181
Gagner la Guerre.C'est qu'il vous embarque dans ses bagages ce ruffian de Benvenuto. J'ai été particulièrement emballé par les périples et péripéties du sieur Gesufal.Ce qui accroche c'est d'abord la maîtrise de cette narration à la première personne dans un langage familier mais finement recherché et ouvragé, qui sait se renouveler (les répétitions de termes ou de tournures sont rares). Par ailleurs la palette du vocabulaire usité est d'une variété assez étonnante, voire époustouflante. Et pour chaque gamme de cette palette la richesse, la profondeur, du langage des termes et mots utilisés sont proprement fascinantes. Je ne suis pas un "gros" lecteur, je n'ai pas d'expérience littéraire particulière, pourtant j'ose penser que cette oeuvre de Jean-Philippe Jaworski est de haute volée littéraire.L'équilibre qu'il réussit à trouver mêlant un vocabulaire vulgaire (mais qui ne l'ai jamais en fait) assez poussé mais tout autant des formes recherchées dans ses descriptions est tout bonnement bluffant. Pour ma part ce qui me fait m'attacher à ce narrateur qu'est Gesufal Benvenuto c'est bien cette propension à l'usage de l'humour noire pour narrer des faits absolument atroces, ignobles ou abominables (faits qui peuvent très bien être une réalité du passé, du présent et du futur). Et l'ignominie se boit comme du petit lait avec un guide comme Don Benvenuto. On en redemande, et il le sait le bougre.Pour résumer mon sentiment, ce livre est un régal et atteint des sommets dans sa forme et sa narration. Sur le fond on plonge dans des intrigues de pouvoir et très urbaines et je dois avouer, n'en étant pas forcément amateur, que je me suis laissé littéralement embarqué et grisé. J'ai particulièrement aimé le "détour" dans l'intérieur des terres car c'est plus à ce moment que l'auteur nous fait ressentir la profondeur d'un monde (son monde), au sens géographique, sa richesse potentielle et sa variété. Et là il a touché une corde sensible et j'aurais aimé qu'il m'entraîne plus loin dans ces vieux royaumes. Bien sûr c'est là que l'imaginaire personnel prend le relais.Du bel ouvrage donc. Il faut maintenant que je m'attèle à Janua Vera avec un plaisir anticipé. Notamment celui de lire de la fantasy en VO-français :)En contrepoint, ou en complément, mon épouse a aussi lu Gagner le Guerre, si elle reconnaît, en dévoreuse de livre tout styles confondus, le travail d'orfèvre et de virtuose de l'auteur elle trouve le récit trop "masculin". Elle fait d'ailleurs le même reproche à Tolkien. Et je comprends tout à fait son analyse, son sentiment.