Je sors pour ma part assez mitigée de la lecture de ce livre. Je suis quand même allée au bout, mais ce fut long... Je ne dirais certes pas que c'est un mauvais livre, mais je ne serais pas allée jusqu'au 9/10 du site. Peut-être que vus les retours, j'attendais trop de ce livre. Pour moi, clairement, il ne rivalise pas avec d'autres ouvrages du genre (fantasy historique antique) que j'ai lus, le
Lavinia d'U. le Guin, le
Troie de Gemmel ou encore les deux livres parus de Madeline Miller.
La lecture commençait pourtant assez bien : même si d'emblée, le style de l'auteur ne m'a pas emballée (trop de lourdeurs, un style un peu vieillot), j'ai vraiment apprécié toute l'enfance et l'adolescence de Xenophon, et j'ai été agréablement surprise par le niveau de connaissance philosophique de l'auteur qui réécrit librement un passage du
Ménon de Platon, entre autres. Le personnage de Socrate est très réussi, les parents de Xénophon aussi, avec un Gryllos qui m'a fait penser aux vétérans gemelliens. Ensuite, je dois dire que toute la partie "Anabase" à proprement parler m'a rapidement ennuyée, et pourtant j'aime beaucoup la fantasy guerrière. Peut-être le manque de focalisation pour raconter les scènes de combat, et un point de vue surplombant trop neutre, qui empêche le lecteur de s'immerger. J'ai lu un bon nombre de chapitres en diagonale, pour retrouver de l'intérêt au seul passage qui pour moi relève vraiment de la fantasy (la cité d'Èa).
Ce livre avait tout pour me plaire, du coup je me suis demandé ce qui coinçait. D'emblée, l'auteur semble s'excuser d'écrire un récit imaginaire sur Xénophon, et pour moi il lui manque une liberté, une irrévérence que pratique avec tant d'humour Gemmel dans
Troie et son Ulysse, par exemple. Les notes de bas de page à répétition m'agacent ; quand j'ai envie de me documenter sur une période, j'achète un livre d'histoire. Quand je lis un roman, j'ai envie d'autre chose.
Mais le plus gênant dans ce roman, ce sont les personnages, et un traitement des femmes et de l'homosexualité qui m'ont fait lever les yeux au ciel un certain nombre de fois. On me corrigera si je me trompe, mais il me semble que l'expression "contre-nature" pour qualifier une relation homosexuelle date du prisme chrétien. Il est pour le moins surprenant de la trouver dans la bouche d'un Grec du 5ème siècle. L'auteur s'en justifie dans une note, disant que l'homosexualité en Grèce était moins bien vue que ce que l'on en dit. Je veux bien, mais l'insistance de l'auteur à mettre ses personnages homosexuels (Alcibiade, le roi Arménien, Aristote, pour ne citer qu'eux) du côté soit des lâches, soit des fourbes trompeurs, m'a dérangée dans ce contexte. Je n'ai guère trouvé de passages du récit où l'homosexualité ne soit pas envisagée comme une perversion, le plus souvent répugnante. Sauf, bizarrement,
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quand trois femmes font l'amour devant le héros, et l'invitent à le rejoindre (mais je vous rassure, même s'il en a très très envie, l'incorruptible Xénophon refuse).
Les femmes, ensuite, justement. Si on prend les "conquêtes" de Xénophon, on trouve la vieille p*** initiatrice, la jeune guerrière aux petits seins fermes et enfin (c'est avec elle que j'ai eu le plus de mal), l'épouse de Xénophon, vierge d'une stupidité confondante, appâtée par le gain, lascive juste ce qu'il faut, et qui finit par devenir la femme aimante, en admiration permanente devant son héros. Les personnages féminins sont exclusivement envisagés sous l'angle de leur beauté, sexualité, et le désir qu'elles suscitent chez les hommes, ou alors (en Perse) leur rivalité pour un homme. C'est la période historique traitée qui veut ça, vous me direz. Mais je reviens alors à M. Miller, par exemple, ou pour prendre un auteur-homme-de-plus-de- cinquante ans, Gemmel, qui fait des personnages de femme autrement plus complexes et intéressants (Kay aussi).
Enfin (et là je rejoins la critique du site, mais en plus sévère), si la naïveté toute vertueuse du héros s'entend dans la période de formation, elle devient franchement décevante dans la suite de l'histoire. Comme si l'auteur n'avait pas osé salir l'icône, Xénophon est parfait, le revendique régulièrement, lui le "bel et bon", qui cultive si fort les vertus grecques de tempérance et de justice. Cela donne un personnage très monolithique, auquel on ne s'attache pas, tellement fort, tellement courageux, et les scènes d'amour avec sa femme sont régulièrement d'une mièvrerie risible.
J'aurais vraiment aimé aimer ce livre, mais ça n'a pas fonctionné avec moi. Dans le genre de la fantasy historique il y a à mon sens beaucoup mieux, G. Gavriel Kay en tête.