Nécromancie de sujet !
Je viens de terminer ce roman en VO et j'ai déjà deux remarques à faire en découvrant la VF dans ce fil :
- Le titre original, "Wizard of the Pigeons", c'est-à-dire "Le Magicien des pigeons", est bien meilleur, parce qu'il donne une bien meilleure idée de l'ambiguïté de l'atmosphère de l'intrigue, entre le merveilleux et le dérisoire (voire le sordide). "Le Dernier Magicien" est un titre faux, comme on s'en rend compte à la lecture. A la limite, au pluriel, ça aurait eu du sens, mais pas au singulier.
- Attention, le 4e de couverture de l'édition Mnémos spoile des éléments importants de l'intrigue ! Il contient des informations qu'on est censés comprendre progressivement, et pas avant une moitié du livre à peu près ! Le lire revient à bousiller toute une partie de l'intérêt de l'intrigue ! Quelle bourde de la part de l'éditeur !
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On ne sait rien au début sur les relations entre Magicien et le Viet Nam. Ce n'est que quand son ancienne vie le rattrape,vers les deux tiers du livre, qu'on se doute (puis qu'on a la confirmation) qu'il est un ancien soldat... Mais c'est distillé très progressivement et ça contribue notablement à l'intérêt de l'intrigue. Un 4e de couv pareil gâche complètement cet aspect de l'histoire.
Mon avis sur le roman (lu en VO, donc) : c'est un roman qui n'est pas tout à fait réussi mais que je reste très content d'avoir lu, car il est original, contient plusieurs excellentes idées et constitue à mes yeux une lecture marquante en fantasy urbaine, au même titre que
Neverwhere.
Rien que les premiers chapitres sont fabuleux et justifieraient à eux seuls la lecture, avec leur évocation d'une forme de magie liée à la vie de SDF qui fait penser à la chanson de Mary Poppins "Pour nourrir les petits oiseaux", mais en plus adulte, en plus ambigu et en plus sombre sur les bords (et même vers le centre ensuite). Je ne connais rien au punk, mais j'ai eu l'impression qu'il y avait un petit côté punk dans les choix de vie des magiciens.
Vers la moitié du roman, l'intrigue prend un brusque virage et semble prendre une direction complètement différente qui fait douter de tout ce qu'on vient de lire jusque là. J'ai eu du mal avec ce virage et surtout avec le fait qu'il prend une place de plus en plus importante dans l'intrigue. Après coup, le résultat me semble tout de même très valable, mais je trouve que ce virage n'est pas tout à fait assez préparé dans le début du roman.
Une autre chose, qui a visiblement gêné plusieurs lecteurs qui se sont exprimés sur ce fil, c'est que pendant toute une partie de l'histoire l'auteure lorgne du côté du fantastique, avec son ambiguïté intrinsèque : quelle est la nature réelle des événements auxquels on assiste ? Qui est vraiment Magicien, quelle est sa magie, existe-t-elle seulement ? etc. Cela peut être déstabilisant. Pourtant, les derniers chapitres ne laissent aucune ambiguïté sur l'appartenance du roman au genre de la fantasy urbaine.
Rétrospectivement, je vois des endroits où l'intrigue aurait pu être mieux équilibré, peut-être des longueurs ou des fils pas tout à fait bien noués au début. Il n'y a pas autant de maestria dans ce roman que dans ce que j'ai lu de Robin Hobb avec
L'Assassin royal et
Les Aventuriers de la mer où de multiples fils narratifs ont l'air d'être noués de manière complexe avec une facilité impressionnante. Là, on voit quelques défauts, oui. C'est ce qui me fait considérer ce livre comme un roman "de jeunesse", là où les grands cycles seraient davantage des romans de la maturité (je schématise).
Mais malgré ces défauts, je recommande ce roman. Pour son univers urbain et sa conception originale de la magie, bien sûr. Personnellement, j'ai beaucoup apprécié un autre aspect du livre : son évocation des réalités sociales américaines et de plusieurs thèmes tout ce qu'il y a de réalistes, mais vus par le prisme de la fantasy. Il y a un propos social et engagé de la part de l'auteure, sans doute possible, et pour ma part je l'ai apprécié.