justi a écrit :Foradan a écrit :Alors, la fantasy réac, c'est l'auteur, le livre, le lecteur qui est réac ?
Question essentielle. Qui, pouf pouf, me semble pouvoir être en partie au moins résolue par l'analyse des outils, donc.
Oui, mais je pense que la manière dont les différents niveaux de définition s'articulent les uns par rapport aux autres donne au sujet sa profondeur.Donc nous avons des outils à notre disposition: des outils et des motifs, de nature littéraire ou culturelle, dont certains sont associés à la fantasy et d'autres non. A ce stade-là, déterminer si ces outils sont "réac" ou non revient à analyser chaque outil individuellement, dans et hors contexte et à se demander quelle vision du monde ils charrient et, par exemple, s'ils portent en eux les germes de la subversion de leur propre contenu. En guise d'illustration, on peut penser au motif du roi et de la monarchie si souvent rencontrés dans la fantasy. Il s'agit d'un outil qui n'est pas spécifique au genre, même s'il y est fréquemment utilisé, et qui présente une vision du monde clairement réactionnaire, qui peut toutefois être altérée, si, par exemple, le propos du livre est justement de dénoncer les failles d'un système monarchique. Ça dépasse clairement la portée d'une analyse telle que celle-ci, mais mon sentiment est que, si l'on devait passer en revue les principaux outils et motifs de la fantasy, on se rendrait compte qu'ils portent bel et bien, pour la plupart d'entre eux, un contenu réactionnaire, c'est à dire qu'ils renvoient à l'image d'une société disparue, traditionaliste, immuable, qu'ils exaltent la pureté d'un passé révolu et se méfient des figures qui souhaitent rompre avec la tradition.Ensuite s'ajoute une deuxième couche, celle de l'auteur, qui, avec sa sensibilité propre, se sert dans la boîte à outil et confère à chaque élément la signification qu'il veut. On peut très bien imaginer une fantasy délibérément subversive, qui retourne tous les clichés contre eux-mêmes et réfute tout ce que le genre peut avoir de réactionnaire, mais, on l'a vu dans cette discussion, les auteurs qui font ce choix risquent d'être vus comme des réactionnaires eux-mêmes, puisqu'ils adoptent une posture dialectique qui s'oppose frontalement aux conventions du genre.Enfin arrive l'étage du lecteur, avec ses propres attentes et ses propres représentations, qui vont colorer sa perception de ce qui est réactionnaire ou non. Je sais que moi, par exemple, qui conçoit la fantasy comme une littérature de l'imaginaire par excellence, j'ai tendance à considérer que toutes les œuvres qui s'appuient sur les figures traditionnelles de la fantasy - elfes, magiciens, prophéties et tout ce bazar - s'éloignent de la finalité du genre telle que je la conçois et se situent par définition dans une logique réactionnaire, en tout cas du point de vue artistique.