Un divertissement sympa, mais super balisé alors que l'oeuvre de Carroll était un genre d'ovni.

ça glisse au pays des merveillesLe Alice de Tim Burton est très bien : si vous avez quatre ans et/ou que vous êtes aveugle et sourd et/ou que vous pensez que La Planète des singes du sus-nommé est un chef-d'oeuvre authentique et (cette condition est non-négociable) si vous ignorez que Alice au pays des merveilles est avant tout un LIVRE.A la sortie de la salle, je me suis demandé si quelqu'un aurait pu faire pire. Je crois que même Luc Besson n'y serait pas parvenu.Résumons : Alice a maintenant la vingtaine, elle ne veut pas se marier, elle est un peu "contre" la société, un peu "fofolle sur les bords" - exactement comme Tim Burton donc, le trublion d'Hollywood, l'enfant terrible, le sombre génie en guerre contre le tout-puissant SystèmeTM. Donc, notre Alice (re)tombe dans un trou et (re)trouve le Pays des Merveilles, dont elle a tout oublié parce que forcément, les rêves, la magie de l'enfance, les méchants adultes, tout ça. Au Pays des Merveilles, c'est la guerre : il y a un dragon à tuer, Alice n'est pas très sûre mais finalement, allez, d'accord, elle s'y colle. Entre temps, elle aura (re)fait connaissance avec les forces du bien (la Reine Blanche, une débile mentale sous tranxène) et la Reine Rouge, salope invétérée et cruelle qui finira en enfer - au sens littéral du terme. Quand Alice ressort, elle a appris plein de choses : notamment qu'il faut suivre son destin (surtout que ce dernier est déjà écrit sur un parchemin, c'est facile, y a qu'à suivre les flèches) et obéir aux ordres en se persuadant qu'on a choisi. On imagine que c'est un message positif, qui aidera plus tard les kids à ne pas se flinguer quand ils découvriront les joies du monde du travail. De retour parmi les humains ses frères, en effet, la jeune fille explique à une sympathique vieille folle qu'elle devrait "se faire soigner", puis reprend, avec son ex-futur beau-père, l'entreprise de son défunt paternel, à la proue d'un chouette navire qu'on imagine représenter le capitalisme triomphant. Ah oui, et elle ne se marie pas, parce que le mec est moche et con. C'est le domaine de la lutte décrit par Houellebecq : désolé, loser, mais, personnellement, je vais plutôt diriger une entreprise, ok ?A plusieurs moments, on attend un éclair d'ironie mordante, un soudain renversement de perspective, une vivifiante et terrible surprise. Puis on n'attend plus rien, sinon une fin tellement convenue que celle de Transformers 2 paraît juste weird en comparaison. Et on se dit qu'il y avait très longtemps qu'on n'avait pas assisté à un telle glorification du monde libéral et de la conformité sans limite.Le film est produit par Disney : cette firme que, depuis des années, Burton nous a décrite comme l'enfer carcéral dont il est parvenu à s'extirper par la grâce de son imagination-qui-dérange, trouvant ainsi sa voie. Les gens qui ont cru cet homme se retrouvent à présent dans la même situation que ceux qui ont fait confiance à Nicolas Sarkozy pour "ne laisser personne sur le bord de la route." Plus probablement, et à l'instar de leurs collègues, ils ne comprennent toujours pas ce qui se joue et ne le comprendront jamais.Et les jeux de mot, me direz-vous, les double sens, la fantaisie mathématique et verbale de l'oeuvre littéraire, la subversion, la logique perverse, la liberté absolue ? Ah, ah, elle est bien bonne. Non, franchement, on préfère croire que Burton n'a jamais lu le bouquin. A la rigueur, une version pour les nuls, et encore : "Alors Alice, c'est l'histoire d'une fille, elle tombe dans un trou, y a plein de personnages zarbi là-dedans mais en fait, ce n'était qu'un rêve - et the end."http://images.easyart.com/i/prints/rw/e ... 144355.jpgD'un autre côté, je ne peux pas dire que j'ai été surpris. Nous y allions pour les enfants, y avait plein de couleurs, demain ils auront oublié.Pas moi.Avec ce film, Burton embrasse pleinement la condition de l'imposteur cynique, surrévalié et gentiment inculte qu'il n'a jamais cessé d'être. On ignore ce qui l'a poussé à s'attaquer à Alice, mais c'est ce qui s'appelle un coming-out réussi.

john doe a écrit :Eh bien, je n'irais donc sans doute pas voir le film. Les avis sont mitigés au mieux, franchement négatifs au pire.

mourad a écrit :Fabrice Collin devrait faire un test psychologqiue car je pense qua ma fille de 4 ans a 100 fois plus d'intelligence que lui.