


L'épilogue du Seigneur des Anneaux. Un soir du mois de mars 1436, Maître Samsagace Gamegie se trouvait dans son bureau à Cul-de-Sac. Il était assis à la vieille table de travail bien usée et, s'accordant de fréquentes périodes de reflexion, couvrait des feuilles volantes de sa lente écriture ronde. Sur un lutrin à hauteur de sa taille reposait un grand livre rouge manuscrit. Peu de temps auparavent, il en avait lu des passages à voix haute à sa famille. Car ce jour était un jour particulier : l'anniversaire de sa fille Elanore. Ce soir-là, avant le dîner, il avait enfin terminé le Livre. La lente progression le long de ses nombreux chapitres, même avec les omissions qu'il avait trouvées judicieuses, avait pris des mois, car il ne l'avait lu à voix haute que les grands jours. A la lecture d'anniversaire, outre Elanore, étaient présents le petit Frodon, la petite Rosie, et les jeunes Merry et Pippin ; mais les autres enfants n'y avaient pas assisté. Le Livre Rouge n'était pas encore pour eux, et ils étaient au lit bien tranquilles. Tête d'or (1) n'avait que cinq ans ; car Frodon s'était légèrement trompé dans sa prédiction (2) : elle était venue après Pippin. Mais elle n'était pas la dernière de la lignée, car Samsagace et Rose semblaient bien partis pour rivaliser avec le vieux Géronte Touque pour le nombre d'enfants, avec autant de succès que Bilbon pour celui des années. Il y avait le petit Ham, et Daisy, et Primevère, toujours dans son berceau. A présent, Sam savourait >. Le dîner etait terminé. Seule Elanore restait avec lui, toujours éveillée parce que c'était son anniversaire. Elle s'assit sans bruit, regardant fixement le feu et jetant de temps à autre un coup d'oeil à son père. C'était une belle fille, plus blanche de peau que la plupart des jeunes hobbites, et plus mince, et les lueurs du feu étincelaient dans sa chevelure d'or rouge. Elle avait reçu par don, sinon par héritage, un souvenir de la grâce des Elfes. > Elanore resta un instant silencieuse avant de reprendre la parole. > Sa main tâtonna à la recherche de la patte brune de Sam, qui serra ses doigts fins. Car ton trésor est parti lui aussi. Je suis heureuse que Frodon de l'Anneau m'ait vue, mais j'aimerais pouvoir me rappeler l'avoir vu. - C'était triste, Elanorellë, dit Sam, embrassant ses cheveux. Ca l'était, mais ce ne l'est plus désormais. Pourquoi ? Et bien, d'une part, M. Frodon est parti là où la lumière elfique ne faiblit pas ; et il a mérité sa récompense. Mais j'ai eu la mienne également. J'ai reçu de grands trésors. Je suis un hobbit très riche. Et il y a une autre raison que je te chuchoterai, un secret que je n'ai jamais dit à quiconque auparavant, ni encore inscrit dans le Livre. Avant de partir, M. Frodon a dit que mon heure pourrait venir. Je peux attendre. Je crois que, peut-être, nous ne nous sommes pas dit adieu pour de bon. Mais je peut attendre. J'au au moins appris ça des Elfes, en tout cas. Le temps, ça ne les tracasse pas. Ainsi, je pense que Celeborn est toujours heureux parmi ses arbres, d'une façon elfique. Son heure n'est pas venue, et il n'est pas encore fatigué de son pays. Quand il le sera, il pourra s'en aller. - Et quand tu seras fatigué, tu partiras, papa-Sam. Tu partiras aux Havres avec les Elfes. Alors, je partirai avec toi. Je ne me Séparerai pas de toi, comme Arwen a quitté Elrond. -Peut-être; peut-être, dit Sam en l'embrassant doucement. Et peut-être pas. Le choix de Luthien et d'Arwen, ou quelque chose d'approchant, se présente à beaucoup ; et il n'est pas sage de prendre sa décision avant l'heure. > Elanore se leva et passa légèrement la maindans la chevelure brune et frisée de Sam, déja mouchetée de gris. > Sam alla à un tiroir, le déverrouilla, en tira un rouleau dont il fit glisser l'étui. Le parchemin était écrit sur deux colonnes avec de belles lettres argentées sur fond noir. Il le déroula et posa une bougie à côté sur le bureau, afin qu'Elanore puisse le voir.
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