716
par Nico du dème de naxos
Novice
Un grand merci pour ce superbe live très instructif !Quelques remarques plus personnelles, en réaction à certaines des choses qui ont été dites et qui me surprennent toujours (même si je les comprends intellectuellement très bien) :- J'ai découvert le Seigneur des Anneaux à l'âge de 10 ans (CM2) et je l'ai lu en intégralité. C'était dans la première version poche parue chez "le livre de poche avec si je me souviens bien le dessin de l'anneau et de Frodo et il y avait une couleur par tome. Cette lecture m'a laissé un souvenir impérissable et a influencé très certainement mon goût pour la fantaisie et les littératures de l'imaginaire en général. J'étais un lecteur plutôt précoce et j'ai bien noté le conseil de Vincent Ferré de commencer à lire le seigneur des anneaux vers 15 ans. Cependant, le fait de l'avoir lu à une période encore très "naïve" de la vie, m'a permis de m'y immerger comme je ne l'ai pu avec aucun autre livre. J'ai été littéralement transporté ailleurs, émerveillé comme le gosse que j'étais, qui fantasmait sur les grimoires des magiciens et qui, enfin, venait de mettre la main sur l'un d'entre eux ! - Les 100 premières pages sont sans doute celles que je préfère et au contraire de bien des lecteurs, m'ont procuré une saveur infinie. J'avais envie de me prélasser longuement avec les hobbits dans la Comté et lorsque le sombre passé est revenu en lumière avec la découverte que l'anneau magique de Bilbo était en vérité l'anneau unique forgé par Sauron, je me suis senti vraiment inquiet. L'aventure venait de frapper à la porte ! et c'était aussi effrayant que réjouissant. Je crois que ces pages sont vraiment essentielles au plaisir que j'ai pu prendre à lire le seigneur des anneaux. Ce temps de calme, bercé de rires mais aussi d'autres comportements et pensées moins charitables - les hobbits ne sont pas des petits hommes forcément bienveillants - est nécessaire tant au niveau de l'intrigue que de l'ambiance que Tolkien a magnifiquement posée. Il fallait que le lecteur se laisse prendre au piège de cette communauté quelque peu indolente et sympathique avant d'être bousculé par les menaces, principalement représentées par les Neuf et Sauron. Je crois que ce début qui prend le temps est une bénédiction, qu'il présente un univers de "conte de fées" (j'utilise là l'expression lexicalisée, pas la façon plus sombre et adulte dont Tolkien concevait le conte de fées) pour mieux nous plonger dans un environnement plein de dangers. Ce début a d'ailleurs marqué énormément de lecteurs, dont Robert Jordan, dont le commencement de la Roue du Temps est une transposition facilement identifiable (notamment le Myrdraal).- Concernant le genre : Vincent Ferré dit qu'il ne s'agit pas d'héroïc fantasy. Très bien, je n'aime pas accoler de genre trop précis à une œuvre. il s'agit d'outils pour mieux les cerner et en permettre ensuite l'approche par le lecteur. Mais la quête de Frodo et Sam, de Merry et Pippin, est un modèle d'héroïsme : les personnages les plus improbables qui soient, des hobbits (puisque le livre traite d'eux largement, dixit le prologue) vont parvenir à détruire l'anneau unique (avec l'aide involontaire de Gollum) et à vaincre le roi-sorcier d'Angmar (en duo avec Eowyn... une femme !). je ne connais personnellement rien d'aussi héroïque que le Seigneur des Anneaux. Maintenant, il est évident que ce grand texte du XXe siècle transcende les genres et que lui coller l'étiquette de récit d'Héroïque fantaisie serait réducteur. Il y a tellement d'autres lectures possibles, ce que notamment Vincent Ferré a bien montré dans le dictionnaire Tolkien ou d'autres ouvrages qu'il a dirigés, qu'on ne peut réduire le SdA a l'une d'entre elles. Malgré tout, il n'est pas faux de parler de récit héroïque. Ici, à mon sens, ce qui est unique et bouleversant est que le SdA parle aussi du "désenchantement" de notre monde, avec le départ progressif des derniers elfes et celui des héros à la fin aux havres gris. Tout le livre est un "enchantement" - à plus d'un titre - mais en temps que partie d'un Légendaire plus vaste, il s'ouvre sur le monde des hommes, un quatrième âge sombre ou le mal n'est pas vaincu (cf les quelques pages où Tolkien évoque la suite possible qu'il aurait pu donner au SdA). Un monde d'où la magie est exclue et où les hommes vont devoir résister avec leurs seules armes et leur cœur aussi fort (Aragorn) qu'il peut être faible (Boromir). On n'aura sans doute jamais fini d'épuiser le sens de cette œuvre, tenter de comprendre pourquoi elle a touché tant de lecteurs, mais, pour moi, elle reste unique et insurpassable, par le parallèle qui se joue entre le paroxysme de ce que peu être une quête héroïque et la fin du temps des merveilles, et l'émotion extrêmement forte qui naît de cette tension. Une petite question aux spécialistes pour finir : la traduction de Mirkwood par forêt de Grand-Peur m'a effectivement interpellé. J'aimerai savoir quelle est la signification de Mirk ? Est-ce un nom propre inventé par Tolkien ? Est-ce un substantif ou un adjectif qui a une signification propre ? J'en ai lu deux traductions avant Grand-Peur : la forêt noire et mirquebois, qui m'ont parue peu heureuses. Et vous, comment traduiriez-vous ce terme ? (des éléments de réponse doivent bien être quelque part, mais je ne les l'ai pas trouvés).Encore bravo pour cet enthousiasme autour de J.R.R Tolkien et un grand merci aux éditions Bourgois, à Vincent Ferré et à Daniel Lauzon pour leur travail vraiment digne d'éloges. J'espère que cette nouvelle édition va trouver ses lecteurs et, qu'à terme, nous irons jusqu'à une nouvelle traduction du Silmarillion de Christopher Tolkien, tout aussi passionnante que le Seigneur des Anneaux et à sa diffusion plus large auprès des lecteurs du Hobbit et du SdA.