D'ailleurs en France beaucoup d'auteurs sont issus de filières littéraires ( Laurent Genefort, Pierre Bordage, Cécile Duquenne, Corinne Guiteau...).
La tendance est curieusement la même chez les anglosaxons où même en SF on voit de plus en plus d'auteurs issus de filières littéraires.
Quant aux scientifiques je ne sais pas trop quoi penser. Sur Facebook, Fabien Cerutti faisait remarquer que ses élèves de S étaient de faibles lecteurs et d'autres enseignants sont venus confirmer en commentaires. Donc il semble qu'il n'y ait pas de tendance uniforme. Je pense que tout ça dépend des régions, de l'offre littéraire locale et de quelques autres facteurs.
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Pour apporter ma pierre à l'édifice, j'ai quitté le lycée y a moins de 7 ans. J'étais en L et dans ma petite classe de L (on était moins d'une quinzaine) on était 3 à lire (dont une lisait principalement du policier et de temps en temps de la fantasy et l'autre quasi exclusivement de la blanche elle adorait Amélie Nothomb et quelques livres pour adolescentes du style 4 filles et un jeans), les autres étaient en L par défaut en fait (mauvaise moyenne de math surtout). Une amie d'un autre lycée, un lycée de "L" mais assez élitiste, alors bon y avait plus de lecteurs mais en effet pas trop de lecture de genre.
J'avais des proches dans d'autres filières, pas que général (S-ES-STG-SMS) et ça ne lisait pas plus. En fait depuis la fin de primaire, chez moi en tout cas, aimer lire c'est pas quelque chose de "normal", ça vous vaut des moqueries même. Quasi personne n'aime lire donc clairement je pense pas que les filières jouent un rôle là-dedans. En tout cas mes profs n'ont jamais rien dit sur le fait que je lisais de la fantasy.
Ma prof de Français de première au lieu de nous demandait si on lisait en dehors des cours, nous demandait si personne ne lit du policier (comme si les autres genres n'existait pas, mais pour le coup elle concevait même pas qu'on puisse lire de la blanche pour le plaisir non plus). Mais elle avait uniquement cité Jawroski quand un camarade de classe lui avait demander des auteurs actuels de notre coin à côté de ça.
J'avais des proches dans d'autres filières, pas que général (S-ES-STG-SMS) et ça ne lisait pas plus. En fait depuis la fin de primaire, chez moi en tout cas, aimer lire c'est pas quelque chose de "normal", ça vous vaut des moqueries même. Quasi personne n'aime lire donc clairement je pense pas que les filières jouent un rôle là-dedans. En tout cas mes profs n'ont jamais rien dit sur le fait que je lisais de la fantasy.
Ma prof de Français de première au lieu de nous demandait si on lisait en dehors des cours, nous demandait si personne ne lit du policier (comme si les autres genres n'existait pas, mais pour le coup elle concevait même pas qu'on puisse lire de la blanche pour le plaisir non plus). Mais elle avait uniquement cité Jawroski quand un camarade de classe lui avait demander des auteurs actuels de notre coin à côté de ça.
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Quasi personne n'aime lire donc clairement je pense pas que les filières jouent un rôle là-dedans. En tout cas mes profs n'ont jamais rien dit sur le fait que je lisais de la fantasy.
Tout ça en partie parce que l'oligarchie a le pouvoir culturel. Et que le livre est considéré comme un instrument de domination d'une élite. Et ce sont les médias qui colportent cette image en ne parlant quasiment que de la blanche. En considérant qu'un roman doit avoir un sous texte socio-politique ou sinon ce n'est que du divertissement. On fait tout pour que les littératures de genre ne soient pas connus du plus grand nombre. La littérature noire est même devenue de "la littérature d'intervention sociale" et s'est légitimée en quittant le domaine du policier.
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Heu... Il y a un certain nombre de généralités dans ton explication qu'il faudrait nuancer très fortement.
Déjà parce que "l'oligarchie qui a le pouvoir culturel" c'est super vague et ça ne correspond à rien (c'est qui "l'oligarchie" ? et qu'est-ce que c'est "le pouvoir culturel" ? Bon courage pour définir ça de manière crédible sans donner dans le populisme ou le complotisme !).
Ensuite parce que les médias généralistes parlent de plus en plus des littératures de genre, notamment les grands journaux et sites d'information, les magazines...
Là où je vois persister une certaine mise à l'écart des littératures de genre, en revanche, c'est dans les magazines du type Le Magazine littéraire ou Lire, qui leur consacrent rarement des dossiers hors Tolkien. Et encore, là aussi, ce serait à nuancer, puisque par exemple Lire avait publié de la BD de SF avec des bonnes feuilles du prochain Bilal il y a quelques mois.
Déjà parce que "l'oligarchie qui a le pouvoir culturel" c'est super vague et ça ne correspond à rien (c'est qui "l'oligarchie" ? et qu'est-ce que c'est "le pouvoir culturel" ? Bon courage pour définir ça de manière crédible sans donner dans le populisme ou le complotisme !).
Ensuite parce que les médias généralistes parlent de plus en plus des littératures de genre, notamment les grands journaux et sites d'information, les magazines...
Là où je vois persister une certaine mise à l'écart des littératures de genre, en revanche, c'est dans les magazines du type Le Magazine littéraire ou Lire, qui leur consacrent rarement des dossiers hors Tolkien. Et encore, là aussi, ce serait à nuancer, puisque par exemple Lire avait publié de la BD de SF avec des bonnes feuilles du prochain Bilal il y a quelques mois.
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Tybalt a écrit :Là où je vois persister une certaine mise à l'écart des littératures de genre, en revanche, c'est dans les magazines du type Le Magazine littéraire ou Lire, qui leur consacrent rarement des dossiers hors Tolkien. Et encore, là aussi, ce serait à nuancer, puisque par exemple Lire avait publié de la BD de SF avec des bonnes feuilles du prochain Bilal il y a quelques mois.
Oui mais Bilal quoi ! Des bd qui font réfléchir

Si l'enfer est ici alors autant s'en faire, si l'enfer est ici alors autant s'en faire, s'en faire un paradis. --- Shaka Ponk
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Je trouve que tous ces avis et témoignages sont éclairants et intéressants. Mais effectivement ce ne sont, au mieux, que des observations empiriques, et, au pire, des opinions.
Donc, chaque point de vue, surtout émanant de différentes sphères rattachées au domaine par des biais hétérogènes, éclaire le sujet avec une inévitable teinte de subjectivité.
Et d'ailleurs, perso en tout cas, je ne prétends pas du tout à faire ici un travail scientifique de sociologue des pratiques culturelles... :-)
C'est un forum, on discute, on témoigne, on débat et c'est passionnant sur un tel sujet. Cela montre déjà que l'on vit une période de mutation. Il y a du changement. Ça bouge. Les lignes se déplacent et c'est pour ça qu'il est encore difficile de dégager des tendances stables, qui sortent des généralités. C'est normal. C'est labile et c'est aussi pour cela que c'est passionnant. On va vivre des bouleversements sociotechniques sans précédents (et cognitifs donc culturels) dans les 20 prochaines années. Les pratiques de lecture vont être totalement redéfinies à mon sens. Et là c'est le balbutiement et le vacillements des fondations... :-) Déstabilisant...
Déjà au lycée, il n'y a plus de filières au lycée, hop ! On verra... Mais les programmes sont catastrophiques pour redéfinir les normes hiérarchiques culturelles établies (ou les abolir...). On l'a vu plus haut avec les instructions officielles. Au collège, comme cela a été dit, c'est de la charité.
Mais actuellement, globalement, je suis d'accord avec Fabien : il y a un normatif culturel qui est encore très fort et qui est produit par, force est de l'admettre, une élite. C'est justement cette élite qui est représentée par les mag cités. Et le pb c'est que c'est cette élite qui fait foi et loi : on ne s'en rend même plus compte. La même qui produit les programmes scolaires. Les médias généralistes eux ne font que de la "diffusion", du relai, ils ne produisent pas une "norme" qui fait référence, qui travaille les représentations (qui induisent fatalement les pratiques et surtout les non-pratique...), même inconsciemment. Je crois que c'est une réalité (peut-être pas la vérité mais une réalité) qui peut, pour une fois, s'observer en dehors de l'épée de Damoclès du complotisme ou du populisme, argument-massue bien pratique pour occulter, quelquefois, des faits dérangeants sous couvert de subtilité, clore le débat et ranger justement tt le monde dans des cases normatives. En dehors de l'anti-complotisme, pas de salut intellectuel...
Si dire que la domination culturelle, c'est du complotisme, alors je suis complotiste... Si dire qu'il y a, surtout en matière d'éducation et de culture, une minorité agissante qui n'est pas en lien avec le terrain, c'est du populisme, alors je suis populiste...
Quiconque est allé en fac de lettres l'a vécu (inconsciemment ou consciemment d'ailleurs encore une fois, c'est le principe de la norme). C'est aussi pour cela que les parcours scolaires sont significatifs. L'université est une machine à produire de la norme. La sacro-sainte orthographe en est une belle preuve.
Ex : "J'ai commencé par lire des mangas, après je me suis passionné pour le steampunk en général puis j'ai découvert Jules Verne, j'ai tout lu (en cachette car j'étais en L et j'avais 16 ans, on devait lire Montesquieu...) et j'ai trouvé que c'était un grand écrivain, qu'il écrivait mieux que tout ce que j'avais jamais lu...Que c'était ça pour moi la littérature. Je vais en fac de lettres pour approfondir ça, pour apprendre, m'améliorer et m'ouvrir à la litt. du 19ème par ex (au lycée pas eu le temps avec les jeux de rôles et tout...) Mais je suis nul en orthographe, un peu dyslexique (mes parents ne m'ont jamais fait diagnostiquer). Un peu brouillon... En 6 mois, je suis balayé par la machine normative. Surtout parce que je fais des fautes d'orthographe et que les profs de fac ne lisent pas les copies avec des erreurs dans un code arbitraire pour lequel je n'ai jamais rien eu à dire... Et en plus mon prof "préféré" m'a dit que Jules Verne, c'était plutôt en histoire des Sciences de l'Education ou en sur des moc, les mouques là vous savez, pour vous, sur Internet, soyez sérieux..."
Ce parcours est classique. Ou était car il n'y a plus personne en fac de lettres. Il y 20 ans on était 800 en première année, maintenant 100... Ceux qui passent le master deviennent journalistes à Lire et veulent donner le prix Nobel à Michel Houellebecq ou écrire... hélas... CQFD.
Je caricature (à peine...) mais je crois que c'est encore une réalité.
Après il y a les pratiques en dehors des institutions bien sûr... pour ceux qui ont survécus. Mais tout le monde passe par des institutions, non ?
Bon, le terme oligarchie est un peu fort... peut-être, mais j'aime bien, c'est romanesque ;-)
Et quelque fois, on le sait, les romans en disent bien plus que la science...
Donc, chaque point de vue, surtout émanant de différentes sphères rattachées au domaine par des biais hétérogènes, éclaire le sujet avec une inévitable teinte de subjectivité.
Et d'ailleurs, perso en tout cas, je ne prétends pas du tout à faire ici un travail scientifique de sociologue des pratiques culturelles... :-)
C'est un forum, on discute, on témoigne, on débat et c'est passionnant sur un tel sujet. Cela montre déjà que l'on vit une période de mutation. Il y a du changement. Ça bouge. Les lignes se déplacent et c'est pour ça qu'il est encore difficile de dégager des tendances stables, qui sortent des généralités. C'est normal. C'est labile et c'est aussi pour cela que c'est passionnant. On va vivre des bouleversements sociotechniques sans précédents (et cognitifs donc culturels) dans les 20 prochaines années. Les pratiques de lecture vont être totalement redéfinies à mon sens. Et là c'est le balbutiement et le vacillements des fondations... :-) Déstabilisant...
Déjà au lycée, il n'y a plus de filières au lycée, hop ! On verra... Mais les programmes sont catastrophiques pour redéfinir les normes hiérarchiques culturelles établies (ou les abolir...). On l'a vu plus haut avec les instructions officielles. Au collège, comme cela a été dit, c'est de la charité.
Mais actuellement, globalement, je suis d'accord avec Fabien : il y a un normatif culturel qui est encore très fort et qui est produit par, force est de l'admettre, une élite. C'est justement cette élite qui est représentée par les mag cités. Et le pb c'est que c'est cette élite qui fait foi et loi : on ne s'en rend même plus compte. La même qui produit les programmes scolaires. Les médias généralistes eux ne font que de la "diffusion", du relai, ils ne produisent pas une "norme" qui fait référence, qui travaille les représentations (qui induisent fatalement les pratiques et surtout les non-pratique...), même inconsciemment. Je crois que c'est une réalité (peut-être pas la vérité mais une réalité) qui peut, pour une fois, s'observer en dehors de l'épée de Damoclès du complotisme ou du populisme, argument-massue bien pratique pour occulter, quelquefois, des faits dérangeants sous couvert de subtilité, clore le débat et ranger justement tt le monde dans des cases normatives. En dehors de l'anti-complotisme, pas de salut intellectuel...
Si dire que la domination culturelle, c'est du complotisme, alors je suis complotiste... Si dire qu'il y a, surtout en matière d'éducation et de culture, une minorité agissante qui n'est pas en lien avec le terrain, c'est du populisme, alors je suis populiste...
Quiconque est allé en fac de lettres l'a vécu (inconsciemment ou consciemment d'ailleurs encore une fois, c'est le principe de la norme). C'est aussi pour cela que les parcours scolaires sont significatifs. L'université est une machine à produire de la norme. La sacro-sainte orthographe en est une belle preuve.
Ex : "J'ai commencé par lire des mangas, après je me suis passionné pour le steampunk en général puis j'ai découvert Jules Verne, j'ai tout lu (en cachette car j'étais en L et j'avais 16 ans, on devait lire Montesquieu...) et j'ai trouvé que c'était un grand écrivain, qu'il écrivait mieux que tout ce que j'avais jamais lu...Que c'était ça pour moi la littérature. Je vais en fac de lettres pour approfondir ça, pour apprendre, m'améliorer et m'ouvrir à la litt. du 19ème par ex (au lycée pas eu le temps avec les jeux de rôles et tout...) Mais je suis nul en orthographe, un peu dyslexique (mes parents ne m'ont jamais fait diagnostiquer). Un peu brouillon... En 6 mois, je suis balayé par la machine normative. Surtout parce que je fais des fautes d'orthographe et que les profs de fac ne lisent pas les copies avec des erreurs dans un code arbitraire pour lequel je n'ai jamais rien eu à dire... Et en plus mon prof "préféré" m'a dit que Jules Verne, c'était plutôt en histoire des Sciences de l'Education ou en sur des moc, les mouques là vous savez, pour vous, sur Internet, soyez sérieux..."
Ce parcours est classique. Ou était car il n'y a plus personne en fac de lettres. Il y 20 ans on était 800 en première année, maintenant 100... Ceux qui passent le master deviennent journalistes à Lire et veulent donner le prix Nobel à Michel Houellebecq ou écrire... hélas... CQFD.
Je caricature (à peine...) mais je crois que c'est encore une réalité.
Après il y a les pratiques en dehors des institutions bien sûr... pour ceux qui ont survécus. Mais tout le monde passe par des institutions, non ?
Bon, le terme oligarchie est un peu fort... peut-être, mais j'aime bien, c'est romanesque ;-)
Et quelque fois, on le sait, les romans en disent bien plus que la science...
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Emmanuel Todt à l'époque où il était encore fréquentable, disait que dans le monde anglosaxon la culture populaire avait fini par s'imposer à toute la société y compris aux élites alors qu'en France la culture de l'élite avait fini à s'imposer à tous y compris à une partie du prolétariat. Il y a plein de causes en fait. Par exemple l'éducation populaire n'apparaît vraiment en France que dans l'après guerre. Aux USA c'est au milieu du 19éme siècle ( notamment avec des actions pour les immigrants au tout départ) et en Grande Bretagne c'est à l'époque Victorienne. Ce retard est sans doute à prendre en compte dans les représentation culturelle.
Dans les années 80 il y a eu une volonté de légitimation aussi qui s'est exprimé de la part d'une partie des classes moyennes supérieures. Une volonté d'intégration dans un modèle. Je crois aussi que certaines politiques culturelles ont contribué à consolider ce modèle à l'époque en croyant bien faire, en pensant que démocratiser l'élitisme était une bonne chose. Alors que c'était contre-productif. Derrière tout ça il y a surtout de la méconnaissance de la part de certains et aussi une part de nationalisme culturel (même si nationalisme est un mot fort). En tout la volonté de préserver un mythe, celui de la France pays de la culture. Mais si ce n'est qu'un mythe. Alors qu'il aurait fallu faire évoluer notre culture. Le fait que la plupart des institutions soient sur Paris n'aide pas. Il faudrait en décentraliser une partie pour les rapprocher de la population.
Mais tout ça n'a pas contribué à faire sortir nos cultures du ghetto.
Pourtant si l'on réfléchit bien, elles peuvent être un instrument de construction sociale, de pont entre les individus y compris d'origines différentes, sont une soupape de sécurité utile pour la société. Si l'imaginaire avait pignon sur rue est ce que la société ne serait pas pacifié. Est ce que notre culture ne permettrait pas de résoudre certains problèmes ?
Par exemple un député rappelait récemment à la TV que la France est le pays de l'OCDE où l'on consomme le plus de drogues récréative. Est ce que l'imaginaire ne jouerait pas le même rôle d'évasion du quotidien de manière plus saine ? Bref est ce que promouvoir l'imaginaire et le développer ne ferait pas reculer la consommation de drogue ?
Dans un même ordre d'idée j'ai lu des témoignages de rôliste qui expliquait comment le jdr les avait sauvé de la délinquance. Donc l'imaginaire a certaine vertus qu'il ne faudrait pas ignorer.
Dans les années 80 il y a eu une volonté de légitimation aussi qui s'est exprimé de la part d'une partie des classes moyennes supérieures. Une volonté d'intégration dans un modèle. Je crois aussi que certaines politiques culturelles ont contribué à consolider ce modèle à l'époque en croyant bien faire, en pensant que démocratiser l'élitisme était une bonne chose. Alors que c'était contre-productif. Derrière tout ça il y a surtout de la méconnaissance de la part de certains et aussi une part de nationalisme culturel (même si nationalisme est un mot fort). En tout la volonté de préserver un mythe, celui de la France pays de la culture. Mais si ce n'est qu'un mythe. Alors qu'il aurait fallu faire évoluer notre culture. Le fait que la plupart des institutions soient sur Paris n'aide pas. Il faudrait en décentraliser une partie pour les rapprocher de la population.
Mais tout ça n'a pas contribué à faire sortir nos cultures du ghetto.
Pourtant si l'on réfléchit bien, elles peuvent être un instrument de construction sociale, de pont entre les individus y compris d'origines différentes, sont une soupape de sécurité utile pour la société. Si l'imaginaire avait pignon sur rue est ce que la société ne serait pas pacifié. Est ce que notre culture ne permettrait pas de résoudre certains problèmes ?
Par exemple un député rappelait récemment à la TV que la France est le pays de l'OCDE où l'on consomme le plus de drogues récréative. Est ce que l'imaginaire ne jouerait pas le même rôle d'évasion du quotidien de manière plus saine ? Bref est ce que promouvoir l'imaginaire et le développer ne ferait pas reculer la consommation de drogue ?
Dans un même ordre d'idée j'ai lu des témoignages de rôliste qui expliquait comment le jdr les avait sauvé de la délinquance. Donc l'imaginaire a certaine vertus qu'il ne faudrait pas ignorer.
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Fabien Lyraud a écrit :Une volonté d'intégration dans un modèle. Je crois aussi que certaines politiques culturelles ont contribué à consolider ce modèle à l'époque en croyant bien faire, en pensant que démocratiser l'élitisme était une bonne chose. Alors que c'était contre-productif. Derrière tout ça il y a surtout de la méconnaissance de la part de certains et aussi une part de nationalisme culturel (même si nationalisme est un mot fort). En tout la volonté de préserver un mythe, celui de la France pays de la culture. Mais si ce n'est qu'un mythe. Alors qu'il aurait fallu faire évoluer notre culture. Le fait que la plupart des institutions soient sur Paris n'aide pas. Il faudrait en décentraliser une partie pour les rapprocher de la population.
Je suis tout à fait d'accord. Notre histoire joue beaucoup. Ce que tu dis avant sur l'éducation populaire est fondamental, je pense. C'est génétique (ou épigénétique plutôt) et participe à une évolution de notre ADN culturel et institutionnel. Pour corréler l'observation, regardons - mais là j'enfonce des portes ouvertes - le dynamisme et "l'intégration" de l'Imaginaire anglo-saxon dans la culture au sens large du terme, en dehors de quelconque critère de qualité. Pas que pour la litt (la musique etc.)
C'est un mal français, oui je crois : c'est tellement dommage car si arrivait à réconcilier (pas mélanger hein :-)) l'institutionnel, l'académique, le culturel mainstream avec les forces vives de l'Imaginaire, et bien on serait les meilleurs, nan ! (fier nationalisme culturel qui revient au galop, le menton altier ! :-))
Et il y aurait tellement de lecteurs, d'auteurs (eux y'en a peut-être assez...:-)) et de professionnels en + !
Et je crois aussi que c'est une bonne part de cette mythologie nationale, illusoire et doloriste, de ce poids historique, culturel et institutionnel (suradministré et centralisé ?) qui "nous" rend frustrés, malades de nous même et complexés.
Mais aussi complexes ;-) pour le meilleur aussi (un secteur imaginaire qui se développe quand même globalement avec plusieurs chefs-d’œuvre écris tous les ans + plus de 1000 romans de blanche qui sortent par an, c'est unique au monde... même si peu de monde lis tout ça... surtout la blanche ! cocorico ! oh non le natioralisme ambiguë français qui repart au triple galop... :-)
Dans le système éducatif (et surtout universitaire), en revanche, je trouve que cette complexité devient simplement mortifère, aveugle et dévastatrice. Totalement inadaptée, alors que l'université ne cesse d'aboyer que ce sont les étudiants qui ne sont pas adaptés à elle... Remise en question ? Dans un pays anglo-saxon ça ne passerait pas (même si leur système a aussi de GROS défauts) Tant que l'on ne résoudra pas l'équation à l'école : littérature = art supérieur dif de lecture qui n'est pas égale à plaisir mais plutôt équivalent à code (syntaxique, orth etc.) que seuls des élus de Dieu peuvent transcender ; et à posture culturelle, à justification culturelle. Il faudrait passer à : lecture = gratuité donc plaisir, construction de soi, oral, liens : jeux, musique, chant, film, théâtre, sciences etc.
Simplifier en fait, ce qui ne veut pas dire rabaisser le niveau ( quoi que...) mais juste humaniser et en finir avec nos vieilles chaines judéo-christiano-cartésienne. Et l'Imaginaire, comme tu le dis Fabien, est la voie royale pour ça.
Tant que cette équation n'est pas résolue, les choses changeront peu (reproduction dans la même matrice)... Où quand elles changeront, plus personne ne lira...(juste pour lire, c'est bien aussi) et ce sera trop tard ( là c'est le pessimisme français qui revient au galop... :-)
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+ plus de 1000 romans de blanche qui sortent par an, c'est unique au monde...
Selon Jean Marc Roberts, ancien directeur littéraire chez Stock, il n'y aurait que 5 bons romans de blanche publiés par ans à peu près. Et il reconnaissait être le premier à publier de la merde pour sauver la vision française de la littérature :
https://www.lefigaro.fr/livres/2007/02/08/03005-20070208ARTWWW90445-_les_vrais_ecrivains_d_aujourd_hui_se_comptent_sur_les_doigts_d_une_main_.php
L'article est de 2007 mais c'est quand même assez édifiant d'un système qui refuse de regarder ce qui se passe dans les littératures de genre et populaires. Qui s'autocongratulent mais qui est totalement vide en fait.
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Pardon, Tolkien en 5 et Cent ans de solitude de Garcia Marquez en 4. Il y a aussi 1984 de G. Orwell en 6 et Gagner la guerre de J-P Jaworski en 67eme position.
Et encore, un article pour commenter ce classement, d’un titulaire de chaire de littérature au collège de France, qui s’avoue « sidéré » du classement, et n’imagine pas, le pauvre, que ce soient les mêmes lecteurs qui aient placé Harry Potter et Céline ou Proust aux premières places...
Et j’ajouterais, puisqu’il est question finalement d’un certain élitisme, tout aussi détestable que ceux qui cassent du diplôme, du littéraire ou que sais-je encore, qu’on peut être agrégé de philosophie, s’en f**** mis à part pour le confortable salaire et le temps libre (de lecture) que cela rapporte, apprécier au même rang Kant, Platon, Heidegger, Harry Potter, Tolkien, Proust, Descartes, D.Gemmel, Damasio ou les premiers romans érotiques d’Emma Cavalier. Et bien sûr, je ne suis pas la seule, hors d’un certain petit monde des lettres, à être dans mon cas.
À bon entendeur...
Et encore, un article pour commenter ce classement, d’un titulaire de chaire de littérature au collège de France, qui s’avoue « sidéré » du classement, et n’imagine pas, le pauvre, que ce soient les mêmes lecteurs qui aient placé Harry Potter et Céline ou Proust aux premières places...
Et j’ajouterais, puisqu’il est question finalement d’un certain élitisme, tout aussi détestable que ceux qui cassent du diplôme, du littéraire ou que sais-je encore, qu’on peut être agrégé de philosophie, s’en f**** mis à part pour le confortable salaire et le temps libre (de lecture) que cela rapporte, apprécier au même rang Kant, Platon, Heidegger, Harry Potter, Tolkien, Proust, Descartes, D.Gemmel, Damasio ou les premiers romans érotiques d’Emma Cavalier. Et bien sûr, je ne suis pas la seule, hors d’un certain petit monde des lettres, à être dans mon cas.
À bon entendeur...
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Anna a écrit :Et j’ajouterais, puisqu’il est question finalement d’un certain élitisme, tout aussi détestable que ceux qui cassent du diplôme, du littéraire ou que sais-je encore, qu’on peut être agrégé de philosophie, s’en f**** mis à part pour le confortable salaire et le temps libre (de lecture) que cela rapporte, apprécier au même rang Kant, Platon, Heidegger, Harry Potter, Tolkien, Proust, Descartes, D.Gemmel, Damasio ou les premiers romans érotiques d’Emma Cavalier. Et bien sûr, je ne suis pas la seule, hors d’un certain petit monde des lettres, à être dans mon cas.
À bon entendeur...
Exactement. Pour être allée en prépa et dans plusieurs filières de fac (c'est mon côté "j'aime pas les études supérieures mais je sais pas quoi faire de ma vie alors je vagabonde), on trouve de tout dans ces filières. Il y a des gens qui ne vont lire que ce qui est validé par l'institution (c'est leur droit après tout, y a des bons trucs dedans aussi) et ceux qui vont lire un peu de tout. Mon prof de prépa avouait même sans complexe qu'il détestait Proust. Alors je ne dis pas que ça n'existe pas les gens qui méprisent la SFFF, les BD ou les mangas, j'en ai croisé aussi, mais il n'y a pas que ça non plus dans ces filières.
Pour le fait que les littéraires lisent moins de SFFF, ou même moins tout court, ce n'est pas étonnant : les gens vont (enfin, allaient) en L par défaut. Mes années de première et de terminale, il n'y avait même pas de classe de L ouverte : seulement 4 personnes avaient demandé, alors on leur avait demandé de changer ou d'aller dans le lycée de la ville voisine (qui était réputé pour sa filière littéraire). Les parents poussaient les enfants à aller en S parce que c'est vu comme la "voie royale", qui permet de faire ce qu'on veut. D'ailleurs, j'étais en S, mais ça ne m'a pas empêché de faire du littéraire derrière... Alors qu'en L, c'était plutôt pour les élèves qui voulaient aller en général mais n'avaient pas le niveau pour la S ou la ES... Ce n'était pas comme ça pour tout le monde bien sûr, il y avait des gens qui choisissaient L, mais pas que... Je ne sais pas si ça va changer ou non avec la réforme (pour l'instant, les élèves choisissent plutôt des spécialités qui reproduisent les filières).
Par ailleurs, on peut aimer lire, mais pas forcément aimer lire ce qu'on étudie en classe, d'où peut-être aussi que ceux qui lisent n'allaient pas en L...
Cela étant dit, je suis d'accord que la France est plus élitiste que d'autres avec la culture. Les auteurs invitaient sur les plateaux télé sont très souvent des auteurs de blanche, des livres qui sont censés avoir un message en plus voire à la place de l'histoire (pas que y est jamais de message en SFFF, cela dit). Et je pense que je ne vois jamais d'auteurs jeunesse invités non plus, par exemple, alors qu'il me semble que c'est quelque chose qui marche bien dans le marché du livre.
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Par ailleurs, on peut aimer lire, mais pas forcément aimer lire ce qu'on étudie en classe, d'où peut-être aussi que ceux qui lisent n'allaient pas en L...
J'ai fait des études sciences du langage (reprises sur le tard à la trentaine après 12 ans d'interruption). Or la linguistique et la sémiotique sont des outils indispensables pour travailler sur le texte littéraire et qui permettent de faire émerger des sens y compris caché de n'importe quel récit. Mais en Lettres ça ne s'apprend pas. En filière littéraire c'est réduit au strict minimum ( les figures de style). Or il y a plein d'outils utiles.
Dans d'autres pays (Grande Bretagne, Italie, Europe du Nord) ce n'est pas le cas. Et les lycéens apprennent la maîtrise des outils et des grilles d'analyse qui vont leur permettre de tirer le sens d'un texte. En France non, on se base encore sur des concepts du 19éme siècle (la critique Lansonienne de la Sorbonne).
Après c'est différent à l'université. Les profs de littératures comparés utilisent des grilles d'analyse anthropologiques, psychanalytiques ou autre qui sont tout à fait valables et sont généralement à la pointe de la recherche en littérature. Et souvent d'ailleurs ce sont eux les chevaux de Troie de l'imaginaire en fac de Lettres ( Irène Lenglet et Anne Besson sont chercheuses en littérature comparée par exemple). Simon Bréant par exemple est devenu un des spécialistes de la Sf française à l'université, c'est aussi un chercheur en littérature comparée. Ce sont surtout les chercheurs en littérature française qui sont conservateurs.
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Fabien Lyraud a écrit :Ce sont surtout les chercheurs en littérature française qui sont conservateurs.
Oui je pense. C'est de cette arrière-garde là que je parle et que j'ai beaucoup pratiqué et observé, sous tous les angles. Mais ça dépend bcp des facs. Et encore une fois je ne prétends ni à l'objectivité ni à la vérité. Mes remarques, tirée d' une petite expérience mais viscérales, ne veulent en aucun cas être clivantes, au contraire je pense, si on lit bien. Je crois que c'est l institution qui est normative et clivante et qu'ouverture, esprit de liberté, bonne foi et bienveillance ne sont encore hélas que des exceptions. Donc je crois quand même vraiment que les Anne Besson sont extrêmement minoritaires. Sinon on aurait plus de nom à citer non ? Pour l'instant. Mais ça bouge???? si l'institution laisse la place car il y a une crise des vocations et ce n'est pas pour rien...