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par K.
Adhérent
Si la mosaïque de Sarance est un superbe hommage au talent des artistes de Ravenne la chanson d'Arbonne est quant à elle une ode aux troubadours et au Midi. C'est en effet dans une Occitanie fantasmée que nous entraîne la plume de Guy Kay, dans cette terre où l'héritage des anciens, plus vivace qu'ailleurs a fait émerger une culture éloignée d'un nord plus rustre. Force est de constater que l'auteur maîtrise à merveille son affaire, charmant progressivement son lecteur sous le soleil de l'Arbonne, parvenant en quelques descriptions à provoquer une réelle empathie pour cette terre, son peuple et ses coutumes, suivant en cela le cheminement du héros. On se prend une fois l'ouvrage fermé à vouloir arpenter les terres de Barantain en écoutant chanter Ramir de Talair et est-il plus bel hommage à un écrivain que pareille rêverie ? Sans rien dévoiler de la scène consacrée à ce baladin, pour secondaire qu'elle soit dans l'intrigue, elle n'en s'avère pas moins marquante, hymne à la musique et à la poésie, moment où l'art de Kay se fait ode à l'Art, soulevant les émotions du lecteur. Si la finesse de l'Arbonne et l'attachement à une certaine frivolité -plus profonde et grave qu'on ne le croirait de prime abord- ici érigée en principe ne peuvent que charmer, Guy Kay est bien trop fin pour tomber dans le manichéisme et dépeindre en brutes fanatisées les hommes du nord, parvenant en quelques lignes à conférer lors d'un bref discours beauté et noblesse à leur froide réserve.Il serait toutefois malencontreux que le passant ne retienne de cette chanson d'Arbonne qu'une atmosphère aussi bien rendue soit-elle. Il est ici question de drames familiaux et de tragédies ressassées, de luttes de pouvoirs et du parcours d'un homme à l'heure où se tissent les manigances. Des ingrédients qui paraîtront certes classiques mais ô combien servis par une galerie de personnages marquants, de personnalités complexes, nuancées, crédibles qui, qu'on se prenne à les aimer, à les apprécier ou les mépriser ne laissent indifférent. Est-il plus beau constat fait à qui dépeint un portrait d'un trait de plume ? Ah ! Les Arbonnaises... Si les hommes sont hauts en couleurs, dignes d'une gesta, si un souffle épique traverse ce livre, si l'auteur montre son talent pour décrire duels et batailles, par ses femmes seules cette contrée mériterait qu'on la défende. Femmes hautes en couleurs, femmes dont le rôle s'avère ici centrale, femmes par lesquelles ce roman commence et s'achève. La chanson d'Arbonne, difficilement trouvable en France, est une œuvre qui ravira tout amateur de Kay et marquera la sensibilité de beaucoup. D'aucuns passeront probablement à côté de ce livre ou trouveront cette chronique trop élogieuse mais un tel livre ne dépareillerait pas sur maintes étagères et je ne puis que vous inciter à emprunter vous aussi les collines de Baude. Qui sait où la recherche d'un mouton égaré vous amènera ?8,5/10(Pour la note j'ai longuement hésité avec un 9 avant finalement de lui mettre celle qui fut attribuée à une certaine mosaïque)