A la faveur du confinement, nous continuons à rattraper
Doctor Who.
Avant ça, nous avons fait une petite parenthèse le temps de revoir la fin de la saison 3 avec la confrontation entre le Maître et le 10e Docteur (Tennant), le personnage très particulier de Jack Harkness et une Martha Jones résolue, avec des acteurs et actrices toujours aussi excellents. C'est amusant de voir la différence de réalisation entre la période Russell T. Davies et les périodes suivantes : une réalisation plus nerveuse, avec un côté satire sociale assez prononcé par endroits et aucun problème avec le carton-pâte. Certains éléments de cette fin de saison, qui semblaient caricaturaux et improbables en 2007, résonnent différemment avec l'actualité (le candidat surgi de nulle part porté par une campagne médiatique écrasante, le président américain particulièrement détestable, les réseaux téléphoniques omniprésents, la remilitarisation galopante...).
Retour à la saison 12, ensuite, qui est globalement mieux rythmée, plus en lien avec les saisons précédentes, et qui renoue mieux avec la mythologie du Docteur. Je remarque aussi que les scénarios aiment brosser des aventures situées dans des lieux très variés, y compris au sein d'un même épisode où on peut avoir des voyages sur plusieurs continents : c'est nouveau, il me semble, et c'est une bonne idée puisque ça fait rêver autant que possible, même avec les moyens restreints dont dispose la série.
Les arcs narratifs consacrés aux compagnons ont le gros avantage de s'écarter de ce qui a déjà été fait en proposant vraiment une aventure de groupe, même si le Docteur a davantage la main sur les événements (ce qui n'est pas pour me déplaire par rapport à la saison 11 où elle était trop mise sur le même plan que les autres personnages). Ses relations avec les compagnons sont aussi un peu mieux exploitées au sens où on comprend en quoi elle a besoin d'eux.
Les défauts d'écriture restent présents, avec des dialogues pas toujours inspirés et des personnages secondaires au traitement très inégal, subtil par endroits, complètement oubliés à d'autres. Nouveauté : la série "s'engage" parfois plus explicitement sur des questions d'actualité, ce qui peut donner le meilleur comme le pire selon la qualité d'écriture de l'épisode.
Je note aussi que le TARDIS n'a jamais accueilli autant de visiteurs ponctuels. C'est un choix, et ça a l'avantage de permettre d'impliquer plus les personnages ponctuels dans des voyages spatio-temporels. Mais ça se fait parfois au détriment de la vraisemblance dans les réactions des personnages secondaires ("whoa, incroyable ! " et 15 minutes après, en fin d'épisode : "Bon, c'était cool, repassez nous voir"). Ça finit par amoindrir la magie propre au TARDIS et ça nuit à la discrétion que le Docteur aimait garder jusque là dans ses interventions.
Petits avis sur les épisodes, maintenant :
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Orphan 55 : un épisode qui aurait pu être correct, mais qui me laisse un mauvais souvenir en raison d'une conclusion lourdingue. Toute la partie sur l'hôtel de luxe est une bonne idée, le virage post-apo est intéressant, les personnages secondaires sont bien développés et utilisés... mais la conclusion est vraiment, vraiment lourdingue, alors même que le message est assez consensuel.
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"Luttez contre le réchauffement climatique, sinon vous allez devenir monstrueux comme les méchants de cet épisode !" Et on termine avec un plan sur un méchant monstre de l'épisode. Si c'est de l'humour, ça ne se voit pas assez. Si ça n'en est pas, c'est infantilisant. Passe encore pour une série jeunesse, mais pour une série familiale...
Au chapitre des défauts d'écriture :
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La mère et la fille se font abandonner sur la planète sans autre forme de procès, alors que le Docteur essaie normalement de sauver les gens.
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La Nuit de terreur de Nikola Tesla : un bon épisode dans le genre steampunk pulp, avec de l'action, du spectacle et des personnages historiques dans des rôles importants. L'occasion pour la série de renouer avec sa dimension de vulgarisation scientifique, voire un aspect pédagogique, puisque
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c'est l'occasion de remettre en valeur Nikola Tesla en génie incompris face à un Edison dépeint en homme d'affaires sans scrupules. Et après tout, on connaît beaucoup plus Edison que Tesla, alors que ce dernier a lui aussi son comptant d'inventions à son actif !
Les "méchants" de l'épisode sont bien campés à défaut d'être très subtils. Le face à face entre le Docteur et la "méchante" principale est surprenant de tension et de colère de la part du Docteur, dont on voit une nouvelle facette.
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Le Contrat des Judoons : un épisode important qui commence en cachant bien son jeu avec une intervention de la milice privée judoon en plein Gloucester et un jeune couple en détresse dont l'un des membres dissimule un lourd secret. Outre un caméo d'un ancien personnage récurrent de la série, l'épisode contient un gros, gros rebondissement avec une révélation qui, personnellement, m'a complètement pris au dépourvu et m'a beaucoup plu !
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Je ne parle pas tant de l'apparition de Jack Harkness dans une scène où il m'a semblé trop caricaturé, que de la révélation d'une future incarnation du Docteur, avec un TARDIS à l'intérieur différent et tout... et la Docteur actuelle complètement dépassée ! C'est malin, parce que le Docteur croise régulièrement ses anciennes incarnations, mais il serait illogique qu'il ne soit jamais amené à croiser des versions futures de lui-même et c'est normal de mettre ça en scène. L'actrice jouant la Docteur du futur est simplement géniale et j'espère bien qu'on la reverra dans la suite. Son changement de jeu au moment où elle retrouve sa mémoire de Docteur était bluffant. Son personnage m'a un peu rappelé River Song, dont elle va devoir se distinguer.
C'est un épisode-pivot qu'on ne peut pas se permettre de manquer dans la série, mais qui pèche seulement par un certain manque de cohérence, puisque l'intrigue n'est pas refermée sur elle-même et consiste surtout à poser des jalons pour la suite.
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Praxeus : et si on regardait un épisode parlant d'une pandémie à côté de laquelle le coronavirus a des airs de gentil rhume ? C'est parti avec une intrigue étalée sur trois continents qui a toujours un train d'avance sur nous et qui joue au passage avec un souvenir hitchcockien (sans s'y réduire, heureusement). Du rythme, du spectacle et une intrigue pas manichéenne sont les grandes qualités de l'épisode. Moins bien : des personnages secondaires sympathiques mais inégalement développés (autant Jake et Adam ainsi que Suki sont bien intéressants, autant Gabriela la vlogueuse reste traitée trop superficiellement au point que ses réactions en deviennent peu crédibles, sans parler du malheureux Amar dont tous les autres personnages se désintéressent).
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Vous m'entendez ? "Ah, chouette, un épisode qui se passe à Alep, en Syrie, et qui n'a rien à voir avec la guerre civile syrienne ! Génial, un épisode historique pour en apprendre plus sur cette époque à laquelle je ne connais pas grand-chose. Ouh, un établissement hospitalier précurseur, bonne idée d'en parler. Hihi, des gros monstres. Comment ça, des apparitions dans le TARDIS ? On dirait l'épisode sur le Seigneur des Rêves. Ah ben d'ailleurs ça parle de cauchemars. Oooh, du space opera à tendance super-héroïque. Beaux décors. Une seconde, on n'était pas à Alep en Syrie en 1380 ?" Bref, un épisode correct, mais qui m'a paru trop écartelé entre deux époques et lieux qui n'ont vraiment, vraiment rien à voir. Cela dit, ce n'est pas pire que
Dinosaurs in a Spaceship. L'épisode vaut surtout pour ses idées, disons, plastiques, ses trouvailles visuelles improbables qu'on dirait parfois elles-mêmes sorties d'un cauchemar. J'ai été moins convaincu par les "méchants", inhabituels pour la série mais qui ressemblent à des personnages de "super-vilains" un peu faciles sous certains aspects. Mais je suis sévère.
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Apparitions à la villa Diodati : mon épisode préféré en tout subjectivité : May Shelley, Byron et leurs amis "confinés" dans leur villa par une étrange nuit de tempête, une nuit tout à fait réelle qui s'est produite en 1816, au cours de laquelle, à l'occasion d'un concours d'écriture, Mary Shelley ébauche son futur roman
Frankenstein ou le Prométhée moderne. Bien entendu, les événements qui inspirent Mary Shelley ne peuvent qu'avoir été des plus inquiétants. D'excellents acteurs, une alternance bien dosée entre frisson et humour, des personnages traités de manière équilibrée, une menace redoutable qui met les choses en place pour la fin de la saison et un gros dilemme pour le Docteur : c'est un épisode à ne pas manquer pour comprendre cette saison 12.
On en est là pour le moment, vivement la suite
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