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J'aimerai ici ouvrir un débat, en espérant qu'il ne recoupe pas un post de ce type, pour déterminer les raisons de l'émergence de la Fantasy comme genre, et tenter de dégager les finalités que ce genre porte.Les termes que je propose pour ce débat présupposent un certain nombre de points : d'une part que l'émergence de la Fantasy est solidaire d'une époque, et même quand elle réactualise des thèmes anciens, elle demeure conditionnée par le "moment' dans lequel elle s'inscrit; autrement dit le genre répond à des préoccupations contemporaines qu'il va sans doute progressivement intégrer (les récits de Fantasy des années 90 ne recoupent pas entièrement ceux des années 2000). D'autre part, la Fantasy ne saurait se résumer à un divertissement (au sens pascalien), lequel ne proposerait qu'une fuite, une évasion, alors qu'elle offre, à mon sens, des questionnements sur notre propre présent et sur notre avenir. Loin de constituer une réaction stérile nous enfermant dans l'archaïsme, la Fantasy est en mesure de proposer des pistes pour repenser le délicat canevas de la modernité.Alors, pour vous, quelles sont, d'une part, les raisons de l'émergence de la Fantasy ? Et d'autre part, quelles finalités accordez-vous au genre ? (Voire : doit-on lui accorder une finalité ? La question peut se poser.)

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Salut Nanok, question assez intéressante en effet... Il est (pour moi) évident que la fantasy est un rapport avec le contexte sociale, familial, économique etc entourant l'auteur au moment de la rédaction. En effet le Mordor et ses habitants auraient-ils eu la même noirceur si Tolkien n'avait pas participé à la 1ère guerre mondiale ? Aurait-il d'ailleurs choisis comme personnage central de son œuvre un Hobbit ? Ces êtres auraient-il seulement existé ? Je penses que non, Tolkien m'apparaissant aux travers de l'ensemble de son œuvre comme un grand misanthrope, il me semble que l'horreur de la guerre l'aie profondément affecté et qu'il était évident que l'Homme ne pouvait se targuer ni avoir la prétention d'être un héros dans cette histoire, même si en la personne d'Aragorn Tolkien nous a laissé une légère notre d'espoir.De plus, la plupart pour ne pas dire quasiment toutes les œuvres de fantasy sont situés dans un cadre Moyenâgeux où le parallèle avec l'Europe de cette époque n'est plus à faire tant il est évident. Bien entendus les auteurs Européens se sont inspirés de ce qui les entourent, mais qu'en est-il des auteurs Américains ? Il ne me semble pas que les châteaux forts fussent monnaie-courante aux USA à l'époque médiévale... Ce qui m'amène donc à penser que la fantasy n'est au finale qu'une retranscription et une réflexion personnelle sur notre monde et l'humanité qui la peuple avec une vision actuelle, modifié par les différents événements, bons comme mauvais de l'histoire intervenus depuis. Là où je ne suis en revanche pas d'accord avec toi, c'est sur le fait qu'elle ne puisse pas être interprété comme un simple divertissement. Pas toutes certes, mais nombres d’œuvres ne font pas la par belle à la réflexion ni même plus généralement à la philosophie. Pour moi la fantasy fait depuis longtemps partie intégrante du patrimoine culturel mondiale, avec ces ancêtres tels que les contes, les légendes et les mythes et même les religions où l'on peut là réellement parler de réflexions sociales, environnementales, politiques et philosophique avec malheureusement des thèmes encore et toujours d'actualités tels que le racisme, la misère sociale et économique, les castes sociales, l'élitisme, l'esclavagisme avec des chaines aux poignets ou celui du au système monétaire, les codes sociaux, le droit de vie et de mort, le fanatisme religieux ou encore la guerre. Je continuerais d'aller dans ton sens en soutenant le fait qu'elle nous interroge notre propre présent mais quand à notre avenir je n'en suis pas sur. Elle nous offre l'espoir, mais l'espoir de quoi ? Si le monde est si souvent situé à l'époque médiévale ce n'est sans doute pas pour rien. A l'époque le monde pouvait encore se targuer d'avoir une biodiversité relativement intacte. Une richesse culturelle que n'avait pas encore anéantis la mondialisation et l’aseptisation des cultures par l'Occident et l’américanisation du monde. Alors finalement n'est-ce donc pas un peu de tout ce que tu as dit ? Un divertissement qui nous laisse le bonheur simple de l'évasion dans ce que ne peut pas/plus nous procurer le monde réel tant sur les plans sociaux qu'écologiques en restant tout à la fois une réflexion personnelle de notre passé, de notre vie actuel et personnelle ainsi que du contexte globale qui nous entoure ? Pour conclure je crois que la fantasy pourrait se résumer à cette phrase : "La nostalgie de ce qui aurait pu." Voilà, pas sur d'avoir vraiment répondu mais j'ai fais au mieux :p

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Etant donné l'heure je vais éviter d'écrire trois pages mais le sujet est suffisamment passionnant pour rendre cette tache ardue.Pour moi l'une des principales forces de la Fantasy est la multiplicité de ces niveaux de lecture. Un enfant de 12 ans pourra lire le Seigneur des Anneaux et apprécier, un jeune de 20 ans pourra le relire et n'y trouvera plus les mêmes messages. Dans de nombreux genre l'histoire pure sans réflexion est soit au cœur de tout soit complètement exclue. A l'inverse la Fantasy a su inclure a la fois le rêve et la réflexion.Ensuite la Fantasy permet clairement à de nombreux lecteurs de s'échapper. Quand j'ai passé une mauvaise journée, la première chose que j'ai envie de faire c'est partir loin de mes problèmes. Un livre est alors une magnifique échappatoire qui plus est si ce livre n'a que très peu de liens avec ce que je vie au quotidien. Ce raisonnement est évidemment valable avec d'autres domaines comme les films ou le jeux-vidéo où la Fantasy tient également une part importante (surtout dans les jeux vidéos).Un autre facteur me parait être le public visé. Je ne suis pas un professionnel de "pop culture" mais historiquement la Fantasy a été fortement liée à des groupes de personnes qui ont été précurseurs sur Internet. Ces mêmes lecteurs ont donc plus facilement pu se rassembler et transmettre leur passion que la plupart des genres. A mon avis internet a permis un développement sans précédent de la Fantasy chez un publique relativement jeune et qui a depuis vieilli et commence à faire rentrer ce genre dans la culture au sens large du terme. Le constat est le même pour les films de super-héros qui sont devenus les plus grands succès du cinéma moderne depuis quelques années.

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La fantasy c'est la littérature du "d'où venons nous?". Quelque part c'est aussi une analyse anthropologique des périodes passées. Le coté "fantastique" permet d'expérimenter toutes les possibilités qui n'ont pu être dans l'histoire. C'est aussi une manière de creuse les mythes, de les mettre en scène de manière naturaliste.

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Pour moi la Fantasy c'est la SF du passé. Une série de rêves retranscrits sur papier. Peu importe que le monde soit totalement imaginaire ou tiré de la véritable histoire de notre planète.

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Je pense qu'il doit être plus rare que des auteurs écrivent de la Fantasy pour faire une métaphore d'une époque de notre monde. Cela doit se faire, d'une manière ou d'une autre, mais pas en priorité il me semble. Je parle dans la Fantasy en général ! Disons que je n'ai pas l'impression que les auteurs aient ce but précis en écrivant. Ça en ressort, c'est sûr, mais je ne pense pas que ce soit la finalité qu'ils veulent pour leurs récits. :) (Si j'ai bien compris le sujet :lol: )
« Le Seigneur Ogion est un grand mage. Il te fait beaucoup d’honneur en te formant. Mais demande-toi, mon enfant, si tout ce qu’il t’a enseigné ne se résume pas finalement à écouter ton cœur. » - Tehanu, Ursula K Le Guin

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Comme toute œuvre d'art, la fantasy est avant tout métaphore. Je ne pense pas, contrairement à ce que signale Piou-oi-oi un peu plus haut, que la fantasy soit un vecteur de nostalgie, malgré son cadre "moyenâgeux" et adhère donc plutôt à la théorie selon laquelle la fantasy - comme toute littérature ou tout art, je me répète - est une représentation de la modernité, du contexte de son époque.Evidemment, décrire les finalités, la philosophie et l'emprise de la modernité sur la fantasy en un post est impossible, on pourrait y consacrer des livres sans faire le tour de la question. Mais j'ai envie de lancer quelques pistes de réflexion ici.1. La fantasy est une littérature d'apprentissageLa plupart des héros de fantasy commencent leur aventure jeunes, découvrent la vie et le monde dans lequel ils évoluent. Outre qu'il s'agit d'un moyen commode mais efficace d'également initier le lecteur aux arcanes d'un monde imaginaire dont il ne connaît rien, il permet également de décrire un sentiment (un phénomène ?) applicable à toutes les époques, y compris la nôtre : la rupture entre l'idée du monde et la réalité du monde. Le héros est donc jeune et idéaliste, doté d'idées pures, parfois naïves, et fait face à un monde qui comporte pièges, horreurs et est envahi par le Mal. Il lui faut affronter ce monde inconcevable et en faire l'apprentissage. C'est là en partie une remise au jour du roman d'apprentissage (Bildungsroman, si vous voulez briller en soirée), un genre extrêmement populaire au 19ème siècle (un nombre incroyable de nos classiques scolaires en font partie : Le Rouge et le Noir, L'éducation sentimentale, Bel-Ami,...).La fantasy est donc : - une littérature de rupture (le monde et l'idée que nous nous en faisons sont deux choses distinctes)- une littérature d'initiation (le héros apprend, par expériences et aventures, des vérités sur le monde)2. La fantasy est une littérature de valeursDans le roman d'apprentissage comme dans la fantasy, après la série d'évènements qui amènent le héros à se rendre compte de l'"horreur du monde", celui-ci tente d'y répondre par divers moyens.Tout d'abord, les rencontres. Là où le roman d'apprentissage classique fait des rencontres un point de départ à la transformation intérieure, la fantasy en fait le point de départ d'une transformation du monde extérieur. La rencontre devient ici amitié et force : les héros sont secondés dans leur quête par des personnes auxquelles ils vouent une confiance absolue, des personnes qui renforcent leurs convictions et leurs volontés, des aidants. Ces personnages forment une unité, un groupe, tendant vers le même point et nous rappellent que cette perception de la dichotomie définie ci-dessus est une expérience commune et que l'acceptation du monde réel n'est pas obligatoire (contrairement à la leçon donnée par le roman d'apprentissage classique). Après sa propre volonté, la première force du héros en quête est avant tout les autres, ceux qui adhèrent à sa volonté de changement. Même les personnages les plus individualistes de la fantasy (je pense ici à Conan, par exemple), ne sont jamais réellement seuls. La solitude extrême d'un Conan, peut-être le personnage le plus essentiellement insatisfait et, partant, le plus essentiellement solitaire de la fantasy, est compensée par ses rencontres, pas toujours heureuses ou qui finissent mal, mais qui le modèlent, qui l'aident à refuser le monde tel qu'il est. Même si ses motivations sont au départ matérielles et égoïstes (trouver la richesse, le pouvoir, les femmes,...), Conan finit par se rendre compte que ce que ce monde a à lui offrir est autre. Ce qui m'amène à un second point. La fantasy véhicule un ensemble de valeurs, que j'ai envie d'appeler un "code d'honneur". L'amitié, le groupe (et ce malgré l'individualisation extrême des héros de fantasy) en est une. Ce "code" en est une autre, plus vaste. Tout d'abord, en fantasy, le renoncement est indésirable et impossible, les enjeux sont trop grands, le but à atteindre trop important. De même, certaines actions sont impensables. Le Mal est exclu. Si certaines actions, certaines morts sont inévitables, seuls les "coupables" y ont droit. Toute action négative envers les innocents est impensable. Les infractions au "code" sont le plus souvent punies.La fantasy nous apprend donc qu'il y a des valeurs personnelles qui priment sur tout, des états de faits et de choses que l'on ne peut accepter.Elle nous apprend aussi que nous ne sommes pas seuls face à l'adversité.3. La fantasy est une littérature de résistanceUne fois cette dichotomie idée du monde/monde réel établie, une fois la connaissance acquise, il s'offre deux choix au héros : accepter le monde tel qu'il est et se réconcilier avec celui-ci ou refuser le monde tel qu'il est et tenter de le changer, ne serait-ce qu'en partie.La littérature d'apprentissage classique nous offre généralement la première solution : après un long cheminement, le héros accepte le monde tel qu'il est et se construit un état d'âme intérieur harmonieux, équilibré, adulte... Il devient partie prenante de ce monde et y évolue sans rechercher de changement autre qu'intérieur.Le héros de fantasy, au contraire, n'accepte pas le monde tel qu'il est. Il cherche activement à le changer. Il se lance dans des quêtes afin de rétablir les valeurs auxquelles il croit, il cherche à effacer les torts commis, que cela soit à sa propre encontre ou à l'échelle du monde entier. La littérature de fantasy nous apprend que l'on peut changer le monde, que l'on est pas obligé de s'y conformer, que nous avons du pouvoir sur ce qui nous est extérieur. La fatalité, malgré la présence de pouvoirs supérieurs et censément intouchables (dieux, magiciens surpuissants, armées monstrueuses, mondes mourants...), n'est en fait que rarement présente dans la littérature de fantasy. La leçon que nous donne la fantasy est qu'on peut modeler son propre destin malgré les pressions extérieures, malgré le monde.En ce, la fantasy est un art rebelle, un art parfaitement adapté à notre époque (pour vous donner une idée, remplacez les dieux par les multinationales, les magiciens maléfiques par les dictateurs, mondes mourants par... euh pas besoin de le remplacer, nous vivons dans un monde mourant...). Une métaphore de notre vie et de notre situation. Mais, même la situation la plus désespérée peut être modifiée, peut être changée. Par le pouvoir de la volonté, certes, mais aussi par celui de l'amitié (Tolkien en est l'exemple le plus évident), par celui des valeurs, par celui de l'indignation qui amène à la résistance au monde.La fantasy, bien loin d'être une littérature archaïsante et nostalgique, est donc une littérature de la révolte. Un thème plus qu'en prise avec notre époque.

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justi a écrit :La fantasy donc, bien loin d'être une littérature archaïsante et nostalgique, est donc une littérature de la révolte. Un thème plus qu'en prise avec notre époque.
Je ne peux qu'approuver sur le faite qu'elle est une littérature de la révolte. Cela dit la nostalgie peut être traduit dans mon post par "regrets" (oui pas forcément aisé de s'exprimer clairement avec les bons mots à 1h du matin), ce qui n'est pas incompatible avec la révolte, qui nait bien souvent lorsqu'il est tard, voire trop tard... Je suis personnellement convaincus que la majorité des problèmes que rencontre l'humanité depuis le vingtième siècle prennent racines dans le passé, et est de ce faite, une lutte d'aujourd'hui, mais également d'hier. Avec des problèmes dont la marche arrière est aujourd'hui impossible. Par exemple la corruption du pouvoir à tous ces niveaux et sous toutes les formes qui est depuis que le pouvoir lui-même est. La destruction de la faune et de la flore depuis que l'Homme à cru être au dessus de la nature sans se rendre compte qu'il en était lui-même le fruit, et en était de ce fait dépendant. Problème qui lui est née avec le capitalisme et tout ce qui en découle : productions de masses, mondialisation, cote en bourse de n'importe quel matériaux qu'il soit minérale, végétal, animal, liquide, gazeux et même humain. Bientôt l'oxygène sera taxé, et sera une nouvelle source de conflit au grand bonheur des puissants. Alors révolte oui, mais également nostalgie car elle prône quelque part un retour en arrière, à des valeurs que l'Humanité semble avoir depuis longtemps déjà oublié. A une époque où l'Homme était au cœur de l'Homme. Ta réflexion m'amène malgré tout à repensé ma vision de la chose, la fantasy amène belle et bien à s'interroger sur notre avenir, sauf que trop souvent, le mal n'en était qu'à ses prémices dans les livres, alors que dans notre monde il est bien ancré, et ce depuis de nombreuses décennies déjà...Tout dépend bien sur de point de vue que l'on a sur la chose, mon nihilisme exacerbé frôlant parfois la misanthropie n'aidant pas vraiment.

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Piou-oi-oi a écrit :. Alors révolte oui, mais également nostalgie car elle prône quelque part un retour en arrière, à des valeurs que l'Humanité semble avoir depuis longtemps déjà oublié. A une époque où l'Homme était au cœur de l'Homme. Ta réflexion m'amène malgré tout à repensé ma vision de la chose, la fantasy amène belle et bien à s'interroger sur notre avenir, sauf que trop souvent, le mal n'en était qu'à ses prémices dans les livres, alors que dans notre monde il est bien ancré, et ce depuis de nombreuses décennies déjà...
Il y a deux truc qui me chiffonnent.Tout d'abord, je ne pense pas que l'on puisse affirmer que le mal n'en est qu'à ses prémisses dans la littérature fantasy.Au contraire, bien souvent, il a une place omnipotente, la menace n'est pas sourde, les armées du Mordor sont à nos portes et ont déjà ravagé la majeure partie du monde. La situation semble désespérée, intenable. Le mal est omniprésent et la défaite proche.Quant au problème de l'Homme au cœur de l'Homme, on pourrait épiloguer (il ne me semble pas que l'Homme était plus au cœur de la société dans les siècles passés, il me semble que c'est une reconstruction romantique dudit passé, je ne crois pas que les serfs médiévaux ou les esclaves antiques partagent cette opinion, ni que l’avènement de la société capitaliste représente un abandon de l'humanité, celle-ci n'ayant, à mon avis, jamais été au cœur des préoccupations sociales) , mais je voudrais souligner qu'il ne représente pas une nostalgie, une tentative de retour en arrière, mais plutôt une solution. Donc, une proposition pour l'avenir, une idée révolutionnaire et neuve.Désolé pour le post vide, mauvaise manipulation...

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Je voudrais revenir sur la complémentarité de la SF et de la fantasy. Il est clair que la fantasy parle du " d'où venons nous" et la SF du "où allons nous". Il est clair aussi qu'il n'y a pas de futur sans passé. Certains critiques ont du mal à comprendre que des auteurs de SF écrivent aussi de la fantasy. Ils ont tort. S'intéresser à nous origine permet de mieux comprendre l'avenir que nous voulons laisser à nos enfants. Et finalement le fait d'écrire les deux montre qu'ils ont compris l'importance de cette complémentarité.La fantasy est avant tout une littérature philosophique et comme la SF a une dominante anthropologique et même plus que la SF. La fantasy parle des civilisation. Dans la (bonne) fantasy épique elles sont même traitées comme de vrais personnages. On met en scène les conflits entre civilisation et aussi la confrontation entre ces civilisations et les forces de la corruption représentée sous la forme d'entités maléfiques : Sauron, Belgarath..... ou plus humaine comme le Saat du Secret de Ji.Dans la sword and sorcery par contre les force de la corruption sont au milieu des sociétés civilisées et ce sont des héros cyniques et désabusés, souvent marginaux qui se dressent pour défendre les valeurs de la justice, qui prennent le parti de l'opprimé contre le fort.... Dans les deux cas finalement nous avons un reflet de notre monde certes, mais aussi une vision des civilisations n'ont pas telles qu'elles ont été mais telles qu'elles auraient pu être. Car la fantasy apporte aussi une part d'expérimentation. A l'instar de l'uchronie, on joue au jeu du "et si" en s'affranchissant des contraintes de l'histoire. Et si une société polythéiste avait tenu jusqu'à la renaissance ? Comment un civilisation antique aurait pu évoluer si elle avait adopté un régime communiste ?..... C'est aussi une littérature qui joue avec les mythes et les mythologies. Qui essaye d'en créer de nouvelles. Et qui là aussi expérimente.

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Je suis assez étonné des réponses, dans le bon sens du terme, car elles proposent des pistes vraiment conséquentes et pertinentes.
Piou-oi-oi a écrit :Là où je ne suis en revanche pas d'accord avec toi, c'est sur le fait qu'elle ne puisse pas être interprété comme un simple divertissement. Pas toutes certes, mais nombres d’œuvres ne font pas la par belle à la réflexion ni même plus généralement à la philosophie.
Je ne voudrai surtout pas mésestimer la dimension divertissante, j'ai d'ailleurs découvert la lecture par ce genre parce qu'il permettait une évasion inédite. Je voulais simplement rappeler que la Fantasy ne devrait toutefois pas se cantonner (elle ne s'y cantonne pas dans bien des cycles/trilogies, reste que c'est un de ses biais à mon sens) à l'évasion, car ce serait en limiter les potentialités. Potentialités que vous avez tous très bien dégagé. Que la Fantasy explore un passé parfois idéalisé ne revient pas forcément à admettre qu'elle dit rien du présent ou du futur. Je crois au contraire que son succès peut se lire et comme une nostalgie d'un monde enchanté (par opposition au "désenchantement du monde" que nous connaissons), et comme une invitation à réinvestir des pans de l'existence humaine que nous avons délaissé. Je rejoins ici complètement l'avis de Fabien Lyraud pour qui Fantasy et SF ne sont pas à opposer parcequ'ils participent de questionnements similaires. Farell relève judicieusement que la Fantasy commence à recevoir en quelque sorte ses lettres de noblesse, au point que se multiplient les publications scientifiques à son endroit. Aventurine relève à juste titre les limites de ma "lecture" du genre (reproche que j'entends, intellectualiser cette littérature ouvertement imaginaire revient à surinterpréter constamment le propos d'un auteur) , en ce que les auteurs qui choisissent d'écrire sont assez rare à avoir projet "philosophique". Rien à ajouter au commentaire de justi, très éclairant ;).

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Pour faire écho au message d'Aslan, la reconnaissance (universitaire ou pas) de la fantasy, ses liens avec la SF, etc, etc, tout ça fait déjà l'objet de sujets en forum. :)A titre perso, j'ai déjà du mal à définir "la" fantasy. D'ailleurs les messages ci-dessus semblent tourner autour de son versant épique.

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Gillossen a écrit :A titre perso, j'ai déjà du mal à définir "la" fantasy. D'ailleurs les messages ci-dessus semblent tourner autour de son versant épique.
J'éprouve la même difficulté et ai également l'impression que les messages n'abordent qu'une des facettes de la fantasy qui ne se résume heureusement pas à la "high" ou à la "heroic" qu'elles qu'en soient les qualités et bien que je déteste toute classification.

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Je ne vois pas en quoi ce sujet, récent, serait exclusif. A chacun d'y apporter sa contribution pour élargir ce que nous entendons par Fantasy et l'intégrer aux questions initiales. En quoi d'ailleurs serait-il impropre que de dégager des lignes-forces de la Fantasy ? J'ai un peu de mal à cerner les raisons de cette suspicion récurrente quant à une théorisation du genre, comme si la généralisation était par principe une faute et qu'il faudrait mieux en rester au particulier.

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Je dirais que la Fantasy en tant que genre en soi est relativement jeune comparée à d'autres (ce n'est "que" durant la première moitié du XXe siècle que ce genre a émergé, après tout). Mais tout de même, je pense qu'on peut signaler, au-delà des romans eux-mêmes, deux sortes de Fantasy : celles qui véhiculent consciemment un message et des valeurs (souvent autour d'une lutte entre le Bien et le Mal plus ou moins évidente et mythologique -je pense bien sûr au Seigneur des Anneaux, mais aussi à la Roue du Temps et son Ténébreux dont le nom même est très indicatif de sa nature) et une Fantasy qui s'attache moins à porter des valeurs qu'à créer un monde plus ou moins complexe, et où finalement les enjeux semblent souvent moins "épiques" (ou bien mythiques); ainsi, un peuple migre et attaque son voisin, mais ne le fait pas parce qu'il est mauvais, simplement parce qu'il manque de place pour se nourrir et doit s'étendre.Ce deuxième type de Fantasy est probablement moins auréolé de reconnaissance que le premier, d'abord parce qu'il s'agit d'une branche plus casse gueule (comment rendre des personnages intéressants sans le support du classique combat entre le Bien et le Mal -ou du moins quand ce combat est loin d'être l'origine de tous les maux, et que plutôt que le Mal il y a des maux ?). Mais d'expérience, je penses pouvoir dire que les deux approches se valent en terme de gratification personnelle, même au niveau d'histoires courtes ou de wordbuilding. Mais dans l'ensemble, la difficulté de la Fantasy est qu'elle doit donner une impression de distance dans le temps et l'espace tout en devant parler à des lecteurs présents. Certes, de grandes œuvres comme celles de Tolkien, Martin ou Jordan, sont particulièrement propices à une survie très longue, avec de fait des approches qui vont se renouveler quant à ces romans, faisant émerger de nouvelles idées au fur et à mesure que les sensibilités des lecteurs évoluent. Mais beaucoup d'autres œuvres de Fantasy sont sur le fil du rasoir : comment faire adhérer une part suffisante du public potentiel pour être viable sans tomber dans une nature très "années X" ?Cependant, je pense que la grande force de la Fantasy par rapport à d'autres genres littéraires, c'est qu'en prenant les formes du "mythe" (c'est à dire en s'éloignant de notre réalité) elle peut véhiculer des messages et des valeurs de manière plus intemporelle qu'ailleurs. Des millions de lecteurs ont dévorés les œuvres de Tolkien et des millions d'autres le feront, non pas parce qu'il a su transmettre un message parfait, mais parce que la manière dont il le transmet le détachent du quotidien des gens.

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Certains parlent de la fantasy comme métaphores d'époques (et au niveau cinématographique, on peut par exemple penser aux Visiteurs du soir, de Marcel Carné, ou bien pour les livres à Sam évidemment, du Seigneur des Anneaux, inspiré par un ami de Tolkien dans les tranchés...), pour moi il s'agirait surtout de métaphore de sentiments.La Fantasy, c'est également une question sous-jacente maintenant qu'elle peut être reconnue comme un genre adulte de la littérature: "a-t-on encore le droit de rêver?". En effet, si la science-fiction se cache derrière la science tout court ou l'uchronie, pour faire valoir son sérieux et sa légitimité face à des détracteurs plus ou moins aigris, qu'en est-il de la fantasy?Pour moi il y a une certaine recherche de la simplicité, dans ce genre là. De grands sentiments comme l'honneur, l'amour ou la trahison, sans le poids d'un naturalisme plus "lourd" relié à une littérature dite normale. La fantasy, c'est aussi une recherche d'un langage universel. Pouvoir avec un imaginaire, parler à plusieurs types de cultures... Bien sûr, via la fantasy on peut dénoncer aussi, bien sûr la fantasy commet ses dérives.... Mais lorsque je veux des sentiments et des choses qui prennent aux tripes, ce n'est pas vers des histoires réelles que je me tourne, mais bien vers cette fantasy impossible à définir. D'une certaine manière, la meilleure réponse à cette question de "Pourquoi lit-on de la fantasy?", ce serait "pourquoi pas?"Adulte, on a tendance à trop vouloir se structurer dans la vie comme dans l'imaginaire, pour réellement donner une place aux rêves. La fantasy permettrait de savoir redonner une place à ceux-ci, sans que cela ne se transforme en fuite désespérée et triste. Qui plus est, je trouve absolument fascinant le nombre de sujets graves que l'on peut aborder avec des enfants ou des adolescents via la fantasy et ce en film comme en livre. J'en parle souvent de cette oeuvre, mais bon... l'Histoire sans Fin, notamment le film, au fond qu est-ce que cela montre? Qu'un enfant, même ayant vécu un deuil indescriptible, même en étant pas doué à l'école et en ne correspondant pas aux attentes d'un parent, hé bien il a le droit de rêver, il a le droit d'imaginer. Et, cette imagination, elle n'est pas une perte de temps car elle peut lui permettre d'avancer. La Fantasy est un écrin à émotions et sentiments, et ça fait du bien d'imaginer soudain ses soucis comme la forme indistincte d'un dragon déjà agonisant.

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Nakor a écrit :En quoi d'ailleurs serait-il impropre que de dégager des lignes-forces de la Fantasy ? J'ai un peu de mal à cerner les raisons de cette suspicion récurrente quant à une théorisation du genre, comme si la généralisation était par principe une faute et qu'il faudrait mieux en rester au particulier.
Ce n'est pas ça le souci, ce serait plutôt de le faire en oubliant une bonne partie des représentants du genre dans l'équation. Encore une fois, tous les messages ou presque ne parlent que de fantasy épique. :)
Si vous estimez que le sujet constitue bel et bien un doublon, alors je suis d'accord pour le supprimer.
Personne n'a parlé de le supprimer, d'autant que les messages sont très intéressants. Mais pour l'instant, c'est sûr qu'il pourrait très bien se "fondre" dans un fuseau sur la High Fantasy.