Posté : lun. 10 avr. 2017 11:15
c'est moi, ou l'article arrive à être méprisant tout en disant que le genre ne souffre pas de mépris? C'est fort quand même.
Je suis peut-être parano mais quand je lislambertine a écrit :Quel mépris ?Il n'y a pas de mépris du tout dans l'article de France Culture.
je comprends plus "maisons d'édition insignifiantes" que "maisons dont mon manque de connaissance sur le sujet fait que je ne les connais pas".éditeurs dont je dois avouer qu’en dehors d’un ou deux, j’ignorais tout à fait l’existence
Je ne suis pas d'accord avec tout ce qu'il dit. L'imaginaire pour moi doit avoir une forme populaire en plus de sa forme exigeante. Je pense qu'il faudrait avoir un discours un peu plus "lutte des classes". Les littératures de l'imaginaire sont des littératures populaire et s'opposent de ce fait à "la blanche" (autrement dit la littérature psychodramatique post proustienne courant dominant de la littérature générale). Les auteurs de polar dans les années 80 ont été très offensifs en considérant la blanche comme un ennemi à abattre. Michel Lebrun en 1986 : " bientôt tous les romans seront policiers". Cette attitude qui a été celle du polar des années 80, il nous faut la reprendre. Aujourd'hui il nous faut considérer la blanche comme l'ennemi à abattre, nous aussi. C'est le prix à payer pour exister.On va reprendre certains arguments de Stéphane et y répondre :Gilthanas a écrit :https://www.actualitte.com/article/inte ... onne/70817L'avis d'un spécialiste
La deuxième guerre mondiale est passée par là. La lutte contre les aspects nationalistes de notre culture nous a fait nous tourner vers les anglo-saxons vainqueurs de la guerre. En même temps les intellectuels rejetaient tout ce qui relevait de l'aventure, de l'action et de la grande imagination parce que cette culture populaire avait été pour eux une des cause de la guerre car l'aventure et l'action incitait à la violence. Et l'on se rend compte qu'en France la violence est mieux acceptée dans un contexte réaliste que dans un contexte imaginaire alors que théoriquement ce devrait être le contraire.Quand au terme fantasy, force est de reconnaître que le mot fantastique a été réduit par Todorov à la confrontation du réel et surnaturel dans un monde réaliste, la seule tradition de Poe et de Jean Ray. Il n'y avait aucun mot pour désigner le merveilleux épique (et pourtant cette littérature était très représentée aux 16éme et 17éme siècle).De Rabelais aux surréalistes, Marcel Aymé ou Julien Gracq, l’imaginaire n’était autrefois pas considéré essentiellement comme un genre anglo-saxon – le terme anglais fantasy a été saisi ici d’une façon désastreuse...
Cela est lié à la tournure particulière de la culture française. Et il faut remonter au 19éme siècle où le roman était considéré comme de la mauvaise littérature. Toute culture en France se doit d'être édifiante ou éducative. Il faut parler de la société. Il n'y a pas de place pour le divertissement. On n'a eu de cesse dans la deuxième moitié du 20éme siècle d'essayer de couper le prolétariat de la culture populaire ( surtout depuis les années 80). Tout ce qui n'est pas éducatif au premier degré est forcément pour les ados attardés. Sauf que derrière la SF et la fantasy il y a souvent la philosophie qui se cache même chez des auteurs très populaire. Donc l'imaginaire même de divertissement peut être beaucoup plus profond qu'il n'y paraît. Pourquoi n'est il pas reconnu ? La philosophie justement n'a pas forcément bonne presse depuis quelques décennie. Les nouveaux philosophes adeptes d'une pensée creuse l'ont totalement dévoyés. Et la philosophie est pour beaucoup, non la mère de la pensée, mais bien un ramassis de foutaise. Quand la SF marchait très bien en France dans les années 70, la philosophie c'était Sartre et Deleuze, aujourd'hui c'est Bernard Henri Lévy. Ce n'est pas comparable.Il résulte de cette attitude vis à vis un phénomène appelé déperdition des 25 ans, des jeunes autour de l'âge de 25 ans délaissent l'imaginaire pour la littérature générale et pour le polar. Il vaut mieux s'intéresser à la société française qu'aux grandes thématiques universelles à cause de ce coté édifiant qui est encouragé dans le monde culturel.Aujourd’hui encore, on estime que l’imaginaire n’est pas un genre sérieux, c’est pour les imbéciles ou pour les enfants.
En ce qui concerne le livre de poche, il s'agissait de livres destinés à être lu par le prolétariat. Littérature de divertissement, certainement mais le divertissement n'est pas l'abrutissement. De nombreuses œuvres de divertissement ont un sous texte politique. D'autres sont parfois plus créative que des œuvres ambitieuses. Je pense que plus de titres paraissant en poche permettrait une démocratisation plus forte de l'imaginaire. Grand format = livres chers et pour les prolétaires c'est de la littérature pour les bourgeois. Le prolétariat ( ouvriers, employés, techniciens) et les classes moyennes représentaient la base des littératures de l'imaginaire. En passant au grand format on a essayé de se légitimer vis à vis des classes supérieures. Ce que l'on oublie c'est qu'elles sont pas forcément de grands lecteurs et qu'elles sont complétement centré sur la littérature générale.À l’origine, cette littérature fut traitée comme un genre populaire et de divertissement, à l’instar du roman policier, en somme. Elle a donc gardé jusqu’au milieu, voire la fin des années 90, cette image tenace qu’il ne peut s’agir que de romans de gare, en format poche et limités à l’anticipation.
Ben oui. Le rejet de la lutte des classes dans sa splendeur et le déni de la réalité. La culture geek cartonne partout sauf en littérature dans notre pays. Les geeks anglo-saxons ont des salaires à 5 chiffres, les geeks français sont des précaires, ça n'aide certainement pas. Mais d'un autre coté, un film de SF est programmé partout y compris dans le petit cinéma de province. Allez chercher des romans de fantasy dans une librairie d'une petite ville de province y compris en format poche. C'est zéro. Stéphane Marsan semble ignorer l'existence de ces zones blanches. D'autre part les films de SF ou de fantasy ont une abondante couverture médiatique. Les romans de SF ou de fantasy n'ont aujourd'hui de couverture médiatique que dans des supports spécialisés. On a vu décliner depuis les années 90 le nombre de rubrique qui leur est consacré dans la grande presse. Ils sont absents de la télévisions.Donc quelque part les geek français ont raison d'être un peu véner. Pourquoi les jeunes qui s'enthousiasme pour le films ou les jeux vidéo ne lisent pas de romans de SF ou de fantasy. Et bien pour une raison très simple : ils n'en connaissent pas l'existence. Certains jeunes par exemple pensent que la SF est un genre uniquement cinématographique ( témoignage d'un prof lu quelque part, je ne sais plus où).Stéphane Marsan est parisien et ne voit pas vraiment ce qui se passe dans les endroits les plus reculés de la province.Il revendique la « pop culture » ou la « culture geek », et finit par verser dans une approche communautaire, de victimisation même. Je la connais, cette position : je l’ai tenue longtemps. Mais elle n’est clairement pas la bonne : déclarer que l’on manque de reconnaissance, alors que la culture geek cartonne partout, ce n’est ni efficace, ni pertinent. La meilleure façon de défendre un merveilleux roman de science-fiction, c’est de défendre un merveilleux roman : qu’il soit de science-fiction en est un aspect. Certainement pas le seul.
Et une grande partie du roman noir a arrêté d'être policier. Il s'agit de roman réaliste. Quand la littérature générale est devenue post proustienne abandonnant le social pour l'intime, le social a trouvé refuge dans la littérature noire qui est devenu le nouvel avatar de la littérature réaliste. Le roman noir français, ce sont les successeurs de Zola et de Balzac pas les épigones français de Raymond Chandler.Le polar n’a pas attendu Stieg Larsson pour obtenir succès, visibilité et légitimité : le polar social, dans les années 70-80, y avait déjà contribué.
Entièrement d'accord. Les littératures de l'imaginaire ayant un régime sémiotique qui leur est propre, le fait qu'elles aient un rayon est tout à fait normal.Sauf que la simple existence d’un rayon SF, justifiant la présence de ce genre en librairie, est déjà rare. Ensuite, l’orientation est naturelle, autant que pertinente, pour le lecteur acquis au genre : il faut baliser son chemin vers des titres qu’il sait affectionner.
Et vu que les régimes sémiotiques sont différents c'est normal que le lecteur de blanche ne lise pas de fantasy. On doit au contraire essayer de séduire les non lecteurs. C'est une voie difficile, contraignante mais qui peut payer quand on comprend que certains non lecteurs le sont parce qu'ils ne trouvent pas les livres qui leur ressemblent sur leur route.Ce qui est dommage c'est qu'on se réfère encore à un type de lecteurs : le lecteur aisé des grandes villes. Or il y a d'autres lecteurs et il faut s'y intéresser.C’est une approche dessinée et picturale, qui en somme appartient aux façons de la jeunesse. Les chances qu’un lecteur de litté générale s’empare de ce livre deviennent infimes : la couverture lui crie que ce livre n’est pas pour lui. En revanche, elle répond parfaitement aux attentes des lecteurs qui cherchent ce genre d’histoires.
Pas vraiment. Mais j'ai toujours pensé que défendre l'imaginaire était quelque part un acte politique. Il y a d'une part la culture des héritiers, la culture de la bourgeoisie et d'autre part la culture populaire. C'est un fait qui est signalé par tous les sociologues de la culture. La culture de l'imaginaire fait partie de la culture populaire. Et la culture populaire c'est celle qui relie les gens et permet à des gens de classes différentes de se parler. Si les littératures de l'imaginaire joue le jeu de se rapprocher de la blanche, pour moi c'est perdre son âme.Dans mon enfance je me souviens de quelque chose de très fort. À l'école primaire, à l'aube des 80's, ce qui permettait à des élèves issus de milieux sociaux très différents de se parler c'était Albator, Star Wars, Rahan, Tarzan et Strange. Bref l'imaginaire abattait les murailles sociales et instituait une sorte de trêve entre les gens. Et je pense que cet aspect de la culture de l'imaginaire a été totalement délaissé, faute à une volonté de légitimation. On abandonner cette idée, c'est la seule voie pour pouvoir se développer et acquérir de nouveaux adeptes.Gilthanas a écrit :C'est la période présidentielle qui donne ce ton "Grand soir" à ton discours ?
La chronique est courte... mais ils arrivent quand même à rester braqués sur "genres à étiquettes donc bien fait pour eux". Bref on n'est pas très avancés.Aslan a écrit :https://www.franceculture.fr/emissions/ ... imaginaireUne conversation... autre et des approximations en pagaille.
Et je dois reconnaître avoir trouvé une perle énorme dans cet article :Curunir a écrit :La chronique est courte... mais ils arrivent quand même à rester braqués sur "genres à étiquettes donc bien fait pour eux". Bref on n'est pas très avancés.Aslan a écrit :https://www.franceculture.fr/emissions/ ... imaginaireUne conversation... autre et des approximations en pagaille.
Ce qui ne pose aucun problème pour le policier en poserait pour la SF et la fantasy. Derrière cette phrase, il y a quand même l'idée qu'il n'y a qu'un seul public. Et le public d'une genre spécialisé n'est donc pas un public digne d'intérêt. Très fort le mépris quand même.Certains grands éditeurs publient maintenant de la littérature sous étiquette science-fiction mais c’est souvent dans des collections spécialisées, dans l’idée donc que le public de ce type de littérature est un public différent.
C'est la partie qui m'a le plus intéresséeGillossen a écrit :Il y a aussi une partie très intéressante de l'interview sur la catégorisation de certains romans en Young Adult, mais il faudrait remonter un autre sujet, je pense !
Une remarque là dessus. Le young adult et pas seulement en France a ciblé plutôt un public d'adolescentes et de jeunes femmes. Quand on se rend compte que c'est surtout chez les garçons (ça revient souvent chez les sociologue de la culture et de l'éducation) que l'on trouve le plus de décrocheurs ou de jeunes en perte de repères culturels, on se dit qu'on a peut être fait une erreur.Il fallait je pense essayer de promouvoir une littérature unisexe qui soit capable de plaire aussi bien aux filles qu'aux garçons.Gillossen a écrit :Il y a aussi une partie très intéressante de l'interview sur la catégorisation de certains romans en Young Adult, mais il faudrait remonter un autre sujet, je pense !
Le young adult a pour but de ramener vers le livre les décrocheurs de la lecture (c'est de ceux là que je parle). Or la majorité des décrocheurs de la lecture sont des garçons.Il y a par exemple beaucoup de décrocheurs de la lecture dans les classes scientifiques et pourtant ce sont souvent de bons élèves. Les décorcheurs de la lecture ne sont pas tous des décrocheurs scolaires.Gilthanas a écrit :C'est quoi le rapport entre les gamins décrocheurs (j'imagine d'un point de vue scolaire) et le young adult ? :huh:Raccrocher un gamin au "système scolaire" par la lecture, ça ne marche pas vraiment (et je suis prof de Lettres-HG en lycée professionnel...).
Je te rejoins sur ce point, même si le sujet est délicat. De mon expérience personnelle, ou de celle d'éducateurs spécialisés de ma connaissance, j'ai vu des mecs 16-25 a qui on a fait détester la lecture à force de les exposer à une "norme de lecture" se mettre à dévorer, analyser et se cultiver avec des trucs qu'on aurait pas cru qu'ils auraient panés le titre.Sauf qu'au lieu de vouloir "éduquer" un public qu'on traite avec un mélange de maladresse et de condescendance, il faudrait commencer par comprendre son identité et son processus culturel. Et là les sociologues, les éditeurs de bouquins, ils ne sont pas forcement au "top du game".Fabien Lyraud a écrit :Quand on se rend compte que c'est surtout chez les garçons (ça revient souvent chez les sociologue de la culture et de l'éducation) que l'on trouve le plus de décrocheurs ou de jeunes en perte de repères culturels, on se dit qu'on a peut être fait une erreur.Il fallait je pense essayer de promouvoir une littérature unisexe qui soit capable de plaire aussi bien aux filles qu'aux garçons.