à la haine des chevaliers du Christ et vice-versa. En dissertant sur le fondement même des religions, l’anglais pousse à réfléchir en profondeur sur la nature humaine et les motivations sous-jacentes de ces idéologies, de l’instrumentalisation de la divinité et de la contamination galopante que semble subir les hommes à la lumière des cierges ou des appels du muezzin. Tout du long, Willocks ne fait pas que raconter une grande période historique, mais il tente, avec une grande réussite, d’expliquer les racines du mal. Le regard désabusé de Tannhauser, ajouté aux ignominies dont il est témoin de chaque côté, donne un fond impressionnant au roman. Pour autant, l’intrigue fantasmée, calquée sur les faits historiques, captive du début à la fin des quelques 950 pages du livre. Entre complots et résistance désespérée, La Religion offre une trame passionnante et souvent épique. Comme déjà évoqué plus haut, l’écriture de Willocks fait des merveilles. Ainsi, au cœur de Saint-Elme ou dans la trouée du Grand Terre-Plein, le lecteur suffoque et souffre avec les chevaliers et les Maltais, impressionné par leur résistance mais aussi par l’acharnement ahurissant des turcs. La langue employée se fait acérée et souvent brutale, les éviscérations et autres amputations sauvages sont légions, l’anglais ajuste ses mots à la fureur des combats et il fait mouche à coup sûr.A côté de cela, il y a toute la dimension humaine du conflit et de l’intrigue entre Tannhauser, Amparo et Carla. Tout un volet sur l’amour et l’amitié, l’innocence et le courage. Porté par des rôles féminins splendides – Amparo est sublime - Willocks évoque les tourments internes de ses protagonistes avec une justesse sidérante. A ce titre, les scènes de sexe qui jalonnent le roman ajoute au talent d’écrivain du britannique, capable de passer de l’horreur à des instants charnels passionnés et excitants à souhait. C’est toujours beau et réaliste, poétique et bestial, passionné et passionnant. Mais plus encore, ce sont les liens entre les personnages, leur évolution au gré des événements et la façon d’agencer les choses qui rendent si touchants ces hommes et femmes. Ils en deviennent tellement attachants qu’avec l’avancée du récit et la fin qui se rapproche, le lecteur aura grand peine à fermer le roman qu’il a entre les mains, la gorge nouée de quitter ceux qui seront devenus des compagnons de route. La fin d’ailleurs déjoue nombre d’attentes, sans faire le jeu de nous soumettre à un faux-suspense, elle mise encore une fois sur l’empathie avec les personnages et leur évolution, peut-être moins attendue. Comme la fin de Ludivico, belle en diable et pleine de contradictions émotionnelles. On s’apercevra alors qu’à l’issue de cette immense aventure, épique et intimiste à souhait, Willocks a réussi non seulement à retranscrire avec brio une époque entière, mais aussi à nous faire réfléchir et à nous apprendre des tonnes et des tonnes de choses, renouant avec un des plus nobles but de la littérature, élever l’esprit et la culture.Par son intelligence constante et sa beauté formelle sidérante, La Religion avait déjà de quoi retenir l’attention. Mais le talent de Willocks va bien au-delà des espérances et il délivre une histoire captivante et trépidante tout en questionnant le rapport de l’homme à la spiritualité et au temps qui s’écoule. Rares sont les livres qui, lorsque refermé, vous donne la sensation d’en ressortir grandit, et culturellement, et spirituellement. La Religion compte parmi eux et Willocks compte parmi les très grands écrivains contemporains. Alors que la suite, Les Douze Enfants de Paris, vient de paraître, une chose est sûre, vous devez plonger dans La Religion, vivre avec les chevaliers le siège de Saint-Elme et du Borgo, plonger dans les rangs des janissaires, mais surtout lire jusqu'à vous noyer dans les mots. Un grand moment de littérature vous attend devant ce qui sera très certainement un des maîtres-étalons du genre.Note : 9,5/10J'ajoute pour les membres d'Elbakin que je suis convaincu que 90% des membres de ce forum adoreraient ce roman. Pourquoi ? Parce qu'il n'est pas si éloigné de ça que votre genre préféré, la fantasy. Chevaliers, charge de cavalerie, mousquets, canons, château... Et plus encore. Donc je ne peux que vous incitez à vous le procurer.

Posté : ven. 2 mai 2014 02:48
par Lucius
J'ai attaqué La Religion, je n'ai lu que le prologue (par faute de temps) et c'est juste monstrueusement épique, magnifique et violent. Je ne m'attendais pas à être si vite happé par l'histoire. L'écriture de Tim Willocks est vraiment splendide !Il me tarde de lire la suite :) !

Posté : ven. 2 mai 2014 07:49
par Zaebas
Sa ressortie en poche chez Pocket juste avant la parution de sa suite, Les Douze Enfants de Paris, donne l’occasion idéale pour découvrir ou redécouvrir l’épopée de Mattias Tannhauser
En fait, il n'est pas ressorti en poche car il n'a jamais été manquant. C'est juste qu'on a parlé de Willocks pour la sortie du second volet de sa trilogie.Je suis assez d'accord avec toi pour dire que beaucoup de personnes aimant la Fantasy épique se retrouverait chez Willocks.

Posté : jeu. 12 juin 2014 18:02
par IbZz
Bonjour,Je m'incruste dans la discussion pour deux raisons : l'une pour demander à Zaebas des nouvelles du livre dont il parle, concernant le bateau de Thésée, écrit par J.J.Abrams et Doug Dorst, et dont le titre est "S", si je ne me trompe. Je n'ai pas lu beaucoup de retours sur le net, hormis quelques-uns ci et là, auxquels j'ai un peu de mal à me fier. Certains sont un peu déçus, d'autres non, et cela me plonge dans le doute, le prix du livre étant plutôt cher. L'objet semble magnifique, malgré une édition française de moins bonne facture que l'originale, notamment en ce qui concerne l'aspect manuscrit des notes de bas de page des protagonistes. Ce n'est pas bien important, juste un peu dommage... Mais l'objet est si beau! J'ai cherché sur Elbakin une critique complète, sans succès, hormis cette petite allusion de Zaebas. Alors, l'as-tu fini, Zaebas? Le jeu en vaut-il la chandelle? J'aime ce qui ressemble aux vieux livres, et un effort particulier semble avoir été fait sur celui-ci, mais je ne voudrais pas débourser inutilement cette somme si le scénario s'avère plus que moyen. Je suis bon lecteur, en ce sens que je ne cherche pas l'oeuvre ultime mais un bon divertissement, de quoi m'isoler quelques temps du reste du monde, comme nous tous je pense!L'autre raison concerne littlefinger et sa formidable description de "La religion", ci-dessus, qui m'a mis l'eau à la bouche, et qui s'est avérée, après la lecture du prologue, une franche réussite! Je ne sais si la suite est d'une qualité équivalente, mais cela m'a fait bien plaisir de lire cette introduction. C'est un peu sanguinolent et plein d'action, choses auxquelles je ne suis pas toujours sensible, mais dans ce cas cela a très bien fonctionné. Peut-être l'austérité de mes lectures actuelles, économiques et politiques, y est-elle pour quelque chose.Quoi qu'il en soit, merci pour vos remarques et avis sur ce fil, toutes bien agréables à parcourir.