Bonjour ! Lectrice régulière du site comme du forum, j’ai mis un peu de temps avant d’oser apporter ma griffe dans cet antique grimoire de la Fantasy mais la lecture de cette discussion et de ces divers avis très argumentés m’a donné envie de franchir le pas. Avant tout, je tiens à préciser que si je vais par la suite exprimer un avis parfois en total opposition avec ce qui a pu être énoncé précédemment, ne voyez dans mes propos nulle agressivité ni attaque en règle mais bien une volonté de discussion et de débat. [center]______________________________________________[/center]Je tiens donc à réagir sur les critiques qui ont pu être établies à l’encontre du sieur Goodkind et plus spécifiquement de son travail (l’homme en lui-même, je vous le laisse volontiers en pâture) que j’ai, pour ma part, beaucoup apprécié. Le but n’est pas tant de revenir sur les divers points négatifs et discutables de son cycle, mais bien sur un aspect plus global qui dépasse même les limites du cas isolé que constitue l’EDV. Outre la notation attribuée à l’œuvre que je trouve pour le moins exagérée – voire parfois incohérente à partir d’un avis purement personnel – sur laquelle je ne vais pas insister (les difficultés de la notation en elle-même peuvent constituer tout un débat autre), c’est sur un autre point concomitant que je souhaite revenir. En effet, là où je trouve qu’il y a en soi comme un véritable problème, c’est que la perception négative que l’on peut avoir du gus qui se tient derrière les bouquins tend à déteindre très fortement sur l’œuvre en question. Dès lors, il me semble que les critiques semblent davantage s’apparenter à des réquisitoires portés à l’encontre de l’auteur qu’à une réflexion portée en profondeur sur le contenu même du roman. Vous l'aurez sans doute deviné, je suis de celles et ceux qui ont de l'affection pour l’œuvre, bien que cette affection tende à légèrement s'étioler au fil du temps et des tomes (sans pour autant disparaitre). Et je reconnais sans l’ombre d’un doute avoir été déçue par
La Machine à Présages. L’ayant lu quelques jours après sa sortie en VO, j’ai d’ailleurs été immédiatement très critique à son sujet, en particulier sur un point particulier propre à l’auteur, à savoir la prédominance quasi exclusive de son personnage principal... En effet, pour approfondir un peu cet aspect critique là, il me semble que chaque personnage secondaire soit construit uniquement dans le but d’interagir avec Richard, de lui poser les exactes questions qui permettront de mettre ce personnage en avant, de le faire briller, lui offriront l’occasion de nous faire part de sa science, de son sens de la déduction si affuté… Et comme TG ne peut raisonnablement faire fonctionner seul son personnage principal, il met en place des personnages secondaires qui relayent les échanges nécessaires à l’évolution de l’intrigue, évolution qui a tendance à ne suivre que les découvertes de Richard. Et si cette dimension se retrouve dans les tomes précédents du cycle, elle est exacerbée outre mesure dans
La Machine à Présages. Ainsi, à chaque fois que l’un des personnages secondaires apparait, ses échanges sont exclusivement tournés vers Richard, l’ombre massive de ce dernier les obscurcissant complètement, comme s’ils n’étaient pour TG, que des moyens d’éviter le monologue. Et encore une fois, c’est d’autant plus dommage que ceci n’était pas si marquant dans le cycle de l’EDV, où l’on trouvait régulièrement un chapitre entier consacré à un personnage secondaire, son évolution, pour nous permettre de saisir sa personnalité avec d’autant plus de profondeur. Outre ce fait, bien d’autres critiques peuvent être faites à l’égard de l’œuvre, toutefois là encore, ce n’est pas tellement ce que je désire relever dans ce post (mais je suis tout à fait encline à en discuter davantage lors d’éventuels futurs échanges). Bref, si je reviens à mes moutons, ce sera pour parler d’un sujet un peu plus vaste : celui des limites à établir des classements entre auteurs basés sur des jugements de valeur – donc totalement subjectifs, vous en conviendrez – et à inférer des traits caractéristiques des lecteurs qui, pour des raisons diverses, ne se retrouvent pas dans ce genre de classement (qui semble enfouir l’œuvre de Goodkind sous une épaisse couche de purin nauséabond). Et un des points de vos critiques argumentées qui m’a particulièrement fait réagir, c’est ce constat très justement relevé par Elendhil :
Elendhil a écrit :Ce que je ne comprends pas à vous lire c'est cet acharnement sur son œuvre comme si Goodkind était un affront au genre de la Fantasy par son succès. Pour vous les gens qui aiment ne peuvent être que des lecteurs occasionnels de ce genre de littérature sinon ils auraient forcément un avis différent vu la grande qualité que l'on trouve dans certains cycles de Fantasy épique.
De même, je trouve ce style de remarque complètement dégradant pour les lecteurs :
Gillossen a écrit :Et elle est signée… par le tome XII de L’Epée de Vérité de Terry Goodkind, La Machine à Présages, qui se hisse directement en 9eme position cette semaine. De quoi nous plonger dans la perplexité, quand même les fans, ou du moins une partie de ceux-ci, admettent que la série est allée en déclinant… Mais il faut croire qu’il est dur de lutter contre les habitudes !
Source
Ici, 2 constats sont dressés : 1) le cycle de l’EDV est un des plus vendus du genre, et 2) les personnes l’achetant semblent idiotes car : ou elles reconnaissent une baisse de qualité dans l’œuvre et s’entêtent encore et toujours à acheter chaque nouveau tome, ou bien alors sont de simples novices qui, n’y connaissant strictement rien au genre, sont trompés par le fourbe Goodkind qui les rallie à sa cause par des mots doux et enivrants savamment susurrés au coin de l’oreille… Nul ne va sans dire qu’un tel raisonnement est pour le moins réducteur et me laisse, c’est le cas de le dire, perplexe. Ici, outre descendre un auteur et son œuvre, vous vous permettez, en quelque sorte, de déprécier et rabaisser ses lecteurs, et les personnes qui osent avouer aimer le cycle. Et je dis bien « oser » car devant la ferveur de vos critiques, on a l’impression de se retrouver sur le banc des accusés, à devoir justifier de sa santé mentale car, oui, on adhère à l’œuvre (et non, «
je ne suis pas folle vous savez » pour citer l’excellente
Florence Foresti en Isabelle Adjani). Dès lors, et très certainement sans le vouloir, en créant ainsi un classement de valeur entre les différents auteurs (au point même de définir une « première » et « deuxième » division), se génère imperceptiblement une échelle de valeur au niveau même des lecteurs. Pour résumer grossièrement ma pensée, ce qui se dégage globalement de vos discours, c’est que si l’on aime Goodkind, c’est que l’on est un novice qui ne connait rien au genre ou alors une brebis galeuse d’une espèce dégénérée qui ne peut être comprise (ok, l’expression est un tantinet exagérée, mais reflète bien mon ressentiment). Bref, dans un cas comme dans l’autre, classer Goodkind dans la liste des auteurs qu’il affectionne et le revendiquer revient, pour un lecteur, à perdre tout sa crédibilité. Or, c’est bien sur ce point que j’entre en désaccord. Personnellement, je tends à me considérer – sans prétention aucune, loin de là – comme une lectrice possédant un certain « bagage » en Fantasy (et là encore, le terme de « bagage » pourrait porter à débats. Qu’est-ce qu’un « bagage » ? Avoir lu des auteurs reconnus ? Des œuvres adulées ?). J’aime à placer Sanderson au sommet de ma liste personnelle, et je suis allée fouiller un peu de tous les côtés du genre en piochant chez Tolkien bien entendu, Rothfuss, Scholes, Erikson, Martin, Jordan, Gemmell, Eddings, Hobb, Robert, mais aussi Correia, Pratchett, Damasio, Scalzi en SF,… et j’en passe, le but n’est pas de faire une liste exhaustive. Dès lors, il me semble qu’à partir de toutes ces lectures, à la fois en VF et en VO, j’ai pu acquérir une petite connaissance dans l’univers de la Fantasy (ce n’est pas non plus la panacée hein). Et malgré le fait d’avoir trouvé des auteurs et cycles bien supérieurs à l’EDV de Goodkind, je ne renie pour autant pas ce dernier que je continue à placer parmi les cycles auxquels j’ai adhéré. « Adhérer » ne signifiant pas ici être une groupie inconditionnelle de l’œuvre, car comme tous, je suis également très critique. Mais est-ce que critiquer négativement certains points d’un cycle et convenir d’une baisse de niveau au fil des tomes signifie pour autant laisser tout bonnement tomber l’aventure ? Acheter les tomes suivants dans ces circonstances est-il la preuve, comme certaines remarques semblent le suggérer, de l’installation d’une petite routine de vieillard : «
Hop, achetons le dernier Goodkind, après toutes ces années, pourquoi changer ? ». Cela, je ne le pense pas. Au contraire, c’est plus la traduction d’une affection toujours vive pour l’œuvre, de l’envie de continuer à côtoyer des héros qui ont pu nous faire rêver, de retrouver ces émotions particulières associées à sa lecture, ou tout bonnement l’envie de connaitre la suite ! Par analogie, c’est un peu comme dans le cas d’une profonde amitié : on reconnait, certes, les aspects négatifs, défauts de caractère – où ici d’écriture – de la personne, mais ce n’est pas pour cela que l’on va pour autant arrêter de l’aimer… A méditer il me semble… Tout ce roman pour en venir à la réflexion principale : la nécessité de relever qu’il convient d’être très prudent, voire de marcher sur des œufs, lorsqu’on énonce un avis envers une œuvre et encore plus lorsqu’on prétend qualifier de « daube » un roman, un cycle et que l’on s’évertue alors à accorder une valeur plus ou moins grande à toute une pléiade d’auteurs. Il ne faut pas oublier que tout avis reste personnel et qu’exprimer une opinion contraire n’est pas le signe d’une infériorité de quelque nature qu’elle soit (moralement parlant ou bien en terme de capacités de compréhension, connaissances, bagage littéraire,…). Dans le cas contraire, on prend le risque de blesser profondément – et bien souvent involontairement – tout ou partie d’un lectorat qui a parfois l’impression d’être la brebis galeuse des lecteurs Fantasy… Et ceci est d’autant plus exacerbé qu’Elbakin reste LA référence en terme de Fantasy, consulté par plusieurs milliers de passionnés du genre, débutants et confirmés. A ce titre, votre crédibilité est un atout premier, gage d’un travail de qualité mais surtout auquel nous devons pouvoir, en tant que lecteurs, nous fier. En entreprenant ce qui s’apparente être une véritable vendetta contre l’auteur, cela ne peut finalement que desservir le site, ce qui est bien dommage étant donné toute la qualité de ce qui est proposé au quotidien. Ainsi, mettre parfois un peu d’eau dans son vin en gardant à l’esprit que l’on est lu par un grand nombre de petites têtes bien pleines aux opinions diverses et contrastées ne peut être que bénéfique. Pour terminer, je tiens encore une fois à souligner que ce post n’est nullement agressif mais essaye avant tout d’être argumentatif. Si certaines de mes réflexions sont perçues comme blessantes, alors c’est involontaire et je m’en excuse platement. Il s’agit avant tout d’apporter ma propre réflexion à ce débat et non de descendre en règle les personnes qui peuvent se sentir concernées par mes propos. Car après tout, c’est bien la diversité des avis et opinions qui fait la richesse de ce monde. Sans cela, tout ne serait que d’une monotonie morne et désolante. [right]En vous souhaitant à tous d’excellentes lectures vous amenant sur des rivages encore inconnus de l’Imagination (pour emprunter au stellaire Bottero). Bonne continuation et encore merci pour votre travail ![/right]