The Eternal Champion :
I was no longer John Daker. I was Erekosë--the Eternal Champion. A legend myself, come to life.
I laughed then. If I were mad, then it was a glorious madness.
Je vais aujourd’hui parler de l’omnibus
The Eternal Champion, ou
La Quête d’Erekosë en français -qui n’est pas une quête, mais trois romans assez indépendants...-, qui contient :
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The Eternal Champion (première parution au format nouvelle en 1962, réécrit au format roman en 1970)
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Phoenix in Obsidian (1970), ou dans certaines éditions
The Silver Warriors-
The Dragon in the Sword (1986)
Tous on paru en français.
Comme on peut le deviner en voyant les dates de publication, chacun des livres est conclusif, tout en permettant l’existence d’une suite. On notera qu’Erekosë est également le héros de la bédé
The Swords of Heaven, The Flowers of Hell, parue en 1979, et que je n’ai pas lue, mais elle n’est pas nécessaire pour comprendre le troisième roman (elle y est tout de même référencée).
Je pense ne mettre jamais arrêté sur la chronologie créative de Moorcock, mais de manière intéressante, ces trois livres sont issus de trois périodes différentes dans sa carrière. Tout d’abord, dans les années 60, il écrit des romans et nouvelles indépendants, mais qui introduisent des concepts comme le multivers, le combats entre la Loi et le Chaos, ou dans le cas de la novella
The Eternal Champion, le Champion Éternel. Puis, entre 1970 et 1976 à peu près, il rend tout ça plus ou moins cohérent, dans une macro-saga qui fait intervenir quatres « incarnations » du Champion Éternel, Elric, Corum, Hawkmoon et Erekosë. Ces quatres séries sont indépendantes, mais forme un tout, avec des rencontres entre les différents héros, et une grande conclusion dans la série d’Hawkmoon. En sus, il produit des séries plus s-f, les Danseurs de la Fin des Temps et le Nomade du Temps, qui explorent autrement l’idée de multi-vers (vraiment, sa production de l’époque est impressionnante). Puis, en 1977 Moorcock sort
Gloriana, censés être son adieu à la fantasy. Il y reviendra par la suite, mais de façon plus sporadique.
Ainsi, les trois romans de la trilogie Erekosë trouvent chacun place à une phase différente (enfin, en prenant en compte la version novella du premier).
Le premier roman introduit donc le concept de Champion Éternel. Vu que c’est le nom du sujet sur lequel nous sommes, je pense que la plupart d’entre vous ont une bonne idée de ce dont il s’agit, mais si quelqu’un est ici par curiosité sans rien savoir de Moorcock, le Champion est un « personnage » récurrent, qui connaitra à travers les différents plans du multivers d’innombrable incarnations (dont sont la plupart des héros moorcockiens), condamné à prendre part à l’éternelle lutte du Chaos et de la Loi, et à ne connaître jamais le repos. Cependant, les incarnations elle-même n’ont pas conscience d’être ce personnage éternel. Enfin, sauf Erekosë. Lui le sait, et vit en ayant la mémoire d’innombrables vies précédentes.
Dans
The Eternal Champion, John Daker, qui semble être un homme ordinaire vivant au vingtième siècle, est transporté dans un autre monde où il devient Erekosë, héros de l’humanité dans sa lutte contre la race Eldren (des sortes d’elfes, comme les Vadhags de Corum ou les Melnibonéens d’Elric). Dans chacun des livres suivants, il sera à nouveau appelé dans un monde différent pour prendre part à un conflit ou une quête.
J’ai beaucoup aimé ce premier roman, qui a une histoire simple sans être simpliste, qui va droit au but et reste surprenante jusqu’à la fin. Il parle en filigrane de la volonté d’évasion des humains, de se réfugier dans un monde de fantasy plus simple que le monde réel. Par contre, c’est très sombre et le héros prend des décisions… discutables, même comparé à Elric.
Erekosë the Champion, Defender of Humanity, Greatest of Warriors, lay wretched and sniveling in his bed and felt very sorry for himself indeed.
L’utilisation du multivers et de la destinée cosmique du Champion Éternel est bien pensée : même si le héros est un personnage qui influence le destin de mondes entiers et de leurs habitants, il reste un point insignifiant à la face du Multivers infini, et n’a aucun contrôle sur sa destinée propre.
Le deuxième roman est une bonne continuation, où Erekosë devient de plus en plus dépressif, voir suicidaire. C’est aussi un retour à un motif récurrent chez Moorcock, un univers s’approchant de sa fin thermique.
Le troisième m’a paru un poil long (il fait 240 pages, contre 150 ou moins pour les premiers), l’histoire faisant plus de méandres pas forcément palpitant. Erekosë fait équipe avec un von Bek, ce qui n’apportait pas forcément grand-chose. Mais le roman reste très imaginatif, et la conclusion en est parfaite.
Pour revenir sur les cotés vieillots des premiers Moorcock en ce qui concerne les relations entre les sexes : dans le premier roman, on ne sait pas grand-chose de John Daker, sauf qu’il a une femme et un enfant, donc il a déjà vécu. Il aura deux love interest, Iolinda, clairement en fin d’adolescence/début de vie adulte, et Ermizhad, Eldren immortelle mais au physique encore une fois juvénile. Dans le même ordre d’idée, quand Erekosë quitte la première pour la seconde, Iolinda est alors décrite comme "a selfish, graspling fool", et si certaines de ses actions sont discutable, celles d’ Erekosë ne sont en revanche jamais remises en question, alors qu’il l’a clairement et sans explication trahie…
Dans le deuxième roman, l’antagoniste est présenté comme un homme obèse (beurk), qui se maquille (pouah), et couche avec des femmes comme avec des hommes (horreur), mais rassurez-vous, ses plans seront déjoués par la saine virilité virile d’Erekosë et de ses amis les vikings bourrus (et viriles). Oui, une œuvre de son temps…
Le troisième a été écrit bien plus tard, et ça se sent : Moorcock a murie, et ira jusqu’à mettre des personnages secondaires féminins sans que leur genre et leur rapport au héros ne soit l’entièreté de leur vie, c’est complètement fou.
Voilà, au final une trilogie assez agréable à lire, mais après avoir quasiment enchainer (avec un livre autre entre chaque) 4 romans de fantasy par Moorcock, j’ai fait une légère overdose, la lecture du dernier s’étant bien étalée dans le temps. Je vais aller vers d’autres contré littéraires pour un temps.
“Remember, Champion, we forge time and matter as a consequence of our actions. That is one of the few constants in the multiverse. It is we who impose logic, for our own survival. Make it a good pattern and you shall come a step closer to achieving the destiny you most desire…”