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Tolkien se contredit, c’est un fait, parfois de manière qui ne prêtera à aucune conséquence, parfois deux voir plusieurs versions s’affrontent face à face dans de sanglants combats soutenues en cela par une arme fanatisée, et un bouclier estampillé J.R.R.Tolkien…Maintenant, prenez pour chaque version autant d’armées ennemies, pourquoi ennemies ? parce que c’est ainsi qu’elles furent présentées à chacun, et que tous les acceptent… nous avons deux principaux royaumes, que sont les contes perdus, le plus ancien, respirant un doux parfum d’archaïsme, agréable sensation de poésie qui enivre vos sens, et ayant été tout de même rénové sur quelques points, un royaume merveilleux, à l’ornement et à la richesse sans pareille ; et le silmarillion, qui se développa peu après lui, plus moderne, fortifié dans une cohérence presque invincible, à l’héritage culturel inégalable, et à la grandeur inouïe… tous deux sont des royaumes inachevés, dont l’un plus que l’autre il est vrai… et ces deux royaumes possèdent deux armées, deux grandes armées, aux guerriers innombrables et à l’immortelle fureur qui suscite une crainte sans nom… et ces royaumes sont si proches, que leurs soldats sont forcés de cohabiter, de bon gré, lorsque toutes deux entendent êtres d’accord sur un territoire donné ; mais il est une guerre sans merci quand leurs versions diffèrent, et que tous la veulent pour sienne, et absolue… alors à l’aube le son du cor résonne sur une plaine encore humide de rosée, et des visages sans nombre se regardent… ils scrutent, mais quoi ? la mort ? la vie ? la victoire ? la défaite ? je ne sais ce qu’ils recherchent, mais je sais ce qu’ils voient, une lutte inexorable… et bientôt une charge se fera entendre, et le sol deviendra rouge tandis que le soleil ne sera encore haut… voilà, tout est enfin terminé… mais que dis-je ? non… car chaque matin cette bataille recommence, et tous les jours… parfois l’un perd, parfois l’autre, parfois les deux… mais tous meurent, car tous veulent régner sans partage sur l’autre… qui fait cette guerre ? ce conflit meurtrier à la fin incertaine, et à l’immuable continuité, qui ? ce ne sont ni des rois ni des reines, pas plus que les dieux, c’est moi, vous, nous tous qui prônons que ce combat doit être, et que son issue doit elle nous être connue… mais qui créa ces deux royaumes ? celui-la même qui les imagina… les fit-il l’un régnant sur l’autre ? décida-t-il de cette rixe assassine entre deux frères ? je ne le crois pas non.Alors pourquoi ? pourquoi tout cela ? tout ce sang, cette peine, pourquoi ? pour nous ? oui… pour nous et nous seuls… mais… pouvons-nous juger duquel doit primer sur l’autre ? ne pourrions-nous simplement nous contenter d’une paix durable et juste ? une entente qui ne lèserait personne, mais il faudrait alors nous contenter nous-même de deux endroits quand nous n’en foulons qu’un seul, et n’en point rejeter parmi eux, car tous seraient légitimes… cela est certes chose difficile que d’admettre deux choses opposées, alors que nous n’en voulons qu’une, mais je crois que c’est mieux ainsi, car si nous jetons notre dévolu sur l’un, l’autre disparaîtra bientôt dans l’oublie, avec tout ce qu’il avait de magnificence, et de savoir à nous enseigner…Seriez-vous prêts à cesser de vous battre en cette injuste querelle qui ne vous cause que du tort, qui ne Lui cause que du tort ? l’êtes-vous ?