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Les mondes de fantasy sont souvent médievalisant (ou en tout prennent leur inspiration d'une période historique) et on retrouve souvent des sociétés avec certains clichés qui peuvent paraitre réac (monarchie, dictature, système de castes, importance de la religion, place des femmes ... ).Mais le récit permet souvent de venir critiquer ces sociétés et on retrouve souvent une aspiration à plus de liberté, à un monde meilleurs.La critique d'une société réac' peut se faire dans la rencontre d'un personnage avec un autre peuple qui vit différemment (sexualité libérée, peu ou pas de gouvernement, usage de produits récréatifs, ...)

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Foradan a écrit :Alors, la fantasy réac, c'est l'auteur, le livre, le lecteur qui est réac ?
Tiens, je me demandais s'il y avait des études un peu sociologiques qui comparaient les préférences politiques des lecteurs de différents genres ? (pour les auteurs j'imagine que c'est plus compliqué vu qu'il faut déjà se mettre d'accord sur quels auteurs sont les plus représentatifs d'un genre :) ) Dans le style, centré sur Harry Potter, il y avait cet article (au titre un peu racoleur) : Lire Harry Potter rend plus tolérant envers les immigrés et les homosexuels, mais avec une recherche google très rapide j'ai pas trouvé plus général.

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justi a écrit :
Foradan a écrit :Alors, la fantasy réac, c'est l'auteur, le livre, le lecteur qui est réac ?
Question essentielle. Qui, pouf pouf, me semble pouvoir être en partie au moins résolue par l'analyse des outils, donc.
Oui, mais je pense que la manière dont les différents niveaux de définition s'articulent les uns par rapport aux autres donne au sujet sa profondeur.Donc nous avons des outils à notre disposition: des outils et des motifs, de nature littéraire ou culturelle, dont certains sont associés à la fantasy et d'autres non. A ce stade-là, déterminer si ces outils sont "réac" ou non revient à analyser chaque outil individuellement, dans et hors contexte et à se demander quelle vision du monde ils charrient et, par exemple, s'ils portent en eux les germes de la subversion de leur propre contenu. En guise d'illustration, on peut penser au motif du roi et de la monarchie si souvent rencontrés dans la fantasy. Il s'agit d'un outil qui n'est pas spécifique au genre, même s'il y est fréquemment utilisé, et qui présente une vision du monde clairement réactionnaire, qui peut toutefois être altérée, si, par exemple, le propos du livre est justement de dénoncer les failles d'un système monarchique. Ça dépasse clairement la portée d'une analyse telle que celle-ci, mais mon sentiment est que, si l'on devait passer en revue les principaux outils et motifs de la fantasy, on se rendrait compte qu'ils portent bel et bien, pour la plupart d'entre eux, un contenu réactionnaire, c'est à dire qu'ils renvoient à l'image d'une société disparue, traditionaliste, immuable, qu'ils exaltent la pureté d'un passé révolu et se méfient des figures qui souhaitent rompre avec la tradition.Ensuite s'ajoute une deuxième couche, celle de l'auteur, qui, avec sa sensibilité propre, se sert dans la boîte à outil et confère à chaque élément la signification qu'il veut. On peut très bien imaginer une fantasy délibérément subversive, qui retourne tous les clichés contre eux-mêmes et réfute tout ce que le genre peut avoir de réactionnaire, mais, on l'a vu dans cette discussion, les auteurs qui font ce choix risquent d'être vus comme des réactionnaires eux-mêmes, puisqu'ils adoptent une posture dialectique qui s'oppose frontalement aux conventions du genre.Enfin arrive l'étage du lecteur, avec ses propres attentes et ses propres représentations, qui vont colorer sa perception de ce qui est réactionnaire ou non. Je sais que moi, par exemple, qui conçoit la fantasy comme une littérature de l'imaginaire par excellence, j'ai tendance à considérer que toutes les œuvres qui s'appuient sur les figures traditionnelles de la fantasy - elfes, magiciens, prophéties et tout ce bazar - s'éloignent de la finalité du genre telle que je la conçois et se situent par définition dans une logique réactionnaire, en tout cas du point de vue artistique.

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Je n'ai rien à ajouter :)La méthodologie est celle que j'appliquerais. Les prémisses sont quasiment identiques à celles que je conçois. Les conclusions proches de ce que je pense que donnerait une étude systématique du genre (bien qu'elles restent à démontrer point par point). Brillant !Ce qui ne veut pas dire qu'une étude systématisée des motifs et outils de la Fantasy sous un angle politique n'est pas à faire. Mais ça prendrait effectivement vite les dimensions d'une thèse. Que, personnellement, je lirais avec plaisir.

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dragonnia a écrit :Ouh là là, voilà des analyses littéraires un peu trop poussée pour moi !
Oh, c'était simplement trop long! :lol:En clair: le lecteur, l'auteur et le genre lui-même, tous charrient des valeurs qui peuvent contribuer à faire de la fantasy un genre "réac" ou non. En tout cas, c'est mon avis.

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Gillossen a écrit :Pas d'accord sur la définition même de la fantasy telle que développée depuis quelques messages, donc ça promet déjà. ;)
Pas d'accord que la fantasy n'existe pas ? :)

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Il me semble quand même que les messages se sont consacrés à la fantasy "médiévale" ou au moins qui se passe dans un monde qui aurait pu être le notre dans un lointain passé, par exemple il semble acquit que les œuvres de fantasy se passent en monarchie. En clair la fantasy dont j'entend parler ressemble à celle bien cliché du chevalier, des dragons et des elfes.Je ne sait pas si c'est que vous vouliez dire mais en tout cas, c'est ce que j'ai ressenti en lisant vos messages, ors pour moi, la fantasy va bien au delà de ça, un livre de fantasy peut se passer à n'importe quelle époque, sous n'importe quel régime politique. Je ne sais pas si on peut qualifier la fantasy dans son ensemble comme étant réac, déjà qu'entend-t-on pat fantasy ? On parle des livres, des auteurs ou des lecteurs ?Comme dans tous les genres on trouve de tout pour moi, il y a certains auteurs qui ne se détachent pas de l'héritage de Tolkien et pour qui situer l'action dans un monde plus contemporain ou dépourvu d'elfes est une hérésie. Il y a des lecteurs qui vont nous expliquer que ce qu'on lit n'est pas de la vrai bonne fantasy dés qu'il s'agit de quelque chose qui sort de leur vision personnelle de ce que doit être le genre, ou vont vous prendre de haut parce que vous avez apprécié L'épée de vérité ou autre Eragon.Pour moi, les gens sont réac ou pas, un auteur réac fera de la fantasy à l'avenant, un lecteur réac ne lira que ce qu'il trouve être bien et désignera tout le reste comme de la m****. Je me refuse à penser que la fantasy est un genre ultra codé qui pourrait se définir en deux lignes, partant de cela, on trouve de tout et c'est ça qui fait la beauté du genre à mes yeux.

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Je ne vois vraiment pas ce qui peut amener à penser que l'on ne considère d'envisager la fantasy que sous son angle médiéval dans la discussion. On parle d'essayer de déterminer les outils narratifs de la fantasy et de les analyser.Le malentendu proviendrait-il de l'utilisation d'exemples tels que la monarchie ou les elfes ?La détermination de ces outils est une tâche de bien plus vaste ampleur que de nommer des trames comme la monarchie ou la magie... Ce sont des exemples, que je qualifierai presque de bateaux, visant juste à illustrer simplement le concept même de recherche de trames et d'outils. La détermination des outils de la fantasy est une tâche bien plus sémantique que cela.Par exemple, je dirais qu'un des outils favoris de la fantasy, c'est l'ambiguïté de la relation entre un signifié et son signifiant, voire son référent. L'exemple-type de cette relation troublée, c'est Terremer (où cette relation référent/signifié/signifiant est la base même de la magie du monde et où son ambiguïté permanente est la source de nombreux conflits et aventures se déroulant dans ces romans. La courte nouvelle La règle des noms, qui se rattache à ce cycle, en est un exemple particulièrement flamboyant), mais cet outil se retrouve aussi bien dans la fantasy urbaine (ex : American Gods et la théorie des changements de paradigme) que dans Lin Carter. Et probablement dans de multiples univers de fantasy de tous genres. Par exemple, dans toute œuvre où il est présupposé que connaître le vrai nom de quelqu'un ou de quelque chose, c'est avoir du pouvoir sur lui. Quels que soient le contexte, l'époque, le type de fantasy. (oui, je reçois un gâteau chaque fois que je cite Lin Carter)

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Donc, pour raccrocher ce dernier exemple à l'objet même du podcast, on pourrait définir comme réac, par exemple, toute œuvre se servant de cette ambiguïté pour instaurer un ordre rigide du monde ou proposant une caste ou une race ou un type de "surhomme" comme seul capable d’interpréter et de donner un sens à cette ambiguïté.

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Traditionnellement, la fantasy est définie comme une sous-catégorie du fantastique. Peu importe la définition, mais soit on la définit de manière assez étroite pour laisser de la place pour le fantastique, soit on considère que les deux termes sont synonymes et que Game of Thrones et Le Horla appartiennent au même genre. Mais dans ce cas, pourquoi ne pas l'appeler " fantastique"?

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Avant de définir ce qu'est la Fantasy, il faut peut-être mieux comprendre ce qu'implique « être réac ». Car nous le sommes tous plus ou moins et c'est une lutte permanente pour ne pas le paraître ou le devenir.Exemple : Tu emmènes avec toi des ados de 12 à 15 ans dans un restaurant gastronomique plutôt qu’au Mac Do. Là, à leurs yeux, tu passes pour un gros réac ! :PCeci dit, les auteurs qui ont des idées glauques, pour eux, c'est tout bénéfice : Ou ils trouvent facilement un écho de leur pensée, ou leur écran de fumée est efficace, ou ils arrivent à toucher un lectorat qui, pas dupe de leur idéologie, adhère tout de même à la trame.Car trame solide et dégagée de toute vue à court terme il faut, si on veut s’évader en suspendant notre incrédulité.On aura du mal à imaginer un best-seller en Fantasy avec un syndicaliste de la RATP qui, ému et plein de bonne volonté, découvre et réconforte des elfes mutants sur une voie du RER ! Ce n’est pas ici le rapprochement avec l’actualité qui assurerait le succès à un auteur trop sensible et crédule. Et toucherait le lecteur potentiel...Quant aux Nathalie Sarraute ou Alain Robbe-Grillet de la Fantasy, ils dorment encore dans les limbes… B)Des lutins, des dragons, des prophéties, c'est tout cela que l'on vient chercher lorsque l'on frappe à la porte. Pourquoi ?Mais, si parfois il y a un (heureux) mélange des genres, tant mieux !La Fantasy classique et basique, pour moi, reste bien définie et encore vivace de nos jours.Je ne sais pas quelle sera la conclusion du podcast, mais si elle était : « Une partie de la Fantasy est réac et véhicule des idées pas très démocratiques, mais, d'un point de vue littéraire et scénaristique, ce n'est pas forcément nul pour autant ; le lecteur averti ne s’y noiera pas… »Eh bien, cela m'irait parfaitement. :)

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Je me souviens d'un interview de Jaworski où il disait que Gagner la Guerre était avant tout un roman de divertissement, mais que ce n'est pas dénué de politique :
Ceci dit, le livre n’est pas dépourvu d’une arrière-pensée politique. Pour la résumer, on pourrait dire ceci : le roman suggère que la république est soluble dans l’oligarchie, et que l’oligarchie prépare aux dérives autoritaires. Compte tenu du poids des lobbies (c’est-à-dire, grosso modo, d’une élite financière) sur les institutions européennes, nous vivons dans une oligarchie qui endosse les dépouilles de la démocratie.
http://bouquinautes.com/2014/10/rencont ... -jaworski/Donc y'a pas que de la monarchie ! :o (je pense aussi à Okorafor science/fantasy qui cause beaucoup condition de la femme...)

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Kik a écrit :Je ne sais pas quelle sera la conclusion du podcast, mais si elle était : « Une partie de la Fantasy est réac et véhicule des idées pas très démocratiques, mais, d'un point de vue littéraire et scénaristique, ce n'est pas forcément nul pour autant ; le lecteur averti ne s’y noiera pas… »:)
Ca m'irait très bien aussi!

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Tout d'abord, bonjour a tous je suis nouveau sur le forum. Ce sujet m'a l'air particulièrement intéressant et bien u'étant d'accord avec Mr Jaworski sur les dérives républicaines et oligarchiques, j'aimerais bien un livre fantasy reprenant ou abordant des idées anarchistes, ce serait intéressant et original

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Celle de Proudhon par exemple, même si j'avoue avoir un faible pour Kroptokine et son livre l'entraide. Je pense qu'il n'y aurait rien de plus réac par rapport a notre démocratie libérale

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Sujet très intéressant.Je pense qu'il faut distinguer l'univers dans lequel se déroule l'histoire et l'oeuvre en elle-même. Par exemple, il y a ce passage dans le TdF ou Renly
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Je me trompe peut-être, mais quand j'ai lu ce passage, j'ai eu l'impression que Martin disait à son personnage "Ferme-la, et vive la démocratie!". Pourtant, le tdf parle bien de nobles qui se battent pour un trône sans demander son avis au peuple qui souffre.Après, il y a peut-être quand même des grands nostalgiques de l'époque médiévale qui voudrait y revenir. Mais alors il faudrait faire une distinction entre les auteurs suivant leur origine, je pense, car ils n'ont pas tous le même rapport à la royauté. Les américains n'ont pas de Moyen-Âge dans leur histoire, il me semble, alors je ne sais pas si on peut vraiment les qualifier de réactionnaires quand il font de la fantasy médiévale. Pour les anglais, ils sont complètement dingues de leur famille royale, même si concrètement la reine elisabeth ne sert pas à grand-chose (enfin je crois). Ils ne voient certainement pas la royauté du même angle que nous qui avons décapité Louis XVI.Sinon, je crois que ça a déjà été dit, mais la fantasy médiévale ne se traite pas de la même façon que le reste de la production fantasy. J'ai l'impression qu'il n'y a que la fantasy médiévale que les gens jugent réactionnaire. Je ne crois pas que ça soit venu à l'idée de qui que ce soit de qualifier Harry Potter de réactionnaire, et pourtant, quand on y réfléchit deux minutes, les sorciers n'y sont pas très progressistes quand il s'agit de technologie! Pourtant, un bon coup dé téléphone et certainement plus simple que la poudre de cheminette pour contacter quelqu'un...
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Du coup, je m'interroge : est-ce qu'on peut dire que la magie pousse à vivre dans le passé et à repousser le progrès scientifique, ou est-ce que c'est juste du racisme contre les objets moldus? Après, ce n'est pas être réactionnaire au sens politique du terme, mais on peut en parler quand même...